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Lettre ouverte au rugby amateur : ''rendez-nous notre rugby''
On a oublié que le rugby amateur existait.
Mathieu Selmi-Etienne, joueur amateur, a décidé de s'exprimer ouvertement sur l'absence de son sport. Une lettre à lire et à partager.

Dimanche 25 octobre 2020, aux alentours de 17h, retentissait le coup de sifflet final d’une nouvelle journée de championnat sur tous les terrains de rugby amateurs en France. Les joueurs, conscients de la menace d’un nouveau confinement qui planait au-dessus de leurs têtes, ont certainement prolongé ce jour-ci la troisième mi-temps plus tard que d’accoutumée.

Cependant, personne ne s’imaginait que 3 mois plus tard nous serions toujours privés de notre rugby, avec en prime une saison blanche qui se profile. Au départ, cela ne devait être que passager et presque arrangeant, nous permettant d’éviter la période hivernale détestable avec les terrains gelés ou boueux, les entraînements à 1 degré et les matchs sous averses avec autant de mêlées que de passes. Mais les semaines passent et un réel manque s’installe, une souffrance devenue au fil du temps plus psychologique que sportive.

Le manque de préparer son sac qui renferme encore l’odeur de transpiration, des séances de physique affreuses, du mercredi à 10 sous la flotte, des sacs de placage et des boucliers usés, des ballons dégonflés couverts de boue séchée, de la mise en place interminable du vendredi, des repas du vendredi soir avec leurs virées en boîte imprévues, des samedis sans trouver le sommeil alors que tu joues en 4ème série, du ventre noué du dimanche matin, des repas d’avant match à base de pâtes au beurre mal cuites du dimanche midi, des regards du dimanche approchant 15h, des tartes et des insultes du dimanche à l’extérieur, des tribunes pleines et des applaudissement du dimanche à domicile, du regard fier des bénévoles au club house depuis 8 heures, des retours en chansons en bus, des troisième mi-temps mémorables du dimanche soir, des courbatures et maux de tête du lundi, du bas du dos qui siffle toute la semaine suivante. C’est tout ce cycle qui nous est arraché, qui parait monotone, mais qui en réalité est un réel exutoire pour tous ces joueurs de rugby qu’ils soient gros, grands, maigres, bêtes, intelligents, vieux, jeunes, maçons, étudiants, ingénieurs, garagistes, professeurs, cuisiniers, chômeurs, chefs d’entreprise, divorcés, heureux, tristes, généreux, égoïstes, extravagants, écolos, gauchos, franchouillards, policiers, journalistes, anciens pros, débutants... mais surtout tous réunis 3 ou 4 fois par semaine pour une passion commune.

Qui aurait pu prédire que ces gars-là nous manqueraient ? Celui qui pourrait être ton père mais refuse d’arrêter, celui qui a tout juste 18 ans et te rappelle que tu vieillis, celui qui n'attrape pas un ballon parce qu’il a les mains sur le cœur, celui qui s’entraîne sans arrêt mais ne progressera jamais, celui qui étale tout le monde aux entraînements, celui qui a mal partout mais revient toujours, celui qui doit se regarder dans la glace avant d’entrer sur le terrain, celui qui ne lave jamais ses affaires... Et tous ces gars devenus des frères alors que tu ne leur aurais jamais adressé la parole sans le rugby.

C’est là toute la magie du rugby amateur, cette force de rassemblement sans aucun préjugé, sans différences sociales. Parce qu’aujourd’hui la vie de tous ces hommes sans rugby n’est pas si simple à gérer, on leur enlève leur meilleure thérapie psychologique. Parce que c’est surtout ça qui nous fait aimer le rugby, au-delà du sport, ces moments de partage qui, quel que soit le niveau, redonneraient la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la parole aux muets et surtout le sourire aux malheureux. Depuis des années, le rugby nous a permis de grandir, de construire des amitiés inébranlables, de rencontrer des personnes exceptionnelles et de vivre des émotions uniques. Depuis des années, nous avons simplement appris, peut être sans s’en rendre compte, à vivre avec le rugby comme une partie intégrante de notre quotidien, au même titre que les repas de famille, aller chercher les enfants à l’école ou se lever le matin pour aller travailler.

Depuis ce 25 octobre c’est un maillon de la chaîne de la vie de tous ces licenciés qui a sauté, qu’il est  difficile, voire impossible de remplacer. Quel sera l’impact sur la santé mentale de ces hommes qui n’ont plus cette bouée de sauvetage qui leur permettait, le temps de quelques heures, de passer des maux de la vie aux doux mots du rugby ?

Rendez-nous notre rugby.

Merci à Mathieu Selmi-Etienne pour cette lettre ouverte. 

Merci à Mathieu Selmi-Etienne pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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Courrier irresponsable !
Avez-vous remarqué que les spectateurs, autour des terrains, sont majoritairement VIVANTS !
Que veut-on ? Des minutes de silence en mémoire des personnes décédées qui auront contacté la covid au stade ?!

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