Rugby et écologie : Julien Vidal : ''lorsque l’on part de zéro, tout est possible''
Pour Julien Vidal, le rugby est en retard sur les questions écologiques. Crédit photo : Lisa Hor
Fondateur du mouvement Ça commence par moi et fan de rugby, Julien Vidal, est persuadé que le sport et en particulier l'ovalie ont un rôle à jouer dans l'écologie.

Grenoblois d’origine, Julien Vidal, 35 ans, a toujours baigné dans le sport. Si le basket-ball tient une grande place dans sa vie, tout comme la randonnée, il vibre également pour le ballon ovale depuis de nombreuses années grâce à son père qu’il l’emmenait voir les matchs du FCG ou encore du CSBJ. “J’ai aussi vécu en Ecosse, donc j’ai eu l’occasion de voir plusieurs matchs du Tournoi des 6 Nations à Murrayfield. J’ai découvert cette ferveur écossaise incroyable. Je me rappellerai toute ma vie d’un match extraordinaire Ecosse/Irlande où les chants ont résonné pendant les 80 minutes de la rencontre.” S’il suit un peu moins le Top 14, il ne rate aucun match du Tournoi et se passionne bien évidemment pour la Coupe du monde.

Il faut dire que depuis son retour en France en 2016, après des études de droit et de politique internationale mais surtout plusieurs années passées à l’étranger dans le cadre de missions de solidarité internationale, il a mené de front son projet intitulé Ça commence par moi. Où comment avoir un impact positif sur la planète par de simples actions quotidiennes. 365 au total pour chaque jour de l’année qu’on peut retrouver sur son site internet. Cette démarche, Julien l’a racontée dans un livre. Et il ne s’est pas arrêté en si bon chemin puisque deux autres ont suivi avec toujours à l’esprit l’impact écologique sur les peuples les plus vulnérables mais aussi le bonheur de Français et leur capacité à envisager l’avenir de manière optimiste. “Je porte un mouvement, ça commence par moi, qui tend à mettre de la fierté et de l'ambition dans le mouvement éco-citoyen en France pour normaliser ces sujets et non pas les rendre contraignants mais au contraire désirables”.

Est-ce que l’écologie est un sujet dont on parle facilement en 2021 ?

Je vois une grande montée des priorités écologiques dans le top 3 des Français depuis 2016. Si bien qu’en pleine crise sanitaire, ça reste la priorité numéro 1 des Français. Le monde politique s’en saisit plus ou moins, à vrai dire plus moins que plus, même si ça parle beaucoup. On l’a vu avec la convention citoyenne pour le climat où on a fait travailler les Français à adopter des actions qui permettraient à la France de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre, voire même 55% en s’alignant avec les autres nations européennes. Mais là on voit actuellement avec le vote des lois climat à l’Assemblée que tout a été raboté. Sur les 149 propositions, il n’y en a que 10 qui sont gardées. Alors oui, on parle de plus en plus d’écologie et c’est de plus en plus dans les médias. Mais à la fois, on est encore très très peu conscient de l’ampleur de l’urgence. J’ai tendance à dire que ça va très vite, mais qu’il reste encore énormément de travail à faire.

Est-ce que le sport a sa place dans les discussions sur l’écologie ?

Le sport a toute sa place et pas sa place dans ces questions. Il ne l’a pas parce qu’il n’a pas encore voulu reconnaître sa place, notamment en ne mesurant pas son impact écologique. Il n’y a aucun club par exemple qui est capable de dire combien “coûte” écologiquement un match par spectateur “direct” dans le stade mais aussi “indirect” devant la télévision. On ne sait pas lequel pollue le plus, quels sont les postes qui polluent le plus. Même si j’ai ma petite idée.

Pour un match de rugby, même si les joueurs prennent le train pour un trajet qui peut être court, ça ne concerne que le club. On parle de 50/60 personnes. Derrière, il faut penser qu’il y a 10, 15, 20, 30 000 spectateurs pour les gros matchs qui ne prendront pas tous les transports en commun. Certains viendront aussi en voiture. Il y a des enjeux sur la question des transports parce que le sport mobilise énormément de gens. On peut donc dire que le terrain est en friche dans la lutte pour réduire les émissions de gaz à effet de serre parce qu’on ne sait pas d’où on part sur le sport.

Mais pour rendre ces sujets désirables, le sport c’est extraordinaire. C’est un porte-voix fantastique. On l’a vu sur la question des droits civiques et des minorités aux Etats-Unis avec la NBA qui s’est beaucoup saisi de ces questions notamment lors des derniers play-offs. On a vu des joueurs mettre un genou à terre, porter des t-shirts “Black Lives Matter”. Dans ce domaine, le rugby est aussi bon que le football, c’est-à-dire zéro pointé. Malheureusement ce qu’il y a de plus vert dans le rugby, c’est la pelouse avant un match.

Et encore il y a des pelouses synthétiques...

