Un plaquage en retard, une blessure terrible, et un match faussé ?
Le week-end dernier, l’Argentine a vu Juan Cruz Mallía sortir avant la fin du match, touché au genou après un contact avec le troisième ligne anglais Tom Curry. Le joueur du Stade Toulousain, très précieux, est désormais forfait pour de très longs mois, un coup dur pour lui comme pour le club.
Pourquoi le forfait de Mallia pourrait peser plus lourd que ceux de Dupont ou Ntamack pour le Stade ToulousainSur l’action, Curry arrive en retard sur Mallía qui vient de dégager au pied. L’arbitre ne siffle qu’une simple pénalité, et l’Argentine termine à 14 puisque tous les remplaçants avaient déjà été consommés. Cette séquence a relancé le débat sur la protection du botteur… et sur l’application des règles. Pour y voir clair, Nigel Owens et Jamie Roberts ont livré une analyse technique très fouillée.
Un plaquage « à la limite », mais pas plus qu’une pénalité ?
Pour l'ancien centre, pas de débat, l'Anglais est en retard "mais il y a une tentative d’enrouler le joueur. Ce n’est pas dangereux." Simple pénalité donc. Mais pourquoi pas un carton jaune comme beaucoup le souhaitaient ? Owens nuance : "C’est un de ces cas où il y a pénalité, mais c’est une pénalité malheureuse."
L’ancien arbitre international compare avec une situation de "charge down" : si un joueur prend un risque en allant au contre, ne touche pas le ballon et fauche ensuite le botteur, alors il est logiquement sanctionné. Pour lui, Curry n’est pas dans ce cas :
Curry est en quelque sorte engagé dans ce plaquage. Je pense qu’il aurait probablement touché le botteur quoi qu’il arrive, mais il aurait pu ralentir un peu. (…) Oui, il y a pénalité. Les actions de Curry sont à la limite, mais c’est juste une pénalité, rien de plus, honnêtement.
Owens insiste ensuite sur un point crucial : l’arbitrage ne peut pas dépendre de la gravité de la blessure. "Vous ne pouvez pas intégrer cela dans votre prise de décision." C’est précisément l’un des éléments qui revient le plus souvent après l’action : fallait-il monter la sanction car Mallía se blesse gravement ? Pour Owens, seul un organisme peut évaluer cela : "C’est à cela que sert la commission de citation. (…) Mais sur le terrain : pénalité, rien de plus."
Pourquoi la conséquence ne décide pas de la sanction ?
Ce point divise les supporters et même certains joueurs. "Mais on ne peut pas arbitrer en fonction de la conséquence", ajoute Roberts avant qu'Owens confirme et réexplique : la blessure est un élément inconnu au moment du contact. Peut-être grave, peut-être non. C’est pour cela que la règle ne peut pas dépendre de « l’après-coup ». Mais malgré sa ligne claire, l'ancien officiel reconnaît que la question est légitime dans un débat plus large : comment mieux protéger le botteur sans basculer dans un rugby aseptisé ?
Roberts rappelle lui aussi la responsabilité du plaqueur : "Vous avez un devoir, en tant que joueur, de protéger le botteur. (…) Quand vous réalisez que vous ne l’avez pas, vous devez amortir l’impact." Et dans le cas de Curry, c’est précisément cette gestuelle de freinage insuffisante qui interroge certains arbitres et supporters. Owens le dit lui-même : un autre arbitre aurait pu aller jusqu’au jaune en considérant que Curry « aurait pu se retenir ».
Le vrai problème : l’Argentine aurait dû terminer à… 15 !
C’est ici que Nigel Owens sort un point que beaucoup ignoraient — et qui change totalement la perception du match. "Mallía se blesse au genou et doit sortir. L’Argentine finit à 14 car ils ont utilisé tous leurs remplaçants", rappelle l'ex-centre. Or Owens révèle que les Pumas auraient dû pouvoir faire revenir un joueur :
Si un joueur a dû quitter le terrain à cause d’un acte de jeu déloyal, des remplaçants peuvent revenir. (…) Dans ce cas précis, l’Argentine aurait dû pouvoir faire revenir un joueur pour repasser à 15. Ils auraient dû être à 15.
Cette règle, parfois méconnue du grand public, est pourtant claire : lorsqu’un joueur sort blessé à cause d’un acte de jeu déloyal, l’équipe victime peut récupérer un remplaçant… même si le banc est vide. Un mécanisme destiné à éviter qu’une équipe ne soit doublement punie. Il est aussi possible de faire revenir un joueur en cas blessure en première ligne, de saignement ou encore de protocole commotion.
Owens est catégorique : "Le numéro 4 ou 5, ou les arbitres, auraient dû être au courant de cette règle." Une erreur de procédure, donc. Et peut-être un tournant majeur dans cette fin de match tendue. Le perdre sur une action considérée comme fautive, puis terminer le match à 14 à tort, c’est un double coup dur. Et pour le Stade Toulousain, la conséquence est claire : Mallía ne rejouera pas de la saison.
Une mise à jour des règles nécessaire ?
Cette séquence pourrait relancer plusieurs débats :
- La protection du botteur doit-elle être renforcée ?
- Faut-il clarifier la différence entre “retard” sanctionnable et “retard dangereux” ?
Owens rappelle que le rugby évolue en permanence et que ce genre d’action doit nourrir la réflexion, sans tomber dans l’excès disciplinaire. Une action banale en apparence, une blessure lourde et une décision arbitrale qui aurait pu changer le scénario du match.

pascalbulroland
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91241 pointsQuand Lawes avait détruit Plisson sur un plaquage "limite", Owens n'avait sifflé qu'une pénalité...
Normal qu'il juge le plaquage de Curry avec la même sanction.
Aristaxe
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27988 pointsIl me semble même qu'il n'avait pas accordé de pénalité du tout.
pascalbulroland
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91241 pointsC'est possible , je ne me rappelle pas bien.
Manu
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25056 pointsTrès bonne analyse
Article bien documenté
Respect
Ça change de certains articles qui n'apportent rien ou sont truffés d'erreurs
Brett Zel
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257 pointsCe qui est malheureux, c'est que soit toujours les mêmes joueurs qui font des fautes "limites" sans jamais être sanctionnés. Autant Tim Curry est rugueux mais fair-play, autant son frangin est comme la pat' patrouille, toujours là quand il y a une embrouille. D'autres Sud-Af et Irlandais sont coutumiers du fait.
Si c'était Jelonch ou un italien qui avait fait la même action, il y a fort à parier que son action aurait été jugée au-delà de la limite, avec jaune et bunker.