RUGBY. La mutation frappante des entraineurs du Top 14 ces dernières années
Les entraineurs du Top 14 ont évolué ces dernières années pour laisser place à des techniciens, encore bavards pour la plupart cependant.
Et si le jeu du Top 14 avait évolué à mesure que de nouveaux profils d'entraineurs arrivaient petit à petit sur les bancs du championnat de France ?

Alors que les entraineurs du Top 14 ont comme réputation d'être des poètes maniant les tirades à la perfection pour galvaniser leurs troupes, ils sont de plus en plus portés vers une réflexion personnelle et stratégique du jeu. On connaissait les interpellations d'Alain Gaillard avant un quart de finale du Castres Olympique en 1999 face à Clermont, où il se disait "prêt à mourir" avec les joueurs. Les cris de Guy Novès pour motiver son équipe du Stade Toulousain lorsque le chrono défilait. Et évidemment Christophe Urios qui arrive toujours à transcender ses troupes lors des moments opportuns.Top 14. UBB. ''Si certains tremblent, il ne faut pas qu'ils mettent le maillot'' : Urios annonce la couleurTop 14. UBB. ''Si certains tremblent, il ne faut pas qu'ils mettent le maillot'' : Urios annonce la couleurIls s'inscrivent dans une longue tradition venant du début du rugby français. Où dès les premières confrontations avec les Britanniques, ces derniers nous voyaient déjà comme indisciplinés ou agités. Tout l'inverse du flegme que transpirent les nations d'outre-Manche. Si leur passion pour le jeu n'est pas à démontrer et reste marquante lors des moments tendus des rencontres (poings rageurs, cris de joie), leur préparation en amont est radicalement différente. Les Britanniques apportent beaucoup d'importance à tout prévoir, là où les Français excellent où rien ne l'est… Dans le Top 14, on assiste petit-à-petit à la disparition de cet "entraineur de clocher", dont le dernier fier représentant est Christophe Urios. Le gourou de Chaban-Delmas, déjà champion de France avec Castres en 2018, est l'un des derniers de la race des seigneurs à élever la voix et à transcender n'importe quel joueur par des mots ou des paroles. Désormais, les Gaillard, Urios, Novès, laissent de plus en plus leurs places à des techniciens plus poussés par la stratégie, comme l'explique l'excellent article de RugbyPass.Giflounette ratée et mots doux, Urios et O’Gara ne partiront pas en vacances ensembleGiflounette ratée et mots doux, Urios et O’Gara ne partiront pas en vacances ensembleEt pourtant, rien ne destinait le championnat de France de prendre une telle tournure, il y a encore quelques saisons. Il faut même remonter aux années 1990 pour comprendre la mentalité de la fédération française de rugby. De 1990 à fin 1991, c'est l'Agenais Daniel Dubroca qui était le sélectionneur de l'équipe de France. Il laissa son empreinte dans l'histoire du rugby français après s'en être pris verbalement et physiquement à l'arbitre du quart de finale de la coupe du monde face à l'Angleterre. Ce jour-là, les Anglais avaient décidé de viser Serge Blanco sur tous les ballons, multipliant les coups bas et énervant les Français. Provocations, coups de poings, chambrages incessants etc, Dubroca n'a pu se contenir à l'issue de la rencontre dans les couloirs du Parc des Princes ses nerfs face à M.Bishop.

Si cet incident répréhensible venait traduire un cri du cœur de la part de Dubroca, il sera marquant dans l'état d'esprit du rugby français. Et surtout dans ce qu'il devait être, et qui devait le représenter. Le choix d'anciens premières lignes, rugueux, s'est multiplié dans les différents encadrements des clubs français à partir de cette époque. Les Laurent Seigne, Patrice Collazo, Laurent Rodriguez, Jacques Delmas, Pascal Peyron, Olivier Saïsset, tous plus sanguins les uns que les autres, représentaient l'entraineur français du Top 14. Des entraineurs qui plus est gagnaient. À des années lumières des techniciens que produisaient les Australiens ou les Néo-Zélandais, le rugby français se contentait de ses acquis au début des années 2000 avec sa méthode. Mais face à l'arrivée de plus en plus persistante de Treizistes en charge des défenses britanniques, du jeu moderne qui allait de plus en plus vite, la France avait du terrain à rattraper sur les autres nations. Notamment la manière d'entrainer.