Ça vaudrait le coup de mesurer parce qu’une pelouse synthétique n’a plus besoin d’être arrosée. C’est comme les sapins de Noël. Un sapin en plastique, il est rentable à partir de 20 ans d’utilisation. Donc si la pelouse reste pendant des années et des années, ça peut être intéressant. Mais vu qu’on n’a jamais calculé, on ne sait pas.

On peut donc dire que le rugby, sport de valeurs, est en retard sur ces sujets essentiels.

C’est quasiment pas mis en avant. Les deux seules personnes du monde du rugby que j’ai entendues parler de ce sujet de manière plus ou moins large, c’est Ryadh Sallem, que j’ai eu l’occasion d’interviewer dans mon podcast 2030 Glorieuses. C’est un champion paralympique, passé par le basket et la natation avant de débarquer dans le rugby, qui a créé une association pour faire en sorte que les personnes en fauteuil ne soient pas vues comme des boulets mais au contraire comme des alliés et des richesses dans notre société. Et il a aussi tout un engagement écologique dans sa région, dans sa commune notamment pour protéger des arbres. Donc il prend souvent la parole sur ces sujets.ECOLOGIE. EXCLU. Julien Pierre : ‘’S’il y a bien un sport qui a la capacité de mobiliser autour de l'environnement, c’est le rugby !’’ECOLOGIE. EXCLU. Julien Pierre : ‘’S’il y a bien un sport qui a la capacité de mobiliser autour de l'environnement, c’est le rugby !’’Et je sais que l’ancien international Julien Pierre a créé un mouvement qui s’appelle Fair Play for Planet. Mais c’est quelque chose de très réduit. C’est que le début. Ils veulent devenir la référence du changement climatique par le sport mais on en est aux prémices. Alors qu’il faudrait qu’on arrive à réduire par 4 voire 5 notre empreinte écologique d’ici à 2050. Bientôt il faudra même se poser la question de savoir comment on garde le sport. Et chaque fois qu’on ose aborder le sujet, ça part en débat stérile comme lorsque le maire de Lyon Grégory Doucet avait parlé de l’impact écologique du Tour de France et de la possibilité de refuser son passage à l’avenir. La question était de savoir si le Tour de France était polluant. Alors oui, si on prend seulement en compte la caravane et les voitures. Mais rapporté au nombre de spectateurs qui regardent cet événement, qui est l’un des plus regardés dans le monde, l’impact est minime.

Si un jour World Rugby a la mauvaise idée de faire la Coupe du monde à Dubaï, mais ça me semble peu probable, ou au Qatar avec les stades climatisés, l’impact pourrait être dingue. La France va bientôt accueillir la Coupe du monde de rugby et des milliers de supporters vont prendre l’avion pour venir voir les matchs. Il faudrait mesurer l’impact mais ça n’a jamais été fait. Je disais que le rugby et le foot étaient au même niveau sur ces questions, mais le rugby est peut-être même derrière car je me souviens qu’un club anglais de deuxième division (le FC Forest Green Rovers, ndlr.) avait mis en avant plusieurs actions comme les repas vegan pour les joueurs, des panneaux solaires, un stade en bois ou encore de l’engrais naturel pour la pelouse. Ils s’étaient auto-proclamé club le plus écolo du monde. Et ça, je ne l’ai jamais vu dans le rugby alors que c’est un sport de terroir, de tradition. C’est un sport à hauteur d’hommes, mais pour moi ils ont complètement loupé cet enjeu-là.

Quelles sont les disciplines qui, au contraire du rugby et du football, ont conscience des enjeux écologiques ?

Le plus souvent ce sont les sports qui sont le plus directement confrontés au dérèglement actuel. Par exemple on entend plus les skieurs prendre la parole sur ces questions parce qu’ils voient bien que plus le temps passe et moins il y a de neige. C’est également beaucoup mis en avant dans le monde de l’apnée où Guillaume Néry prend très souvent la parole sur ces sujets. Lui qui est tout le temps dans les océans voit l’impact de la hausse des températures sur la biodiversité, les courants qui sont en train de changer, etc. Même si on voit de plus en plus de préparateurs mentaux, le rugby comme le football sont des sports tournés vers l’extérieur contrairement à l’apnée où il y a un travail intérieur plus poussé qui amène à revoir notre place dans le monde et prendre conscience de l’impact de leur activité. Alors que pour les “grands sports”, ce qui importe, c’est que la compétition continue et donc ils légitiment tous les excès par la suite. Le symbole de la Coupe du monde de football au Qatar, c’est fou.

De quels leviers disposent le rugby pour avoir un impact positif pour l’environnement ?

Ce qui est bien dans ces sujets-là, c’est que lorsque l’on part de zéro, tout est possible. Si on peut mettre le doigt sur les leviers les plus impactants comme la question des transports, on essaie d’y aller tout de suite. Mais vu que tout est à faire et qu’il faut le faire le plus vite possible, on peut tout faire. Donc c’est autant le travail des spectateurs, des supporters que des joueurs, des clubs et des villes qui sont forcément impactées par l’activité d’un club. On voit certaines villes en France où tout tourne autour du rugby. Ce n’est pas forcément les jours de matchs qu’on voit les maillots de Toulouse ou de Clermont. Ces villes peuvent donc maximiser l’offre de transport public pour aller au stade. Ça, ça devrait être hyper important. Au niveau du club, il devrait y avoir une espèce de carotte du style : “si vous pouvez justifier d’être venu en transport en commun, on vous offre une réduction à la buvette ou sur l’abonnement.” Il faut aussi éviter de prendre l’avion pour faire un Toulouse/Agen. Je sais qu’au foot, on a déjà vu des Paris/Amiens alors que c’est juste à côté.

