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Interview - Super Rugby. Des bancs de la fac de Nanterre aux Hurricanes, l’incroyable destin de Raphaël Lagarde
Aujourd'hui préparateur physique des Hurricanes, Raphaêl Lagarde en apprend tous les jours.
Super Rugby
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Alors non, l'ouvreur bayonnais Raphaël Lagarde n’a pas signé un nouveau contrat à l’autre bout du monde aux côtés de Beauden Barett & co. Il s’agit plutôt ici du destin hors du commun de son homonyme de 24 ans, qui, après quelques expériences en France en tant que préparateur physique, a eu l’opportunité d’exercer au sein des Wellington Hurricanes. Une année en immersion avec les méthodes néo-zélandaises à côtoyer au quotidien les plus grands joueurs du monde.

Salut Raphaël parle nous de ton parcours scolaire ?

J’ai 24 ans, je suis né en région parisienne à Saint-Germain-en-Laye. Je suis issu d’un cursus universitaire : licence STAPS, diplôme d’Université. J’ai également quelques certifications fédérales : brevet fédéraux 1er degré « initiateur » en haltérophilie et en force athlétique ainsi qu’une certification de compétences pour l’encadrement de sportifs de haut niveau. Voilà pour la partie un peu « technique ».

Quelle est ton histoire avec le rugby ?

J’ai découvert le rugby très tard, durant ma première année à la faculté de Nanterre. Il y avait et a toujours un excellent prof de rugby dont tous ceux étant passés en STAPS à Nanterre peuvent vous parler : Jean-Jacques Sarthou dit « JJ ».

J’ai voulu m’y mettre plus sérieusement en club par la suite… Mauvaise idée ! Il a suffi d’un match pour que je me fracture la malléole. Pendant un an, à cause de ma mauvaise prise en charge aux urgences, j’ai eu des complications qui m’ont empêché la pratique du sport. Il a fallu donc mettre le focus sur le choix de mon parcours universitaire. J’ai découvert la préparation physique et aujourd’hui c’est vraiment mon dada !


Quelles sont tes expériences de préparateur physique dans le monde du rugby ?

Comme beaucoup j’ai commencé au niveau amateur. J’ai pu travailler avec mon ancien prof de fac pour une équipe féminine pendant deux saisons. Une expérience où l’on a eu de bons résultats tant sur le plan physique que rugbystique. Pour ce qui est du rugby pro, j’ai fait mon premier stage au centre de formation du Racing 92. Je n’en garde d’ailleurs pas forcément un bon souvenir malgré l'opportunité de découvrir pour la première fois des infrastructures de cette envergure. Par la suite, j’ai réalisé un stage à l’ASBH (Béziers) avec les pros cette fois. C’était génial ! J'ai pu vivre à plein temps tout le système d’entraînement et les matchs. J’y ai gardé de superbes souvenirs notamment lors du premier match au stade de la Méditerranée.

Comment as-tu atterri chez Les Canes ? 

Je pense que n’importe qui travaillant dans le rugby rêve d’aller vivre une expérience dans l’hémisphère Sud. À Béziers où le staff était en parti australien, j’ai pu avoir un avant goût de leur façon d’entraîner. C’est venu renforcer mon souhait de partir une année là-bas pour en apprendre davantage. Je n’ai pas eu d’opportunité de travail après mon aventure à Béziers, c’était donc le bon moment pour réaliser ce projet. Ça m’aurait embêté de ne pas l’avoir fait. J’ai donc débarqué ici avec une grande facilité, ce qui change énormément de la France, où j’ai vraiment galéré pour trouver mes stages. Pour y arriver j’ai envoyé un mail au High Performance Manager. Une adresse que j’ai d’ailleurs deviné, la plupart des clubs ont un réseau de mail générique, c’est souvent nom.pré[email protected]. Et ça a marché ! Il a transféré mon mail au responsable de la préparation physique. Après quelques nouveaux mails et un Skype, c’était ok pour lui. En deux semaines j’avais mon “ticket” pour partir à l’autre bout du monde ! Je suis donc arrivé à Wellington le 15 novembre dernier après trente heure de voyage et je suis engagé avec les Canes jusqu’à la fin de l’édition 2017 du Super Rugby, soit au plus tard le 5 août la date de la finale.

Raconte nous ce que tu y fais ?

