INTERVIEW. Anne-Cécile Ciofani : ‘‘Je ne veux pas seulement être la meilleure joueuse du monde’’
Vice-championne olympique, vice-championne du monde et lauréate du titre de meilleure joueuse du monde de rugby à 7 2021, la vie est belle pour Anne-Cécile Ciofani.
Anne-Cécile Ciofani a été élue meilleure joueuse du monde de rugby à 7 lors des World Rugby Awards. Son objectif ? La Coupe du Monde de rugby à 7 2022.

Il y a une semaine, la France a eu la chance de voir deux de ses athlètes être nommés en tant que meilleur joueur du monde. Anne-Cécile Ciofani et Antoine Dupont ont décroché dans leurs disciplines respectives le Graal des titres individuels. La saison 2021-2022 des Sevens World Series a commencé par deux places sur le podium pour les Françaises. Une performance qui n’a pas tellement laissé le temps à la vice-championne olympique de savourer son titre de meilleure joueuse du monde, que cela soit avec sa famille ou ses coéquipieres. Derrière les quelques “chambrages” de la part de ses coéquipières en guise de félicitations, les Bleues du Sevens avancent avec un objectif bien particulier en tête : celui de la Coupe du Monde de rugby à 7 2022. Cette dernière se déroulera l’année prochaine du 9 au 11 septembre au Cape Town Stadium du Cap, en Afrique du Sud.

Pour évoquer son titre de Meilleure Joueuse du monde et évoquer ses ambitions personnelles et collectives, le Rugbynistère est allé à la rencontre d’Anne-Cécile Ciofani.

Comment vous sentez-vous une semaine après votre titre ?

Je me sens toujours aussi joyeuse. C’est une belle récompense qui vient récompenser un cycle de travail qui a été très long. Avec la préparation et le tournoi olympique, plus l’année covid, obtenir ce titre m’a rendue très joyeuse. Après, le fait de reprendre l'entraînement assez rapidement m’a fait atterrir très vite sur terre. Malgré ce bonheur, je garde la tête sur les épaules et reste focus sur les objectifs à venir.RUGBY. Pour Anne-Cécile Ciofani, son titre a une ‘‘saveur un peu particulière’’RUGBY. Pour Anne-Cécile Ciofani, son titre a une ‘‘saveur un peu particulière’’

Avez-vous célébré ça avec vos coéquipières ?

Non, on a repris l’entraînement vite et avec beaucoup de sérieux après notre retour de Dubaï. On essaye de gagner le plus de temps afin de préparer les prochaines échéances. On est tous très heureux, staff et joueuses compris, que ce prix ait été décerné à l’une de nous, mais ça ne doit pas nous retarder sur nos objectifs.

Vous avez beaucoup parlé d’un titre collectif, c’est important pour vous qui venez d’un sport individuel ?

En arrivant dans le rugby, j’ai eu un apprentissage qui été autant collectif que rugbystique. J’ai découvert l’univers du sport d’équipe à travers le rugby, avant je ne savais pas ce qu’étaient les joies d’avoir des partenaires par exemple. C’est donc très important pour moi de pointer du doigt l’aspect collectif de cette récompense. On rigole ensemble, on vit ensemble et on souffre ensemble. Ma réussite, c'est la réussite du groupe avant tout.

Comment vit-on le fait de devoir se remettre tout de suite au travail ? Ce n’est pas rien d’être élue meilleure joueuse du monde, comment on gère ça mentalement ?

Je pense que le fait qu’il n’y ait pas eu de cérémonie comme il y a pu avoir dans le passé m’aide à rester les pieds sur terre. Ce n’est pas que je n’accorde pas d’importance à ce titre, bien au contraire. Mais à côté de ça, je me focalise sur les objectifs. Je sais que ce titre ne sera valorisé que par le travail. Je ne veux pas seulement être la meilleure joueuse du monde. C’est une fierté énorme, mais je ne veux pas me reposer sur ça. C’est ma mentalité. La récompense a beau être aussi belle soit-elle, il ne faut pas oublier qu’elle résulte d’un long chemin semé d’embuche.

