Antoine Commare, un frenchy en plein bastion anglais du côté de Kuala Lumpur
Antoine a vécu ses meilleures années de rugby en Malaisie.
Muté à Manille puis à Kuala Lumpur, Antoine Commare ne se doutait pas qu’il reprendrait un jour le rugby, mais il a suffi d’une rencontre pour raviver la flamme et initier le début d’une aventure incroyable.

Salut Antoine parle-nous un peu de toi, où as tu commencé le rugby ?

Ma brillante carrière a commencé dans les frimas parisiens. À Jean Bouin, du temps où il accueillait le CASG. À cette époque, Jean Bouin, c’était un peu un repaire de tarés. Quand tu es en cadet ou en junior et que tu vois Tachdjian faire du Tachdjian tous les week-ends, ça met en place de bonnes bases. J’ai commencé en deuxième latte, mais les coachs ont vite remarqué que je serai plus utile à l’aile. Peut-être était-ce dû au fait qu’on avait deux coffres à ballon au centre ?

Pourquoi avoir continué ta carrière à l’étranger ?

J’ai ensuite été témoin de la fusion avec le Stade Français, mais la même année, je me suis démonté le genou face au Racing. Ça a mis un terme rapide à ma « fulgurante ascension ». Après de nombreux mois dans le plâtre, on m’a annoncé que le rugby c’était fini pour moi. Pas de syndrome « Poulain », mais ça a quand même fait bien ch… Quelques années plus tard, dans un bar à Manille, où le boulot m’avait envoyé, dans les brumes de houblon, un type me prend à part en voyant ma belle cicatrice sur le crâne. Le lendemain, je me pointais à l’entraînement de son équipe. Après six ans sans toucher le ballon, j’ai rechaussé les crampons avec les Manila Nomads. Ça a été le début d’une formidable aventure.

Comment as-tu atterri à Kuala Lumpur ? Pas trop compliquée l'acclimatation ?

En 2004, après une année passée à Manille, ma boîte m’a transféré à Kuala Lumpur. J’ai vite pris contact avec le Royal Selangor Club (RSC) que j’avais eu l’occasion d’affronter lors de tournois locaux. J’ai pu y découvrir la notion de club à l’anglaise. Dans cette équipe, il y avait de tout. Malaisiens, Ecossais, Gallois, Australiens, Néo-Zélandais, Irakiens, Turques, Canadiens, Irlandais, Espagnols, Colombiens et bien sûr des Anglais. Notre pilier était français et il avait déjà bien posé les bases du rugby à la française. Ces gars, sont devenus ma famille. On a tout fait ensemble. Et puis un jour a débarqué Deano Herewini, un coach, un vrai, un Maori massif et avec une connaissance technique du rugby incomparable. Il est d’ailleurs à Hong Kong maintenant, où il entraîne quelques Français, comme Jean Baptiste Aldigé ou Thomas Lamboley au Valley RFC. Bref, Deano nous a fait découvrir un rugby total, déconnnant mais avec des bases bien solides. Après quelques mois, il a lancé le projet de l’école de rugby. Je l’ai suivi avec d'autres seniors et on a tout créé de A à Z. Le samedi on encadrait près de 400 gamins.

Tu fais quoi là-bas à côté du rugby ?

Apres avoir été journaliste pendant vingt ans, je travaille maintenant dans une boite d’informatique. Je m’occupe des relations avec les gouvernements et de la promotion d'une société a l’international. Très vite, pour ne pas emm… tout le monde, nous sommes spécialisés dans la création, le développement et la mise en place de systèmes de e-Gouvernements.

Venons-en au rugby local... On a du mal à s'imaginer que le ballon ovale soit implanté en Malaisie ! Que peux-tu nous en dire, notamment au niveau de son histoire ?