J’ai la double casquette de préparateur physique et de sport scientist. En tant que stagiaire, je ne suis donc pas rémunéré mais je vis quelque chose que l’argent ne peut pas acheter… Mon travail consiste donc à suivre tout le processus d’entrainement : faire et donner les séances de préparation physique (muscu, conditioning, vitesse etc.); assister la réhabilitation/réathlétisation et le retour à la performance des joueurs blessés; récolter et analyser les données de suivi de la charge individuelle et collective (GPS, Cardio, Well Being, RPE, Fatigue neuronale etc.); assister aux entraînements techniques (units et rugby). Et le plus technique... s’assurer de la bonne hydratation des joueurs pendant l’entraînement (remplir et apporter les gourdes) !

Crédit vidéo : 1 Saison chez les Canes

Quelle plus-value en tant que frenchy tu apportes à cette équipe et qu’elle n’avait pas avant ?

Je ne sais pas si j’apporte une plus-value, mais par rapport aux relations que j’ai avec les joueurs, ça leur apporte de “l’exotisme”. Plus sérieusement, je pense qu’ils portent de l’intérêt à quelqu’un qui a traversé la planète pour bosser avec eux. Et quelqu’un qui parle une autre langue ça les changent un peu aussi. Je reste naturel et professionnel et ça leur plait. J’arrive à travailler vite et bien malgré la barrière de la langue qui était difficile au début. Après ça permet de rigoler sur ce qui se passe pour les joueurs néo-z en France. Par exemple un joueur m’a demandé si la cocaïne était bonne en France...

En terme de préparation physique qu’est ce qui t’impressionne le plus ici ?

Ici, le système est très complet car il n’y pas de restriction de budget : quand ils ont besoin de quelque chose, ils l’achètent parce qu’ils savent que c’est pour performer. C’est incroyable ce qu’on a à disposition au camp d’entrainement : plateforme de force, GPS pour tous les joueurs, logiciel de suivi de la charge, des cellules de vitesse, des capteurs de puissance… Bref, rien ne manque.

Ensuite le contenu est en phase avec les avancées scientifiques. Ici les préparateurs se documentent tout le temps. Et régulièrement des intervenants externes viennent pour améliorer le système d’entrainement. Pour vous donner un ordre d’idée, le responsable de la préparation qui travaille avec les Canes depuis 8 ans valide un Master cette année en parallèle du travail au club pour vérifier qu’il est toujours à la page !

>>>La suite en page 2<<<

Quelle différence tu notes avec le système français ?

Ça c’est la question à un million ! Je vais essayer de pas trop m’étaler parce que j’ai des choses à dire là-dessus. Il faut déjà savoir que le métier de préparateur physique n’est pas reconnu en France, ça laisse donc la porte ouverte aux formations et n’importe qui peut se prétendre préparateur physique. Alors qu’ici tous sont des universitaires.

La principale différence qui me marque avec la France, c’est le volume de séances par journée (les joueurs s’entraînent en moyenne 3 fois par jour). Quand tu arrives tu te dis qu’il sont fous et qu’ils vont se blesser au bout de deux semaines. Mais au contraire, ils titillent les limites sans jamais les franchir. C’est ce qui fait que ce sont les meilleurs joueurs du monde...

Pour finir, le système de préparation physique est en évolution saison après saison. Cette intersaison, pour la première fois nous avons fait des séances de gymnastique (agrés, sol, acrobaties etc.) et des séances en chambre à simulation d’altitude.

À quoi ressemble ton quotidien en tant que membre du staff des Canes ?

Mon quotidien sur une journée type c’est :

  • Arrivée 1h à 1h30 avant le premier entrainement. J’imprime les rapports GPS et Cardio de la veille pour les joueurs, je lis 2-3 articles/études, je prépare le matériel pour les séances (Ipads pour les questionaires de Well being, GPS, matériels d’activation et de mobilité...).
  •  Faire et assister les séances (terrain et/ou muscu).
  • Collecter les données de la charge de travail.
  • Récupérer les GPS (c’est ce qui me prend le plus temps parce qu’il faut courir après les joueurs pour les récupérer sinon ils rentrent avec chez eux des fois).
  • Télécharger les données GPS.
  • Exporter ces données (GPS et charge de travail) dans le logiciel du suivi.
  • Préparer les rapports à imprimer.
  • Manger ! (parce qu’on est que le matin)
  • Et on recommence l’après-midi.

