Les troisièmes lignes ailes français sont-ils vraiment plus grands que leurs homologues étrangers ?
A l'image de Cameron Woki (1m97), nombre de flankers de l'Hexagone sont bien plus grands que les standards internationaux.
Avec une douzaine de troisièmes lignes ailes dépassant les 1m95, la France dispose d'un vivier de joueurs plus grands que la moyenne à ce poste. Très français.

On a souvent tendance à dire que nos Français, aussi athlétiques soit-ils, n’ont pas les mêmes gabarits que leurs opposants sudistes, pas les même prédispositions physiques que leurs homologues îliens. Remarquez, l’impression prévaut aussi pour nos voisins européens, qui exception faite des Anglais - jouissant d’une immigration plutôt bénéfique quand on voit de quel bois est fait leur pack entre les frères Vunipola, Sinckler, Itoje, Lawes ou encore Manu Tuilagi derrière -  souffrent parfois eux aussi de la comparaison. On a longtemps vu, également, que nos deuxièmes lattes culminaient moins haut que leurs rivaux sud-af’ par exemple, régulièrement entendu que nos troisièmes lignes étaient moins massifs que ceux des autres nations du Tiers 1.

Au vrai, la donne a aujourd’hui changé sur certains aspects. Le rugby évolue, les gabarits explosent et la France dispose par exemple à ce jour d’on ne sait combien de centres qui flirtent avec ou dépassent les 100 kilos. Pêle-mêle, on citera Rémi Lamerat, Henry Chavancy, Adrien Seguret, Yann David, Dorian Laborde, Julien Delbouis et bien sûr Mathieu Bastareaud (aujourd’hui reconverti en 8) ou Jonathan Danty, liste non-exhaustive.

Certes, comme beaucoup de nations, nous n’avons toujours pas de foyers de physiques d’exception, à l’image de la deuxième ligne sud-africaine*, des trois-quarts fidjiens, ou des piliers australiens. Mais s’il y a bien une tendance française qui se dégage, c’est que le pays dispose aujourd’hui d’une multitude de flankers bien plus grands que les standards internationaux. C’est simple, a vu de nez, nous avons compté au bas mot une douzaine de troisièmes lignes culminant au moins à 1m95 dans l’Hexagone, quand les autres nations comptent les leurs sur les doigts de la main. Ainsi, avec les Lyonnais Cretin et Guillard (respectivement 1m95 et 97), les Bordelais Woki et Roumat (1m97 et 99), les Racingmen Chouzenoux et Le Roux (2 mètres pour le premier, 1m97 pour le suivant), mais aussi le capitaine du XV de France Charles Ollivon (1m99), le seconde ligne de formation Arthur Iturria fixé un cran plus bas désormais (1m98), et les Jelonch, Macalou, Devergie ou Sanconnie tous affichés à 1m95, le Top 14 a de la hauteur.

(Cameron Woki devance Maro Itoje en touche lors de Angleterre-France)

Ailleurs, seule l’Angleterre présente quelques spécimens du genre entre les Itoje, Lawes ou Ted Hill, quand le capitaine de Worcester est l’unique habitué du poste. Chez les Blacks, il y eu bien Kaino puis Squire il fut un temps, mais les seuls géants du flanc de la troisième ligne chez les Kiwis sont à ce jour Shannon Frizell (1m96), tout incroyable porteur de balle qu’il est, voire Vaea Fifita. Même son de cloche en Australie où l’unique Salakaia-Loto (1m98) a d’ailleurs été repositionné en numéro 5, ou en Afrique du Sud chez qui le meilleur joueur du monde l’an passé Pieter Steph Du Toit (2 mètres) a définitivement quitté la cage désormais, et le prometteur Staassens (1m97) est en démêlés avec la justice de son pays. Famélique.

Transmission, coutume, génétique

Mais alors cette statistique qui avait attiré notre attention n’est-elle que pur hasard, où y a t-il une explication à cette prolifération de longilignes troisièmes lignes dans le championnat français ? Le premier indicateur se situe dans le dernier qualificatif utilisé pour décrire nos flankers : longiligne. Alors que les seuls spécimens flirtant avec le double-mètre aux quatre coins du globe s’apparentent souvent à des joueurs amenant de la densité (Du Toit, Salakaia-Loto, Yato toisent tous les 120kg) et sont de vrais porteurs de balle, les Bleus semblent davantage être des garçons assurant la continuité du jeu. Comme leurs illustres prédécesseurs Nyanga ou Ouedraogo mais en bien plus grands, voire des joueurs de rupture pour certains comme Charles Olllivon, Sekou Macalou ou Cameron Woki. Tradition française oblige.

Le second vient certainement de ce précepte très ancré dans l’Hexagone, qui veut que chaque entraîneur ait à sa disposition un vrai sauteur en troisième ligne afin d’équilibrer au maximum son paquet d’avants. Et bénéficier d’une multitudes de solutions aériennes, jalon indispensable de la conquête directe. Ainsi, nombre de « grands » travaillent ce poste là et ses aspects dès le plus jeune âge en France, et il n’est pas rare de voir les Macalou, Cretin, Roumat ou Chouzenoux parmi les meilleurs voltigeurs du championnat, devant des deuxièmes lignes souvent plus hauts qu’eux mais aussi plus difficiles à soulever. D’ailleurs, alors qu’il n’est pas un titulaire en puissance du côté de Bordeaux, le staff du XV de France n’a pas hésité à titulariser Cameron Woki en numéro 6 durant l’Autumn Nations Cup, au profit de ses qualités de jump indiscutables. Avec la réussite que l’on connaît. Alors qu’à l’étranger en revanche, le concept du numéro 4 sauteur ainsi que du numéro 5 pousseur n’est pas vraiment un gage de vérité et beaucoup de techniciens n’hésitent pas à agrandir leur cage pour raccourcir et/ou durcir le flanc de leur mêlée au profit de la domination physique.

Enfin, dernière donnée et non des moindres : la génétique. Force est de constater que quand un deuxième ligne moyen culmine aujourd’hui aux alentours des 2 mètres et qu’un même flanker oscille lui entre 1m88 et 1m93, la nouvelle génération française a de plus en plus tendance se situer entre ces deux marques. Et comme à ce jeu comme ailleurs il vaut mieux trop grand que trop petit, ce n’est pas pour rien que les jeunes, géants et polyvalents troisièmes lignes affluent dans notre championnat. Et ouvriront peut-être la voie à l’expansion internationale de cette tendance pour l’instant purement franco-française.

*Quelques mensurations des joueurs en question : (Eben Etzebeth - 2m03 et 122kg, Lood De Jager - 2m05 et 125kg, RG Snyman 2m07 et 126kg, JP Du Preez 2m09 et 122kg…)

(Semi Radradra 110kg, Josua Tuisova 111kg, Nemani Nadolo 137kg, Taqele Naiyaravoro 131kg…)

(Taniela Tupou 132kg, Pone Fa’amausili 138 kg, Allan Alaalato’a 125kg…)

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C'est le poste le plus complet et qui demande le plus de polyvalence. L'exemple de Macalou est révélateur, lui qui peut même glisser 3/4 aile.
Ce sont un peu les décathloniens du rugby et ils doivent être capables d'assumer le bagage de plusieurs postes. Et aujourd'hui, en plus d'être coureur/gratteur, on leur demande d'être sauteur. Pas l'un ou l'autre, mais de plus en plus, les trois à la fois.
Magnifique poste en tout cas!

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