Le rugby en Malaisie est extrêmement populaire ! L’héritage des colons anglais a fait que presque chaque école possède son équipe. Chaque université a une structure rugbystique plus ou moins bonne. Il y a aussi des clubs qui sont vraiment actifs. Les KL Tigers, Cobras, KL Saracens, NS Wanderers sont les vitrines du rugby local. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps que ça, vous avez mentionné un joueur malaisien qui joue professionnellement au Japon. Dineshwaran Krishnan (Dugro pour les intimes). Lui, à chaque fois que tu le prenais, ça piquait très fort. L’équipe nationale, malheureusement, n’a pas eu les résultats escomptés durant les dernières années. Mais la fédération a mis en place une nouvelle équipe dirigeante qui a l’air de prendre les choses plus sérieusement et qui a élaboré un plan sur les prochaines années. Battre le Japon, c’est un objectif qui je crois est faisable, mais pas tout de suite.

Dineshwaran Krishna se fait une Lomu contre la ThaïlandeQuelle est la situation actuelle du rugby en Malaisie ?

Je suis incapable de dire combien il y a de joueurs de rugby. Par contre tous les week-ends, je peux garantir qu’il y a un nombre faramineux de coachs et d’arbitres…sur la touche, dans les gradins et au pub. Quant au niveau, je pense que quelques équipes seraient loin d’être ridicules en Fédérale 1 française. Mais depuis quelques années, on a assisté à un phénomène qui pour moi a été au détriment du rugby malaisien : « La chasse au Fidjien ».

Chaque équipe locale se devait d’avoir au moins deux Fidjiens. Il y a même un club, dont je tairais le nom, car un français, ancien joueur dudit club, est un avide lecteur du Rugbynistere, où on devait se frotter les yeux pour voir s’il y avait autre chose que des Fidjiens dans leur équipe. La fédé a même naturalisé quelques gars des îles pour qu’ils jouent en équipe nationale. Ça a été un tel phénomène que les instances dirigeantes ont été obligées de remédier à la situation en promulguant une loi interdisant d’avoir plus de deux « imports » sur le terrain. Mais j’ai bon espoir pour le rugby malaisien. Il y a un vivier de joueur assez intéressant, et si la mentalité suit, ça devrait bouger dans le bons sens dans les années qui viennent.

Tu as joué là-bas pendant 13 ans, parle de nous de ton expérience de rugbyman ?

C’est là que j’ai connu mes plus belles années rugby. Comme je l’ai dit plus haut, on venait de partout. On était fusionnels. J’ai rencontré des types qui sont devenus ma famille. Pas mal d’entre eux sont toujours là. C’est toujours intéressant de voir l’évolution des gars. Tu les connais par cœur, et un jour, y’en a un qui devient papa. Et quand quelques années plus tard, tu coaches son gamin, tu te dis que la boucle est bouclée. J’ai tout connu ici. Les bon gros succès, les branlées phénoménales, des soupes de phalanges, mais surtout des troisièmes mi-temps dont personne ne peut se souvenir.

Quelle est l’histoire des KL Tigers ? Ce club pour lequel tu as joué et affilié aux célèbres Leicester Tigers ?

Après quelques années, on s’est fait virer du RSC. Pour des raisons diverses et variées dont je ne parlerai pas ici. Mais nous avons du recréer une structure très rapidement, car on avait toujours nos gamins qui tous les samedi matins voulaient s’entrainer. Un des types qui était impliqué avait des contacts rapprochés avec les Leicester Tigers. On leur a présenté notre projet et ils ont dit banco. Un autre club de Kuala Lumpur est affilié aux Saracens. Ça a peut-être aidé. Bref, les derbys sont assez tendus, et c’est assez marrant pour un frenchy de voir un derby anglais, joué en Asie.   

Tu entraînes également depuis près de dix ans maintenant ?

Aujourd’hui je ne coach plus vraiment. Je l’ai fait pendant longtemps, et je pense qu’il faut savoir passer la main. Je les suis toujours mais j’ai pris pas mal de recul. L’équipe en place aux KL Tigers est bonne et fait un boulot remarquable. On a une académie très active, et le partenariat avec Leicester a ouvert de bonnes portes pour les enfants. Régulièrement, nous avons des joueurs de Premiership qui viennent partager leur expérience. On organise des camps et les enfants ont la possibilité d’aller se frotter au rugby anglais tous les ans. Bref, mon implication dorénavant se fait plus depuis les gradins.

Tu préfères le rugby en France ou en Malaisie ?

