On a vu le film du Stade Toulousain avant tout le monde : notre avis sans langue de bois
Le trailer laisse déjà apercevoir le côté ultra dramatique et sérieux du film et le plan où Maxime Médard prend son petit déjeuner avec sa fille n'y changera rien.
Le Stade, c’est un film en noir et blanc avec des victoires et beaucoup d’Ugo Mola. Sortie le 13 avril dans les salles obscures.

Le pari est risqué. Depuis des générations, le Stade Toulousain a un double visage.  Pour ses supporters, il est le plus beau club de la galaxie et le meilleur représentant du rugby hexagonal. Pour ses détracteurs, le melon des rouges et noirs n’a aucun égal, si ce n’est celui que l’on trouve dans des cagettes au bord d’une route de campagne. Alors avec l’annonce d’un film sur le Stade Toulousain, les critiques ont fusé. La hâte des uns s’est confrontée aux moqueries des autres.

Le long-métrage offre 1h47 de rugbyman déterminé prêt à “s’envoyer comme des clebs" (préparez-vous à entendre cette phrase toutes les cinq minutes). Le tout proposé par la réalisation d’Éric Hannezo et Matthieu Vollaire qui ont suivi l’équipe durant 7 mois, de décembre 2020 à juin 2021. Ils racontent le doublé toulousain vu de l’intérieur des vestiaires. Mais au-delà des blagues faciles (et promis, on en avait pas mal en tête), que vaut le pas si petit film des quintuples champions d’Europe ? Ce dernier est-il simplement un énorme coup de com’ ou a-t-il un vrai intérêt cinématographique à être regardé ?VIDEO. L'appel du Terrain, le court-métrage d'un jeune rugbyman filmé au sein du CS ClichyVIDEO. L'appel du Terrain, le court-métrage d'un jeune rugbyman filmé au sein du CS Clichy

Au revoir le rouge, bonsoir le noir et blanc

Face aux premières lueurs du projecteur, le film présente déjà un choix d’image atypique : le noir et blanc. L’esthétique peut paraître prétentieuse. Surtout depuis l’époque où Vincent Cassel s’amusait à faire des grimaces dans son miroir. Mais ici, elle permet de garder une identité visuelle linéaire sur l’intégralité du film. Malgré les changements récurrents d’espaces et de décors, le métrage garde une cohérence graphique agréable pour le spectateur. À l’occasion de la sortie du film, le réalisateur commente le choix du noir et blanc ainsi que le format Cinémascope, avec une image beaucoup plus étendue que la normale. Matthieu Vollaire explique : 

Avec Eric Hannezo nous avons opté pour le noir et blanc pour plusieurs raisons. Par esthétisme d’abord, nous trouvions que le noir et blanc et son côté brut, intransigeant, authentique collait parfaitement à ce sport. Ensuite, c’est une question d’esthétique propre au rugby. Le rugby est peu présent en documentaires et c’est une façon de lui créer une identité visuelle qui lui est propre. Cela le démarque de ce qui a pu se faire pour d’autres sports. Enfin, le Stade Toulousain est un club à part, il était logique qu’il ait un film différent, qui sorte du lot.”

On a donc un duo de réalisateurs avec un message concret distribué à travers la forme du film. Et ça, c’est intéressant. (Même si la dernière phrase gonfle les pecs'). Mention spéciale pour la netteté de l’image et l’attention aux détails tout au long du film. Être capable de proposer chaque bouclette de Yoann Huget en 8K  mérite d’être salué. Quant au fait de filmer un entraînement au milieu des joueurs sans avoir peur de se manger un Faumuina lancé entre les deux omoplates… On est sur une performance qui nécessite un Oscar sans attendre.Deux légendes All Blacks auront droit à un film sur leur carrière [Vidéo]Deux légendes All Blacks auront droit à un film sur leur carrière [Vidéo]

Une atmosphère prenante, mais partiellement maîtrisée

Le film casse avec beaucoup d’habitudes des documentaires sportifs. Depuis quelques années, les Drive to Survive ou autre All or Nothing ont inondé nos écrans. Cependant, Le Stade s’éloigne de ces superproductions, avec un outil narratif simple : l’absence même de narrateur. Ça peut paraître bête, mais le film ne propose (presque) aucun style de narration extradiégétique. On ne retrouve pas d’interview face cam des joueurs ou du staff, ni de voix suave à la Tom Hardy pour nous raconter la pubalgie de Thomas Ramos. Tout le film se laisse porter par le fil des rencontres et des discours de Didier Lacroix, d’Ugo Mola et de son staff.

Quelques étranges entorses à cette atmosphère sont néanmoins observées. Le décompte des mois et l’annonce des matchs s’intègre parfaitement à la logique du film. Mais les cartons explicatifs, qui disparaissent mystérieusement au bout de 40 minutes, paraissent sortir de nulle part. Les explications textuelles nous donnent l’impression d’être face à une antisèche offerte à un spectateur fan de cricket qui se serait trompé de salle (ce qui a vraisemblablement peu de chances d’arriver). Il en est de même pour les commentaires officiels de matchs présents sur les extraits de diffusion TV. À moins que Clément Poitrenaud n'ait les commentaires de France 2 dans son casque durant la rencontre sans qu’on le sache. Ils brisent en partie l’effort d’immersion installé tout au long du film. 

