Tout avait pourtant bien commencé pour les Bleus, avec un doublé de Damian Penaud, parfaitement servi par Thomas Ramos à deux reprises. Deux essais qui permettaient à l’ailier de l’UBB de devenir le recordman d’essais en sélection (40), devant un certain Serge Blanco (38). Dans une ambiance des grands soirs, les supporters des Tricolores n’ont pas vraiment eu le temps de profiter de cette euphorie.
Les doubles champions du monde en titre se sont rapidement remis en confiance par l’intermédiaire de Sacha Feinberg-Mngomezulu, mais surtout par un pack dominateur en conquête et extrêmement agressif sur tous les duels. Des éléments auxquels s’attendait sûrement le XV de France, tout comme le jeu au pied de pression systématique des botteurs sud-africains. Mais face à l’efficacité et la précision des Springboks, les hommes de Fabien Galthié n’ont pas su mettre leur jeu en place. Les Bleus se sont donc lourdement inclinés à domicile, malgré le carton rouge reçu par Lood De Jager en fin de première période. Une défaite qui s’explique par la qualité et la puissance de l’effectif de Rassie Erasmus, mais également par certains choix tactiques surprenants des deux nations.
Le banc a fait la différence
Même à 14, les joueurs de la nation Arc-en-ciel restent de redoutables adversaires. Il faut dire que le sélectionneur Rassie Erasmus s’est parfaitement adapté à ce fait de jeu. L’ancien troisième ligne international n’a pas hésité à sortir son capitaine Siya Kolisi à la mi-temps, pour faire rentrer le seconde ligne Juan Nortje. Un choix qui s’est avéré payant puisque le joueur des Bulls de Pretoria a réalisé une belle prestation, apportant sa puissance, mais également de la hauteur à l’alignement sud-africain en touche. Toujours dans le secteur des remplacements, le coach des Springboks a rapidement sorti son pilier Boan Venter autour de la trentième minute, pour le remplacer par Gerhard Steenekamp. Cette décision, bien qu’étonnante, a permis au pack des coéquipiers d’Eben Etzebeth de prendre le dessus dans le secteur de la mêlée fermée.
Le banc de touche a donc été un élément déterminant dans cette rencontre. Tous les joueurs rentrés côté sud-africain ont apporté une plus-value. Malgré le très bon match de sa charnière, Rassie Erasmus a décidé de faire jouer rapidement Grant Williams et Manie Libbok, en repositionnant Sacha Feinberg-Mngomezulu à l’arrière. Ces deux remplaçants ont augmenté la vitesse du jeu des doubles champions du monde, exploitant parfaitement les espaces laissés par la défense française. Côté puissance, la différence s’est également fait ressentir quand on compare le rendement de joueurs comme André Esterhuizen, RG Snyman ou Wilco Louw à Dorian Aldegheri, Hugo Auradou, Jean-Baptiste Gros… Même s’il est nécessaire de souligner la très bonne rentrée d’Oscar Jégou, se distinguant sur ses montées défensives et un grattage.
Parmi les autres joueurs qui se sont distingués samedi dernier, Malcolm Marx et Julien Marchand ont réalisé une magnifique performance. Très actifs ballon en main et au cœur du combat avec de nombreux plaquages offensifs, les deux talonneurs se sont livré un duel de haut vol. Ce fut presque une déception de voir sortir le Toulousain dès la 47e minute, tandis que Malcolm Marx a quasiment disputé l’intégralité de la partie (remplacé à la 78e minute par Johan Grobbelaar). Le banc de touche sud-africain, ainsi qu’un plan de jeu classique mais ultra-efficace, ont donc permis aux Springboks de s’imposer assez largement au Stade de France.
Des Springboks infaillibles
On s'est rassemblés il y a deux semaines alors qu'eux sont ensemble depuis plusieurs mois et enchaînent les matches de haut niveau. Ils sont sans doute plus rodés que nous. L'Afrique du Sud est aussi une équipe qui a beaucoup de vécu. » Source : Thibault Flament pour L’Equipe
À deux ans de la prochaine Coupe du monde en Australie, le dilemme est complexe pour le staff du XV de France. Faut-il lancer sur la scène internationale le plus de jeunes joueurs possibles pour espérer obtenir un effectif aguerri en 2027, quitte à être en difficultés sur des rencontres dans les différentes tournées ou lors du Tournoi des 6 Nations ? Ou faut-il au contraire privilégier cette « expérience collective », en faisant jouer ensemble les mêmes coéquipiers pour avoir le maximum d’automatismes ? Des questions difficiles, d’autant plus qu’il faut prendre en compte les risques de blessures avec des rugbymen qui effectuent un grand nombre de rencontres en TOP 14.
Mais quand on voit les Sud-Africains jouer de la sorte, avec une équipe expérimentée composée de joueurs âgés qui ont disputé les deux (voir les trois) derniers mondiaux. Il est logique de s’interroger sur la bonne route à suivre pour remporter un premier titre mondial. Car ce samedi, les Springboks ont effectué une démonstration de réalisme et d’assurance.
Au-delà de la domination en mêlée fermée et plus généralement dans les zones de conquête, les coéquipiers de Siya Kolisi n’ont laissé aucune occasion aux Français. À l’image de Cheslin Kolbe qui plonge sur Thibault Flament pour l’empêcher de réaliser une bonne passe après une situation d’avancée. Ces efforts constants, parfois à la limite de la légalité, ont entraîné des situations comme l’essai de Sacha Feinberg-Mngomezulu. Une action qui débute après deux phases de jeu directes avec les avants, dont une où le flanker Pieter-Steph du Toit déblaye Romain Ntamack et le ralentit en le plaquant au sol. Ce qui entraîne le retard de l’ouvreur toulousain sur son vis-à-vis après un retour dans le côté fermé des Springboks.