Après il y a des choses qui peuvent paraître insignifiantes mais faire refaire les maillots en France plutôt que par des personnes vulnérables voire des enfants à l’autre bout de la planète. Ne pas tomber dans le piège du marketing qui fait qu’on achète le maillot tous les ans. Si on regarde le match, il vaut mieux le regarder à la télévision que sur internet. Revoir l’alimentation ou au moins communiquer sur la réduction de la place de la viande dans l’alimentation des joueurs. Car on sait qu’il y a tout un tas de joueurs qui sont végétariens voire vegans et qui ont des performances de niveau mondial. On prend souvent comme exemple le tennisman Novak Djokovic qui a battu le record du temps passé à la première place mondiale. C’est sûr qu’au rugby, la prise de masse doit être liée à une alimentation riche en protéines, mais on peut aussi en trouver dans une alimentation végétarienne. Encore une fois, il y a énormément de choses à faire. Mais tant qu’on n’a pas mesurer l’empreinte de chaque club, c’est un peu contre-productif et on risque de tourner en rond.

Mais est-ce que ça intéresse les instances et les clubs ?

A un moment, on voulait travailler sur le fair-play, maintenant, il y a un classement fair-play qui peut dans certains sports influer sur le classement final. On pourrait très bien avoir un classement écologique. La Ligue pourrait sortir tout un arsenal de mesures sur l’impact écologique de chaque club. Là je parle uniquement du dérèglement climatique par rapport à l’augmentation du CO2, mais il y aussi la biodiversité, la pollution atmosphérique. Et ce n’est pas que dans l’intérêt des supporters mais aussi des joueurs.

Certaines associations ont mesuré la pollution atmosphérique à proximité des stades et c’était catastrophique. Donc les joueurs qui sont eux tout le temps dans l’effort et à l’extérieur sont particulièrement exposés à une pollution qui doit être réduite si on veut maximiser la performance. Et à termes, si on parle d’une augmentation des températures avec des pics de 40 ou 50 degrés dans les décennies à venir, je ne vois pas quel joueur fera le malin à enchaîner les efforts dans ces conditions. A un moment ou à un autre, ça aura forcément un impact sur le calendrier. Du coup, on pourrait se retrouver dans un cercle vicieux où il faudra par exemple arroser de plus en plus les pelouses, climatiser les stades, etc. Il faut l’intégrer dès maintenant. Si le monde du sport continue à se leurrer, il va subir ces changements de plein fouet en regrettant de ne pas avoir eu son mot à dire dans la prise en considération et la mise en pratique de bonnes pratiques.

Si ça continue, ce sont les rugbymen qui se feront plaquer par le changement climatique. C’est rageant de voir que les sportifs, qui ont une telle visibilité, ne s’en saisissent pas plus. Il n’y pas forcément besoin d’avoir une crédibilité mais de vouloir se mettre en mouvement pour s’en saisir. Les médias s’y intéresseront et on en parlera plus. Je me souviens que dans le cadre du mouvement On est prêt, Nikola Karabatic (handballeur de l’équipe de France) avait pris la parole sur le sujet et s’était engagé à faire un mois de repas végétarien. Les artistes se saisissent beaucoup de ces sujets mais les sportifs sont vraiment en retard. Dans un sens ça continue d'alimenter cette image du sportif qui est seulement concentré sur son sport et qui incapable d’ouvrir les yeux sur d’autres réalités. Parce que les valeurs du sport ce ne sont pas que le lien à l’autre, c’est aussi le lien au vivant.

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  • CEVEN
    200010 points
  • il y a 3 ans

Inattendu de voir le 'Nistère porter de manière aussi décomplexée la parole Amish en nos contrées ovalesques !
Manu de l’Élysée pourrait en faire une jaunisse.
Le garçon, allergique au vert, ne pouvant que jaunir
Même si au fond de la classe, à gauche, d'aucuns pensent qu'il brunit aussi, comme le Nico.

Pas mal de choses frappées au coin du bon sens dans ce papier
Seule réserve, les thématiques (moyens, objectifs, résultats) se mélangent pas mal.
Un peu confus et en vrac, ou manque de clarté.

L'invitation à être responsable y est, et là est l'essnetiel.


Sinon, quant à mentionner les acteurs (engagés) qui portent la "cause" et la chose, ne pas oublier de mentionner C.Castets qui, a son échelle œuvre sans complexes

https://actu.fr/occitanie/_31/stade-toulousain-clement-castets-interpelle-emmanuel-macron-ecologie-avant-finale-top-14_25041742.html

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