Ugo Mola, le film

Mais derrière tout ce pinaillage, quel est le propos du film ? On pouvait s’attendre à une série de gros plans et de portraits sur les différentes superstars toulousaines, mais il n’en est rien. De ce point de vue, le film ne cède pas à la simplicité, et c'est tant mieux. Il n’y a aucun focus de joueurs et on ne se rend même pas compte de l’absence de “Toto” Dupont et autres durant la période de doublons. Le métrage ne présente pas non plus de plan intimiste sur la tragique fin de carrière de Yoann Huget. L’œuvre semble prendre conscience de son aspect déjà très “fan-service” et se bride afin de n’en abuser que rarement pour un résultat équilibré.Top 14. Stade Toulousain. Ugo Mola prolonge à Toulouse jusqu'en 2027 !Top 14. Stade Toulousain. Ugo Mola prolonge à Toulouse jusqu'en 2027 !

Les seuls vrais-faux moment de gloire des joueurs sont leur passage à l’infirmerie. Une manière de renvoyer à l’impact d'une blessure dans l’effectif. Car oui, le film sacralise énormément le groupe et les ©valeurs collectives du rugby. Bien évidemment, tout reposer sur le collectif sans humaniser le récit deviendrait rapidement aussi ennuyeux qu’un épisode des Experts Manhattan. Pour éviter cela, le métrage envoie beaucoup d’énergie et de messages à travers le coach rouge et noir Ugo Mola.

La très grande majorité des monologues entendus sortent de la bouche du successeur de Guy Novès (qui, lui, n’a pas de film à son palmarès). Il agrippe le spectateur durant la totalité du film et est montré comme le symbole de l’effectif. D’ailleurs, on nous livre régulièrement les émotions du manager toulousain durant les matchs et les réussites ou échecs rencontrés. Ses discours d’avant-match sont continuellement mis en avant. On aurait peut-être aimé que le film s'appuie davantage sur les éventuels moments douloureux liés aux défaites. Pourtant, durant le tournage, les rouges et noirs ont connu cinq affiches conclues en leur défaveur. Une période de trois défaites en quatre matchs de Top 14 a également existé en fin de saison sans être mentionnée, les échéances européennes prenant le pas dans le film. Pourquoi ne pas donner plus de place aux moments de doute, aux échecs, qui représentent autant de remises en question, et d'opportunités de progression pour les sportifs professionnels ? Ils font partie intégrante de la vie d'un groupe, et sont souvent porteurs de précieuses leçons. Quelques moments où “le groupe vit bien mal” sont distillés, mais la page se referme aussitôt sans même nous laisser entrevoir les failles des futurs champions.INSOLITE. Une équipe professionnelle diffuse une série documentaire sur sa saison 2021INSOLITE. Une équipe professionnelle diffuse une série documentaire sur sa saison 2021

Conclusion :

À travers son esthétique et son propos, le film donne un réel crédit au monde du rugby. Des entraînements aux (quelques) soirées filmées, tout est évoqué sous un angle dramatique. Sans devenir une compilation de cuites et de réveils difficiles, le film aurait sûrement mérité d'être plus léger par moment. Un groupe se construit également par les instants passés en dehors des infrastructures du club. De plus, les célébrations après-match entre copains dans les vestiaires font partie intégrante de la culture rugby. Si quelques plans nous présentent bien ces moments de vie, le long-métrage aurait certainement gagné en immersion en présentant ces séquences de façon plus approfondies, plus longues et surtout plus intimistes.

Il ne faut pas pour autant négliger le travail de ce documentaire ! L’esthétique est léchée, la forme est essentiellement réfléchie pour amener un message sur l’identité du club et du rugby de haut-niveau. Ce travail est accompagné par un rythme de narration qui permet au spectateur de suivre l’épopée toulousaine au milieu d’une masse grouillante et soudée de joueurs. Le Stade ne met pas ses stars à l'honneur. Le film préfère présenter l’historique doublé toulousain de 2021 comme un évènement intimement lié aux valeurs du rugby et à ses apprentissages.

Le public visé semble être une niche très particulière. Pas sûr qu’un étranger au ballon ovale puisse saisir tous les enjeux et messages mis en avant pendant plus de 100 minutes. Les amateurs de rugby se réjouiront de pouvoir profiter d’un objet cinématographique original qui évoque leur sport favori avec respect et considération. Un peu d'air frais dans un monde où on le renvoie, pour le meilleur et pour le pire, (trop ?) souvent au sport un peu simplet de copains et de villages. Pour les amoureux du Stade Toulousain, qui à coup sûr ne passeront pas à côté de l'événement, ce sera évidemment l’occasion de revivre avec émotion l’un des plus beaux moments de l’histoire du club.QUIZ. Peux-tu citer TOUS les joueurs du doublé du Stade Toulousain en 2020/2021 ?QUIZ. Peux-tu citer TOUS les joueurs du doublé du Stade Toulousain en 2020/2021 ?

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Un seul club un seul maillot pourra mettre les ⭐⭐⭐⭐⭐

Pourquoi nous devrions avoir honte de gagner ? ce nest pas une question de boulard
cest une question de tendre vers l'excellence

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