Entre tolérance et règle stricte, ce que montre la séquence de Montauban–Toulouse sur l'arbitrage en touche
Comprendre la touche : ce que montre la séquence de Montauban–Toulouse. Crédit image : Screenshot CANAL+ Sport
Lors de Montauban–Toulouse, une touche a retenu notre attention… et c’est l’occasion parfaite de rappeler les bases et les subtilités de cette phase clé.

Lors du match de TOP 14 entre Montauban et Toulouse, une séquence a fait tiquer plusieurs observateurs attentifs — et quelques arbitres amateurs devant leur télé. Sur une touche montalbanaise, le talonneur de l’USM apparaît, image à l’appui, un pied dans le terrain et l’autre sur la ligne de touche au moment de lancer. Or, la règle 18 de World Rugby est sans ambiguïté : "Le joueur qui lance le ballon se tient sur la marque de la touche, les deux pieds à l’extérieur du champ de jeu. Le lanceur ne doit pas empiéter sur le champ de jeu avant le lancer."

Crédit image : Screenshot Canal +

"C’est un manque d’attention des arbitres et ce n’est pas le focus du moment. Sur l’alignement, les arbitres sont davantage concentrés sur les "jumping across" et les formations de maul. Mais il est vrai que la règle est formelle !", confie notre officiel maison, Dédé Puiledébut. 

Une règle limpide… mais une phase difficile à arbitrer

Pour rappel, la sanction prévue est simple : option entre alignement ou mêlée ordonnée, au choix de l’équipe adverse. L'idée ici n'est pas de pointer du doigt le joueur de l'USM. Ce n'est pas le premier à "gratter" du terrain de cette manière. Et ce, qu'importe le niveau. 

Sur le papier, l’article 18.22 du règlement World Rugby ne laisse aucune zone grise : le talonneur doit lancer depuis l’extérieur du terrain, les deux appuis clairement hors de la ligne. Cela garantit que le lancer ne confère pas un avantage indu à l’équipe détentrice — notamment en termes de proximité de la ligne médiane, d’angle de lancer ou de pression sur l’alignement adverse.

Mais dans la réalité, la touche, comme la mêlée, reste l’une des phases les plus délicates à contrôler pour les arbitres. D’après le protocole d’arbitrage World Rugby (voir : Passport WR – arbitrage), l’arbitre de touche doit vérifier simultanément :

  • la marque exacte,
  • la distance entre les deux lignes d’alignement,
  • la verticalité du lancer,
  • le jumping across,
  • les contacts prématurés,
  • les formations illicites de maul

Autrement dit : il surveille six choses en même temps. Le placement des pieds du talonneur devient parfois un "dégât collatéral".

Pourquoi les arbitres "ferment les yeux" ?

On l’a vu ces dernières saisons : entre les touches jouées vite, les variations de lancers, les courses croisées, les écrans et les sauts dynamiques, les officiels ont tendance à favoriser la continuité du jeu plutôt qu’un formalisme total.

Vérifier :

  • L’alignement est bien formé avec deux lignes droites, chacune à 50 centimètres de la ligne de remise en jeu
  • Le ballon est lancé bien droit entre ces deux lignes
  • Les sauteurs sont correctement soulevés dans l’alignement et leur réception au sol est bien contrôlée et sûre (les sauteurs ne doivent pas être relâchés lorsqu’ils sont encore en l’air)
  • Les joueurs ne participant pas à l’alignement se replient au-delà de la ligne de hors-jeu de 10 mètres

Notre arbitre résume bien l’état d’esprit actuel : les fautes « périphériques » sur le placement du talonneur ne pas la priorité. C’est d’ailleurs un sujet récurrent dans les briefings d’avant-saison : privilégier fluidité et sécurité, notamment en limitant les chutes dangereuses en touche.

Surveiller :

  • Les joueurs qui déstabilisent intentionnellement des joueurs en l’air
  • Les joueurs qui déstabilisent des joueurs de soutien tenant des joueurs en l’air
  • Les joueurs qui réduisent le couloir illégalement
  • Les joueurs qui s’appuient sur un adversaire
  • Les joueurs qui tiennent ou poussent un adversaire
  • Les joueurs qui chargent illégalement un adversaire
  • Les joueurs en soutien qui se déplacent pour aller faire obstruction sur l’adversaire

Pour autant… la règle reste la règle

Et c’est précisément là que l’on ajoute notre grain de sel rugbynistérien : même si la tolérance existe, le texte ne permet pas d’interprétation. Avoir un pied dans le terrain, c’est une faute claire. Pas discutable. Si la règle avait été appliquée, Toulouse aurait eu option entre rejouer l’alignement ou prendre une mêlée — un choix souvent ravageur quand on connaît la densité du pack rouge et noir.

Une simple erreur de placement peut donc faire basculer une possession clé, surtout dans un match serré où chaque touche est une opportunité stratégique. Dans le cas présent, cela n'aurait pas changé grand-chose puisque Toulouse avait largement l'avantage. Mais imaginez une situation semblable dans un match couperet en Champions Cup ou bien à la Coupe du monde.

Il est (fort) possible que ça ne passe pas aux yeux des officiels. Mais on ne sait jamais. Dès lors, l'équipe en défense doit-il le faire savoir à l'arbitre ? Dans le rugby de haut niveau, connaître les règles devient une arme tactique. Un bon capitaine gagne parfois une possession… juste en sachant lever le doigt au bon moment. 

Un point à remettre dans les priorités ?

Le cas illustre une évolution plus large : l’arbitrage moderne met l’accent sur la sécurité et les enjeux de contestation aérienne, au risque de reléguer certains détails techniques au second plan. Mais dans un championnat aussi dense que le TOP 14, où chaque touche vaut de l’or, peut-on se permettre ce niveau de 'tolérance' ? Le débat mérite d’exister, surtout lorsque World Rugby affiche depuis deux ans une volonté de réharmoniser les pratiques entre les différentes compétitions.

On le répète dans les modules Rugby Ready et Arbitrage Assistant : la touche est une phase codifiée, qui repose énormément sur la précision. Un jeune talonneur apprend très tôt que les pieds doivent être hors du terrain. Là aussi, l’exemple du haut niveau compte. Une tolérance répétée peut créer des habitudes… qui deviendront ensuite des fautes flagrantes lorsqu’elles seront arbitrées plus strictement en Coupe d’Europe ou en sélection.

Une touche, ce n’est jamais “juste une touche”. Et parfois, un simple pied dans le terrain raconte beaucoup sur l’évolution du jeu, de l’arbitrage… et de l’importance de connaître son règlement aussi bien que ses combinaisons.

Vous devez être connecté pour pouvoir participer aux commentaires
  • Uther
    5500 points
  • il y a 23 secondes

Moi perso, ça m'énerve.
De même que les joueurs qui au coup d'envoi partent devant le coup de pied, de même que les joueurs qui gagnent trois mètres lorsqu'ils tapent une pénalité, de même que les joueurs qui "traversent les rucks" en déblayant, de même que les 9 qui envoient le ballon sur un trainard (Bon parfois, ça se justifie) de même que plein de petits trucs qui ne sont pas forcément très graves mais qui sont clairement pénibles.

Derniers articles

News
News
News
News
News
News
News
News
News
News
News