Vous avez déclaré dans un communiqué de la FFR que le groupe a “en ligne de mire la prochaine Coupe du monde” en 2022. Comment vous y préparez-vous ?

On prépare déjà chaque étape du World Series. La Coupe du monde, c'est l’objectif à long terme. Cependant, il ne faut pas oublier ceux sur le court terme, car c’est eux qui nous préparent le mieux. La Coupe du monde, c'est la finalité. On la prépare du mieux possible.VIDEO. France 7 féminin. Les Bleues atomisent la Russie sous l'impulsion d'Okemba et CiofaniVIDEO. France 7 féminin. Les Bleues atomisent la Russie sous l'impulsion d'Okemba et Ciofani

Quelle est la stratégie des Bleues du 7 par rapport à ça. Vous cherchez à monter en puissance tout au long de la compétition ou le but est d’être les meilleures le plus vite possible ?

Un peu des deux je dirais… On sort d’une année qui s’est très bien finie, le but est de recommencer avec les mêmes résultats. Après la montée en puissance, on l’attend également. En essayant de gagner les World Series, on sera toujours obligé de monter en intensité. L’objectif principal, c'est d’être capable de répondre présent le jour J tout en voulant gagner chaque étape.

Il y aura du temps entre la fin des World Series et la Coupe du Monde. Comment gérez-vous ce temps-là ?

On laisse ces questions-là dans les mains du staff et des préparateurs physiques. Ils vont faire en sorte de gérer au mieux la période de creux entre les deux compétitions, de manière que l’on arrive en pleine forme à la Coupe du Monde.

On vous a découverte à la Coupe du Monde 2018, où vous aviez été élue révélation de la compétition avec notamment l'essai de la victoire en demie face à l'Australie. Quels souvenirs vous gardez de la compétition ?

Je n’en garde que des bons souvenirs. J’étais tellement heureuse d’être là que je ne ressentais pas de stress. C’était ma première année dans le groupe et ma première coupe du monde. Je jouais moins à l’époque donc je prenais les quelques minutes que l’on me donnait. J’ai vraiment eu l’impression de jouer libéré et sans pression, de ne pas prendre la compétition aussi sérieusement que j’aurais dû peut-être.

Avec le Covid-19, l’ambiance iconique du Sevens est grandement affectée. Qu’est-ce que ça change pour vous d’avoir pu faire les JO à huis-clos par exemple ?

Ça change déjà parce qu’on arrive à s’entendre. C’était un point positif, on pouvait entendre les copines de loin et inversement. Après, c'est dommage, car c'est aussi ce que l’on aime dans le Sevens. Il y a des explosions de joie que l’on aurait adoré partager avec le public. Mais d’un côté cela nous a peut-être aussi permis d’être moins impressionnée par l’ampleur de l’évènement. On a essayé de faire abstraction de tout ça et l’absence de public nous y a peut-être aidé.

Le Rugby à 7 a semblé plaire aux néophytes du ballon ovale pendant les derniers JO. Avez-vous eu cette impression ?

Oui, on a beaucoup de retours dans ce sens. On a eu des messages de la part de personnes qui étaient impressionnés par l’intensité des matchs, mais aussi beaucoup par la clarté du rugby à 7. De par le nombre de personnes sur le terrain, le rugby à 7 est peut-être plus agréable à regarder et simple à comprendre pour des gens qui ne s’y connaissent pas. On a vu des gens qui s’étaient pris au jeu et avaient découvert le sevens grâce à nous. C’est une grande fierté.

Vers quelle direction doit évoluer votre sport selon-vous afin d'intéresser le plus grand nombre ?