Cette domination physique semblait aussi se traduire par une domination mentale entre les deux équipes. Notamment quand les Sud-Africains ont pris la décision d’aller chercher la touche et de ne pas prendre les points lorsqu’ils étaient en infériorité numérique. Une stratégie visant à occuper le terrain adverse, mais surtout à marquer l’adversaire, en assumant sa suprématie à 14 contre 15. Un choix payant, puisqu’il s’est soldé par un essai d’André Esterhuizen suite à un maul.
Un XV de France à contre-courant
Contrairement à son habitude, le XV de France a proposé un jeu plus stéréotypé, plus prévisible. Seuls quelques éclairs de Thomas Ramos et la passe sur un pas de Romain Ntamack ont réellement permis aux Bleus de trouver des solutions.
Il semblerait que Fabien Galthié et son staff aient pris le parti de jouer « à la sud-africaine » pour contrer les champions du monde. En utilisant notamment des cellules d’avants venant affronter la ligne de défense à plat avec très peu d’incertitudes. Des joueurs comme Anthony Jelonch ont multiplié les percussions sans réelles avancées. Un style de jeu auquel ne nous avait pas habitué ce XV de France (en particulier à 15 contre 14), à l’image des jeux aux pieds trop longs dans les 22 mètres sud-africains se transformant en « marques » faciles à capter.
Un dernier point concernant la stratégie des Tricolores est celui d’avoir voulu mettre la pression et les mains dans de nombreux rucks. Une décision censée gêner les libérations de balles adverses et ralentir la mise en place du jeu sud-africain. Pourtant, même en infériorité numérique, les Springboks ont continué à avoir la plupart de leurs rucks grâce à l’anticipation et l’agressivité de leurs joueurs dans ce domaine. Cette tactique a même coûté un essai aux Bleus, celui de Cobus Reinach. L’ancien demi de mêlée du MHR a parfaitement exploité l’espace près du ruck français pour inscrire un bel essai en solitaire. Une brèche qui, à l’origine, s’est ouverte après la tentative de contre-ruck de Mickaël Guillard contre plusieurs avants sud-africains alors que le ballon semblait déjà conservé. Ce qui a obligé Emmanuel Meafou à serrer le regroupement et Régis Montagne à couvrir plus de terrain pour se rapprocher de cette zone de fracture. Deux joueurs puissants et lourds, qui se sont donc retrouvés en retard sur le départ du numéro 9.




Dans un tel contexte, la prestation des Bleus est donc décevante, surtout que les joueurs de Rassie Erasmus n’ont jamais paru vraiment inquiets dans cette rencontre. Le XV de France n’a pas su se montrer dangereux dans ces prises d’initiatives. Malgré la bonne rentrée de joueurs comme Oscar Jégou, la profondeur de l’effectif et du banc français n’a pas eu l’impact de celui de l’Afrique du Sud, qui s’est permis de changer entièrement de charnière. Il est donc nécessaire pour les coéquipiers de Thomas Ramos de se reprendre ce samedi face à une équipe fidjienne toujours très difficile à manœuvrer. Même si ce nouvel échec contre les Springboks risque de rester un moment dans la tête et la confiance des Bleus.

Amis à Laporte
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172153 pointsOuf, ce match est quand même une réussite, c'est un Français qui a battu le record d'essais en sélection française.