C'est alors que l'arrivée comme DTN du rugby français de Didier Retière en 2014, a fait évoluer la mentalité du rugby français. De la part d'une ancienne première ligne qui plus est ! L'ancien adjoint en charge des avants en équipe de France sous Marc Lièvremont, avait en effet relevé qu'il ne suffisait plus d'avoir des muscles pour percer des défenses. Surtout, il pointait du doigt les recrutements de certains entraineurs, uniquement par réputation et par nom. Il fallait alors se concentrer vers des noms peut-être moins connus, mais qui réfléchissaient davantage à l'évolution du jeu. L'exemple typique étant Sébastien Piqueronies, qui n'ayant pas eu une carrière de joueur professionnel brillante, a gagné deux titres de champion du monde avec les moins de 20 ans en 2018 et 2019, et entraine désormais la Section Paloise en Top 14.

"Je fais partie d'un système assez bien huilé, déclarait-il en 2019 après son deuxième sacre mondial. Je travaille en concertation avec les clubs, le staff technique... un style qui allie l'agressivité, dans la tradition française, d'un jeu fort vers l'avant, avec de la vitesse au départ et de l'intelligence dans la prise de décision". Des disciples de Piqueronies ont ainsi émergé ces dernières années pour mettre aux avants-postes leurs clubs. Et des anciens arrières cette fois-ci. Ugo Mola au Stade Toulousain, Pierre Mignoni à Lyon, Pierre-Henry Broncan au Castres Olympique, Franck Azéma à Clermont. Et parmi les techniciens étrangers de la même trempe qui ont eu du succès en Top 14, on peut citer Ronan O'Gara et Gonzalo Quesada.

Les avants ont laissé place aux 3/4

Ainsi, le Top 14 a connu une très nette évolution dans le jeu grâce à ses entraineurs qui ne se contentaient plus d'envoyer à la guerre leurs joueurs. Si des emblématiques comme Guy Novès ou Christophe Urios, sont bien sûr des entraineurs portés sur le jeu et qui ont su s'adapter au travers des saisons la stratégie de leur équipe respective, ils en restaient par le style des techniciens à l'ancienne. Au bord du terrain, à crier sans cesse sur les joueurs, leur donner des consignes, etc.

Loin de l'allure des coachs de l'hémisphère sud ou des Britanniques, la plupart des actuels entraineurs performants en Top 14 ont justement repris une synthèse de Guy Novès pour le côté meneur d'hommes et gestionnaire qu'il était. Mais également sa vision du jeu qu'il avait. Ronan O'Gara, porté par une tradition très anglo-saxonne, a su s'intégrer en France en devenant le coach le plus détesté du Top 14 selon Christophe Urios. Quoi qu'il en soit, cette évolution a marqué le changement de jeu que le Top 14 a connu ses dernières saisons. Ce qui reste une bonne nouvelle finalement, est d'avoir le mélange "technocrate" et "entraineur de clocher" sous une même casquette pour différents clubs. Le jeu proposé restera agréable et assuré, mais les joutes verbales persisteront. Ugo Mola, héritier direct de Guy Novès, est l'exemple typique de l'entraineur qui tire le meilleur humainement de ses troupes, et qui est capable stratégiquement de faire le choix qui s'impose. Les entraineurs du Top 14 sont sur la même longueur d'onde désormais.

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On peut penser ce que l'on veut mais il manque au Top14 le regard vif et pétillant du stratège varois, son sens aigu de la stratégie n'avait pas d'égal dans notre championnat .

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