La seule chose sur laquelle je pourrais me prononcer, ce sont les questions que l'on m’a régulièrement posées. Je pense notamment à “Comment on s’inscrit à du rugby à 7 ?”. Actuellement, les clubs de 7 n’existent pas. Si on veut essayer ce sport, on doit passer par du XV, ce que tout le monde n’a pas forcément envie de faire. Il faudrait faire en sorte que le rugby à 7 ne soit pas seulement ce loisir de fin de saison ou pendant la période estivale. Je trouve ça dommage que ça ne soit pas pris plus sérieusement que juste le moment où on boit des coups et où on se déguise pendant deux jours. Les clubs devraient créer des sections sérieuses ouvertes toute l’année.RESUME VIDEO. L'équipe de France féminine domine une fois de plus les championnes du monde néo-zélandaisesRESUME VIDEO. L'équipe de France féminine domine une fois de plus les championnes du monde néo-zélandaises

Quel souvenir marquant vous gardez de votre carrière de septiste ?

La Coupe du monde 2018 et plus particulièrement la demi-finale. J’ai eu un déclic personnel. Je me suis rendu compte que je pouvais être un atout pour l’équipe de France. Je ne savais pas trop comment me positionner dans le groupe avant ça. Un autre moment qui m’a marqué, c'est la préparation des Jeux Olympiques. Ça a été les moments les plus douloureux de ma carrière. Ces semaines intenses on les doit à Anthony Couderc, notre préparateur physique. Le pire, c'est qu’on avait beau souffrir, on y allait avec le sourire. On y allait en dansant et en chantant.

Cette bonne humeur est-elle toujours présente pendant les préparations ou durant les grosses compétitions ?

Je ne dis pas que c’est toujours facile d’aller aux entraînements, au contraire. Mais c’est vrai qu'il y a toujours au moins une ou deux filles qui permettent de garder le sourire. Même quand c’est dur, qu’il fait froid ou qu’on est fatigué, il y a toujours quelqu’un dans le groupe pour mettre une bonne ambiance.

Le XV vous intéresse ? Si oui, vous seriez tenté par une aventure avec le XV de France Féminin ?

J’aime beaucoup y jouer, j’aimerais bien avoir l’opportunité d’en faire plus souvent. Le XV de France Féminin ça m’intéresse forcément. C’est un gros challenge. Après on a la chance d’avoir de vraies spécialistes au poste en sélection à XV. Les ailières sont déjà excellentes, pas sûr que je serve à grand-chose.

Quel regard vous portez sur son parcours, sa progression ? 

Je m’étonne encore aujourd’hui d’être là où j’en suis. Je n’étais pas conditionné à faire cette discipline. Je suis fière du choix que j’ai fait qui n’a pas forcément été facile à assumer auprès de ma famille. J’ai dû apprendre le rugby et la vie en collectivité. Rien que l’idée de partager un entraîneur. En athlétisme, j’avais l’habitude d’avoir mon entraîneur personnel.  J’ai dû assimiler beaucoup de choses et j’ai pris du temps à les comprendre. J’ai dû m’accepter en tant que rugbywomen.

Vous avez commencé le rugby à 18 ans, vous trouvez vraiment que vous avez mis du temps à vous mettre au pas ?

J’ai l’impression que oui. Après, c’est vrai que quand on regarde sur le papier on a l’impression que je suis allé vite. J’ai pris du temps sur énormément de choses. Je pense en particulier que j’en ai pris sur mon implication en équipe de France et dans mon club. Après il y a aussi l’exigence du haut-niveau. Tu vois très bien que si tu mets longtemps à comprendre un lancement de jeu, les copines ne vont pas t’attendre derrière. Il faut vite raccrocher au wagon.

Est-ce que le fait d’avoir pris votre temps au début de votre carrière, ça vous a également aidé à atteindre ce niveau ?

Je pense que oui, ça m’a permis d’être prête mentalement. Je ne sais pas si j’aurais été aussi investie si j’avais été appelée avant. C’était nécessaire.

Jusqu’où vous vous projetez sportivement ?

Pour ma part, je regarde jusqu'aux JO 2024. L’idée de faire des Jeux Olympiques en France, c'est incroyable. Des fois, j'essaye de ne pas y penser, j’ai peur que cela soit demain. Je suis impatiente, je me dis que ça va arriver tellement vite, j’ai hâte !

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sacrée paire de gambettes!

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