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FRANCE - AUSTRALIE : la troisième ligne a-t-elle été la clé du match ?
XV de France : Numéros 6, 7 et 8, quelles différences ?
La 3ème ligne a sûrement été la clé du match. Trois numéros 8 côté tricolore , trois flankers pour les Wallabies. On est loin de l'association traditionnelle.

Samedi soir, la France a livré une copie très intéressante dans le jeu face à l’Australie. Certes diminués, les Wallabies présentaient une équipe compétitive, digne de son troisième rang mondial au classement World Rugby. Pour la troisième fois consécutive, Guy Novès a opté pour trois numéros 8 au moment de désigner sa troisième ligne. Louis Picamoles a été aligné à son poste de prédilection, accompagné du Rochelais Kévin Gourdon et du Toulonnais Charles Ollivon.

En face, l’Australie a choisi l’option inverse : aligner trois flankers, avec David Pocock (utilisé d’habitude en 8), Scott Fardy, et le jeune Sean McMahon en troisième ligne centre, mais lui aussi flanker de formation.

Le sélectionneur des Bleus a pris cette habitude en équipe nationale lors de la tournée sud-américaine en Argentine, en associant Picamoles à Goujon et Gourdon. On peut même ajouter Damien Chouly à cette liste, présent sur le banc samedi et jouant au poste de troisième ligne centre. Dans sa carrière d’entraineur, ce n’est en revanche pas totalement nouveau pour le sélectionneur tricolore. A Toulouse, Novès avait régulièrement pris l’habitude de titulariser Louis Picamoles en 6 pour laisser le centre à Gillian Galan, et avait d’autres numéros 8 en seconde ligne, entre Edwin Maka ou Joe Tekori. Le profil type d’un troisième-ligne centre étant plus puissant et plus joueur que celui du flanker en général, le jeu toulousain et celui voulu aujourd’hui chez les Bleus s’y prêtent. Mais cette habitude fait presque figure d’exception dans le rugby international.

Openside et blindside

Dans la culture rugbystique française, les deux troisième-lignes ailes sont bien souvent substituables, les postes de 6 et 7 étant très similaires. Pourtant, dans la culture britannique et plus généralement anglo-saxonne, il s’agit de postes bien distincts. Nos amis anglophones appellent ainsi les deux postes « flanker openside », numéro 7 et « flanker blindside », numéro 6. La différence vient de leur position lors des mêlées fermées. Ainsi, contrairement à l’habitude en France, où le 6 joue côté gauche et le 7 côté droit de la mêlée, ce qui n’a finalement aucune incidence sur le déroulé de cette phase de jeu, les joueurs se positionnent en fonction de la position de la mêlée sur le terrain.

  • Le flanker openside joue donc, comme son nom l’indique, sur le côté ouvert, quand le blindside se charge du côté fermé. C’est donc le rôle du flanker côté ouvert, lors des phases défensives, de glisser le plus vite possible afin de défendre sur la ligne arrière adverse, et ainsi protéger son demi d’ouverture. Le rôle du 7, d’un point de vue offensif, est d’être le premier soutien, que ce soit pour recevoir une passe offload (après contact), ou le premier sur le regroupement pour assurer la conservation du ballon. Mais également sur les rucks adverses, pour ralentir les sorties de balles, obtenir des pénalités ou simplement récupérer la possession. Dans ce domaine, les références restent Richie McCaw, Michael Hooper, Sam Warburton ou Steffon Armitage durant les sacres européens toulonnais.

  • Le flanker blindside, plus focalisé sur le côté fermé, a un rôle moins tactique mais tout aussi important. Offensivement, il doit multiplier les charges et privilégier l’affrontement direct, et défensivement, plaquer à tour de bras. A ce petit jeu, Juan Smith, Jerome Kaino ou Peter O’Mahony sont certainement les meilleurs. Plus utilisé pour ses courses balle en mains, quand, au final, le 7 est précieux dans son jeu « sans ballon », le 6 a un rôle au final très proche du numéro 8, sans doute un peu moins technique et moins chargé des décisions tactiques. On parle ici des postes traditionnels, et non pas de la nouvelle tendance qui veut qu'il faut mettre des joueurs surpuissants en 8, en premier attaquant et non en leader tactique, comme peuvent l’être Kieran Read en Nouvelle Zélande ou Sergio Parisse en Italie.

Bataille dans les rucks et plaquages manqués

Nos adversaires du week-end dernier sont en général très conservateurs de cette tradition de la répartition des tâches. Avec la retraite internationale de Richie McCaw, Michael Hooper est sans doute le meilleur joueur du monde à ce poste, à seulement 25 ans. Son absence a d’ailleurs été soulignée par de nombreux spécialistes, tant son influence est grande chez les Wallabies. Mais la troisième ligne australienne est loin d’avoir failli samedi soir. Et si les joueurs du XV de France peuvent se targuer d’avoir été impériaux en conquête (100% en touche et en mêlée), les Bleus ont en revanche sombré dans les rucks, rendant de nombreuses munitions à leurs adversaires du soir.

