Décryptage. La recette simple mais efficace employée par l'Australie pour museler les Springboks
L'Australie de James O'Connor a battu l'Afrique du Sud chez elle, à l'Ellis Park de Johannesburg, lors de ce premier match de Rugby Championship. Crédit image : Screenshot Youtube Rugby.com.au
Après avoir été menée 22-5 à la mi-temps, l’Australie a largement battu les champions du monde sud-africains dans un match exceptionnel.

L’unique et dernière victoire des Wallabies dans le mythique stade d’Ellis Park de Johannesburg avait eu lieu en 1963. Les supporters australiens ont dû attendre 62 ans pour voir leur équipe s’imposer chez leurs rivaux sud-africains dans ce stade historique du rugby mondial. À l’époque, l’ailier et sprinteur John Williams avait inscrit l’unique essai du match, pour aider ses coéquipiers à gagner sur le score de 11-9. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la rencontre de ce week-end proposait un scénario sensiblement différent.

Après avoir été largement dominés dans la première période, les hommes de Joe Schmidt ont réussi à résister à la puissance des Springboks en inscrivant des essais spectaculaires. Guidés par leur demi d’ouverture James O’Connor, les Wallabies ont su s’adapter au schéma classique (mais très efficace) des joueurs de Rassie Erasmus. Ce match est d’autant plus intéressant à analyser puisqu’il donne une solution pour battre les doubles champions du monde en titre, qui abordaient ce Rugby Championship avec le statut de favoris.

Une première mi-temps à sens unique

Les vingt premières minutes de ce match ont parfaitement reflété la domination et le système de jeu des Springboks depuis quelques années. Avec une équipe qui s’appuie en grande partie sur la domination physique de ses avants, en particulier d’un Marcus Van Staden impressionnant sur ses prises de balles. Mais aussi sur une défense féroce, toujours à la limite du hors-jeu et très rugueuse, comme en témoignent les multiples plaquages de Malcolm Marx, André Esterhuizen ou encore Siya Kolisi.

Toujours dans les phases de combat, les Sud-Africains étaient très actifs sur les phases de rucks, ne laissant pas les Wallabies ralentir leur sortie de balle. Des déblayages et des libérations de balles rapides entraînant notamment l’essai de Siya Kolisi, qui arrive ensuite à se défaire de deux adversaires avant de plonger dans l’en-but.

Toute cette domination physique permettait à la charnière de la nation arc-en-ciel d’animer parfaitement la rencontre. Grant Williams donnait beaucoup de rythme et réalisait des box-kicks parfaitement placés pour sortir de son camp et renverser la pression avec des duels aériens. Tandis que Manie Libbok attaquait la ligne sur ses prises de balles et servait ses coéquipiers dans de superbes conditions. C’est le cas sur les deux premiers essais de Kurt-Lee Arendse et André Esterhuizen. L’ouvreur des Stormers avance assez pour créer le décalage et donne sa passe au bon moment pour ouvrir une brèche afin que ses coéquipiers possèdent un surnombre à jouer.

Malgré cette domination, les Sud-Africains sont perturbés dans le secteur de la touche. Les coéquipiers d’Eben Etzebeth perdent plusieurs lancers, gênés par le seconde ligne Nick Frost. Cette maîtrise est aussi perturbée en fin de première mi-temps, avec un essai synonyme d’espoir pour les Australiens. Les Wallabies ont trouvé une solution pour marquer et franchir : conserver le ballon à tout prix. Une stratégie qu’ils suivront, quitte à reculer sur les premiers temps de jeu et subir les premiers plaquages.

L’objectif étant en priorité de ne pas rendre le ballon au troisième rideau des Springboks (Edwill Van der Merwe, Kurt-Lee Arendse, Aphelele Fassi), pour ne pas reculer constamment et subir les assauts de leurs porteurs de balle. Le salut australien est donc passé par le jeu, en essayant de jouer après contact, comme l’a fait James O’Connor avec sa passe qui mène à l’essai de l’ailier Dylan Pietzch. Une confiance qui a plu à l'entraineur Joe Schmidt, au micro de Stan Sport.

Je suis un peu impressionné par la façon dont ils sont restés dans le match » Joe Schmidt, source : Stan Sport

Conservation de balle et exploits australiens

Dans la lancée de ce qu’on produit les Australiens face aux Lions Britanniques, les coéquipiers de Nic White sont capables d’enchaîner de longs temps de jeu pour provoquer la faute de défense de leur adversaire. Bien aidé par la domination en touche de ses avants, les arrières Wallabies ont pu avoir des munitions pour mettre en place leurs longues phases de possessions. Des temps de jeu où les gros porteurs de balle (Will Skelton, Harry Wilson, Taniela Tupou, Joseph Sua’ali’i) ont fixé la défense en libérant rapidement le ballon. Cette vitesse de libération, lors des passages au sol, a empêché les Springboks de mettre la pression dans les rucks et de ralentir les ballons avec des grattages.