Quels rapports as-tu avec les joueurs ?

J’ai de très bons rapports. Ça change leur quotidien d’avoir quelqu’un d’une autre nationalité qui parle une autre langue. Certains me parlent en français même si c’est souvent la même chose : “bonjour”, “ça va bien ?”, “merci beaucoup”...De plus, mon prénom n’est pas toujours facile à prononcer pour eux, donc ça créée des relations particulières. Certains joueurs m’ont même donné un autre prénom !

Et ils te font vraiment participer ! Quand ils ont besoin d’un sparring-partner ils te demandent. Pour l’anecdote, je fais souvent le sparring partner de Beauden Barrett et Nehe Milner-Skudder. Si je prends du recul là-dessus, c’est juste énorme ! Mais j’essaye enfin je passe outre leur popularité. Ce sont des hommes qui respirent le même air et marchent sur le même sol, ils jouent juste mieux au rugby que tout le monde. Je pense que ça aussi ça leur plait, de ne pas avoir quelqu’un qui perd ses moyens lorsqu’ils viennent parler parce qu’il est trop impressionné. Mais c’est vraiment moi qui prend une leçon de vie au quotidien avec eux. Je ne m’attendais à rien quant à leurs rapports avec des gens “extérieurs” mais ils sont d’une accessibilité et d’un savoir vivre qui me laisse en admiration à chaque fois : toujours un bonjour, un merci, un sourire, une accolade... Ça fait réfléchir...

Lequel t’impressionne le plus ?

Rugbystiquement et physiquement parlant c’est vraiment difficile de sortir quelqu’un, ils sont tous très impressionnants. Mais si je devais en choisir un, ça serait Nehe (Milner-Skudder). Au delà du joueur extraordinaire qu’il est, c’est bien l’homme que j’admire. il est d’une accessibilité et d’un savoir vivre sans égal. Très respecteux, toujours un merci, un sourire, à te demander comment tu vas, quand est-ce qu’il peut venir te voir pour regarder ses données GPS. Par exemple, il y a quelques jours un enfant est venu avec son père pour regarder l’entrainement. Nehe s’est chargé personnellement d’aller demander aux joueurs de venir signer le maillot et de prendre une photo avec le petit. Il est resté vingt minutes après l’entrainement pour lui. Je le regardais faire et je me disais que ce mec est vraiment au-dessus de tous !

Beauden Barett c’est vraiment le plus rapide ?

Il y a beaucoup de joueurs très rapides dans l’effectif et ils se tirent souvent la bourre là-dessus. Mais c’est vrai que Beaudy, pardon Beauden, est très rapide avec sa propre technique de course...De plus son petit frère a rejoint l’équipe cette année. C’est exactement le même : même style de jeu, même façon de se déplacer… Ce sont deux vrais génies sur le terrain, ça laisse bouche bée à chaque fois. Ils ont une vision et une intelligence de jeu exceptionnelle !

Pour ce qui est de ton futur à toi, que peut-on te souhaiter, tant personnellement que rugbystiquement ?

Personnellement vous pouvez me souhaiter de trouver la femme de ma vie, d’acheter un Scénic, un labrador et un pavillon en banlieue… Non mais effectivement, peut être trouver quelqu’un que je pourrai saouler avec mes histoires de prépa, qui accepte ce que je fais et de me suivre dans mes périples. Rugbystiquement et professionnellement de continuer à travailler de ce côté du globe, parce que la vie y est vraiment agréable et qu’en ce moment la France ne me fait pas rêver. Je rêve d’avoir toujours des opportunités qui m’amèneront un peu aux quatre coins de la planète pour de nos nouveaux challenges.

Merci à arthurdelongevialle pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • straits
    19431 points
  • il y a 7 ans

Je vais encore me faire allumer mais bon...
Quand on voit cette approche scientifique du sport, peut-on encore mettre toute leur performance sur le dos du dopage ?
Ils utilisent les dernières technos, les dernières méthodes voire les derniers compléments nutritionnels pour "titiller" leurs limites et surtout ils se donnent les moyens.
Cela n'ôtera jamais toute suspicion, surtout de la part des perdants et jaloux, mais bon, ne cherchons pas trop loin: une grande partie de leur domination sur l'Ovalie est expliquée dans cet article.

Et notre ami va être triste: Nehe s'est reblessé au genou ce matin contre les Chiefs 🙁

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