C'est là tout le paradoxe de l’équilibre d’une équipe. Que ce soit Charles Ollivon, Kévin Gourdon ou Louis Picamoles, tous ont réussi leur match du strict point de vue individuel et statistique. En revanche, il manquait clairement d’un profil gratteur dans les rangs français, même si les deuxièmes lignes Vahaamina et Maestri sont très bons dans ce domaine. Contre des équipes qui ne sont pas spécialisées dans ces zones de combat, la configuration avec trois numéros 8 ne pose pas de problème. On en a eu la démonstration face aux Samoans ou contre des Argentins en préparation. Contre une équipe australienne rodée par le Rugby Championship - et avec déjà deux Tests Matchs dans les jambes - ce système de jeu a commencé à montrer ses limites. Non pas par les défaillances des joueurs mais par le manque d’équilibre de cette formation. Les Bleus ont ainsi manqué 18 plaquages (sur 101). Si les flankers n’ont pas spécialement tremblé (15/15 pour Ollivon, 17/20 pour Gourdon), leur manque de complémentarité a peut être forcé des joueurs moins bons plaqueurs à devoir s’exposer en défense, ce qui explique ce taux trop élevé (17,8%) de plaquages ratés.

>> La suite de l'analyse en p. 2 <<

Cheika fin stratège, recherche de complémentarité chez les Bleus

On peut ensuite sans doute féliciter la stratégie de Michael Cheika, qui avait certainement ciblé ce point faible en alignant cette association de flankers en troisième ligne. Fardy ou Pocock ont ainsi été de véritables poisons dans les zones de regroupement. En revanche, ce profil plus joueur s’est ressenti dans le jeu courant, avec pas moins de 26 offloads (passes après contact) réalisées par les Bleus, contre seulement 8 pour les Australiens. Noa Nakaitaci en a d’ailleurs réalisé 5 à lui seul. Pendant longtemps, en France, nous avons tenté d’associer un profil de plaqueur-gratteur à un profil de coureur-sauteur sur les ailes de la troisième ligne. Ce fut le cas à un moment de Serge Betsen avec Olivier Magne, puis de Thierry Dusautoir avec Julien Bonnaire. Dans l’esprit de Guy Noves, cela a d’ailleurs souvent coûté sa place à Yannick Nyanga lors des matchs à enjeu, préférant aligner Jean Bouilhou et Thierry Dusautoir, plus complémentaires. Alors que sur des qualités purement individuelles, l’actuel joueur du Racing aurait certainement mérité sa place.

La présence d’un joueur de touche parmi la troisième-ligne est ainsi primordial chez nous, alors que ce n’est que secondaire chez les Anglo-saxons. Les récentes compositions tricolores montrent une certaine évolution de cette pratique. Quelle solution adopter face aux Blacks le week-end prochain, et plus généralement dans les mois à venir ? La composition à trois numéros 8 propose de grands avantages de créativité et d’initiatives, mais présente des limites rédhibitoires à haut niveau. Problème, depuis la retraite internationale de Thierry Dusautoir, aucun flanker ne sort du lot. Aujourd’hui, Wenceslas Lauret, Alexandre Lapandry et Fulgence Ouedraogo semblent les seuls « 7 » disponibles, et n’ont pas l’air d’entrer dans les plans du staff tricolore. Dans le même temps, difficile de sortir un des hommes des récentes compositions, tant ils n’ont pas déçu sur le plan individuel.

6 et demi ?

Du côté des Anglais, référence du moment, la tendance actuelle est de faire jouer deux « 6 et demi », un profil alliant à la fois les qualités du flanker blindside et de l’openside, avec la présence de Chris Robshaw et James Haskell. Même si ce dernier est blessé pour les tests de cet automne, substitué par Tom Wood, il est aujourd’hui le titulaire dans l’esprit d’Eddie Jones. Les deux joueurs rigolent d’ailleurs de cette situation et de ce principe de « six and a half ».

Les performances anglaises actuelles, eux qui restent sur 11 victoires de rang, série en cours, sont sans doute aussi un peu liées à cette association qui fait des ravages. Reste à savoir dans quel état d’esprit est l’encadrement de l’équipe de France. S’inspirer de ce qui se fait de mieux tout en souhaitant créer sa propre identité en termes de jeu. Là encore, tout est question d’équilibre.

Merci à François Valverde pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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Merci bcp pour cet article de qualité
Dans la meme veine, je vous suggère le site greenandgoldrugby.com , site australien avec qq analyses de qualité

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