Ce qui permettait à James O’Connor d’avoir plus de temps pour réaliser des choix et de moins subir les montées agressives des Sud-Africains. L’ancien joueur du RCT avait sûrement analysé et reçu comme consigne de la part de son staff de conserver au maximum le ballon. Ce qu’il a parfaitement réalisé en alternant les bons choix, comme sur cette magnifique passe pour son ailier Max Jorgensen, qui réalise ensuite un véritable exploit en profitant du décalage fait par son ouvreur.

Difficile de parler d’exploit sans évoquer la performance de l’arrière Tom Wright. Le joueur des Brumbies était étincelant face aux Springboks, traversant le terrain à multiples reprises. On pense notamment à sa passe décisive pour son numéro huit, Harry Wilson, et évidemment à son essai en contre-attaque en fin de match.

Mais le premier essai qui met véritablement les Wallabies en confiance est celui de leur troisième ligne centre Harry Wilson, encore auteur d’une magnifique prestation. Une action qui arrive suite à plusieurs temps de jeu australiens, qui finissent par trouver la faille par la magnifique passe dans l’intervalle du pilier Angus Bell. Le défenseur Ox Nche se fait fixer par cette transmission et ne prend pas l’attaquant dans son couloir, laissant le champ libre à Harry Wilson qui signe le premier de ses deux essais.

Au-delà de cette passe, Angus Bell a réalisé une très belle rentrée, très actif ballon en main et gagnant systématiquement de précieux mètres. Les remplaçants australiens ont remis leur équipe dans l’avancée, à l’image du demi de mêlée Tate McDermott, très dynamique, n’hésitant pas à porter le ballon au ras des rucks. Des joueurs qui ont permis à l’Australie de renverser une équipe d’Afrique du Sud totalement dépassée en seconde mi-temps.

Déroute sud-africaine

Malgré leur bonne entame, les Springboks ont totalement déjoué en seconde mi-temps, surpris par la vitesse et l’envie des Wallabies. Les Sud-Africains ont été pris dans des secteurs dans lesquels ils répondent généralement présents, comme les rucks, avec le troisième ligne aile Fraser McReight qui a pu gratter des ballons importants dans les 22 mètres de son équipe. Mais aussi en touche, en perdant plusieurs ballons contrés par leurs adversaires, mais aussi à cause d’un mauvais timing entre le lanceur et les sauteurs.

Il faut également souligner les multiples fautes de main des Springboks sur des actions dans lesquelles les décalages semblaient tout fait, comme sur l’en-avant d’André Esterhuizen qui entraîne l’exploit de l’arrière Tom Wright en contre. Des erreurs loin d’être habituelles pour les champions du monde, qui ont eu du mal à trouver un second souffle en seconde mi-temps, même avec la rentrée des remplaçants qui n’ont pas entraîné une nouvelle dynamique. 

Un des grands perdants de cette rencontre est l’ouvreur Manie Libbok. Titularisé à la place d’Handré Pollard, le numéro 10 des Stormers a (comme souvent) alterné le meilleur et le pire. Le meilleur lors de la première mi-temps en attaque, avec une bonne alternance et des prises de balles décisives et dangereuses. Le pire en deuxième période, avec sa sautée interceptée par Joseph Sua’ali’i qui ramène les Australiens à trois points de l’Afrique du Sud.

Mais également ses erreurs défensives sur des plaquages, certes compliqués à réaliser, en troisième rideau. Manie Libbok rate notamment les plaquages lors de ces duels face à Harry Wilson en poursuite et Max Jorgensen en un contre un. Rassie Erasmus a d’ailleurs décidé d’aligner Handré Pollard à l’ouverture pour la prochaine rencontre.

Cette première opposition du Rugby Championship a donné lieu à un superbe match, probablement une des plus belles oppositions de cette année, qui confirme la bonne forme des Wallabies malgré une tournée perdue face aux Lions Britanniques. L’Australie peut compter sur une équipe composée de jeunes joueurs, tandis que Rassie Erasmus a décidé de totalement modifier son équipe pour le prochain test entre les deux nations. Les Springboks accueilleront de nouveau les Wallabies, mais cette fois à Cape Town. Les doubles champions du monde en titre pourront compter sur le retour de leur ouvreur Handré Pollard, mais aussi de Cheslin Kolbe, Willie Le Roux ou encore RG Snyman.

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