C’est différent, mais quand tu joues en France, si tu as de la chance, tu pars en tournée en Belgique, Angleterre, ou Allemagne. Ici, on participe à des tournois aux Philippines, Thaïlande, Vietnam, Cambodge ou Singapour. Je n’ai rien contre nos voisins européens, loin de là. Mais je trouve nos destinations un peu plus sexy.

Quelle expérience t’as le plus marqué ?

Une chose qui restera à jamais dans mes souvenirs, c’est la Coupe du Monde des écoles françaises à Hong Kong. Après avoir créé la section rugby au Lycée Français de Kuala Lumpur avec Emmanuel, nous avions emmené les enfants là-bas pendant le Hong Kong 7s. J’ai mis deux mois à m’en remettre, mais voir Serge Betsen signer un drapeau français de 9 mètres, qui avait fait le voyage depuis Kuala Lumpur, entouré de tous les gamins, ça valait le coup.

Avec toutes ces aventures, du dois forcément avoir des souvenirs insolites à nous raconter ?

Là j’en ai plusieurs :

  • Une cuite mémorable enfin presque… Avec un ancien entraineur du Top 14 qui entraine maintenant une équipe du 6 Nations, en compagnie d’un deuxième ligne de l’ASM qui fait des brioches et d’un ancien troisième ligne toulousain à la mèche grise dans les bars kualalumpuriens.
  • Jouer contre Akebono le sumotori aux Philippines.
  • Faire face au Hakka de l’équipe nationale universitaire néo-zélandaise, et la branlée qui s’en est suivie….
  • Me faire plaquer par Jonah Lomu pendant un atelier pour les gamins. C’est d’ailleurs le jour où j’ai décidé ne plus jamais me foutre de la gueule de Mike Catt.
  • Et d'une manière générale tous les tournois en Asie. Mais ce qui se passe là-bas, reste là-bas… Un conseil toutefois, si un club français arrive à mettre en place le budget qu’il faut, participer à un tournoi ici est une expérience inoubliable.

As-tu retrouvé dans le rugby malaisien des choses qui se sont perdues en France et inversement ?

Il n’y pas de culture rugby ici. À part les expatriés, les Malaisiens ne connaissent pas l’esprit rugby et les valeurs (comme vous dites….) Je trouve ça dommage. Mais ça aussi ca évolue dans le bon sens.

Le futur du rugby en Malaisie, tu le vois comment ? Qu'est-ce qui permettrait son développement ?

Il y a une nouvelle équipe dirigeante en place. Le Ministre des Sports malaisien a désigné le rugby comme sport de première catégorie. Tout ça est très positif. Mais on en revient toujours au même problème : le budget. Avec plus d’investisseurs privés, le rugby malaisien ne pourrait que grandir plus rapidement et sainement.

Pour ce qu'y est de ton futur à toi, que peut-on te souhaiter, tant personnellement que rugbystiquement ?

Mes années terrain sont derrière moi. Je participe de temps en temps à des matchs de vétérans. J’ai les genoux en carafe, et le dos ne suit pas forcement non plus. Mon rugby à moi, c’est au pub maintenant. Mais j’ai bon espoir que mon fils reprenne le flambeau. Bon, il a un an, donc on va attendre un peu avant de prendre contact avec Guy Novès. Je suis toujours avidement le Top 14. Le Stade Français, et La Rochelle sont mes deux clubs de cœur. J’essaye d’aller à Deflandre quand je suis là-bas. Et bien sûr, je supporte la France dans ce bastion anglais qu’est Kuala Lumpur. Ce n’est pas toujours facile malheureusement. Mais avec mes potes Cyril, Jérôme, Xavier et avant Olivier, on réussit à rameuter les troupes françaises quand c’est nécessaire.

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  • gman
    5676 points
  • il y a 7 ans

Le Royal Selangor! Mon ancien club! J'y ai passé une année phénoménale! Merci à Antoine de m'aider à me souvenir de ce que la Tiger Beer m'avait fait oublier! D'ailleurs je n'ai jamais fait compris pourquoi on s'etait fait virer! Antoine si jamais tu me lis, explique moi et bonne chance à toi!

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