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Fédérale 1 Elite - Que deviennent les joueurs après le dépôt de bilan de Saint-Nazaire ?
En novembre, Saint-Nazaire a déposé le bilan. Que deviennent les ex-joueurs pro et l'école de Rugby ?
Début novembre 2016, nous avons appris la liquidation officielle de Saint-Nazaire Rugby Loire-Atlantique, engagé en Fédérale 1 Elite. Voici les dernières infos sur les joueurs.

Après avoir disputé seulement 6 rencontres, 28 salariés et 350 licenciés du club de la Région Pays de la Loire ont subi une liquidation plus que rapide. Nous avons alors contacté un grand nombre de joueurs ex-professionnels pour découvrir leur situation, quelques semaines plus tard. Nous publions ici leur témoignage brut.

Retrouvez dans cet ordre le nom-prénom, l’âge, le poste, le nouveau club (ou pas) du joueur ainsi que son témoignage.

Andoni Jimenez - 27 ans – International tahitien - Arrière - Stade Nantais - Fédérale 1

Attention, mon histoire est peut-être la plus compliquée... Je suis arrivé en 2014 à Saint-Nazaire. La première année s'est très bien passée avec 10 nouveaux joueurs pour 15 départs. Nous étions invaincus à la maison. L'ambiance a pris et j'ai joué une quinzaine de matchs. En 2015, nous avons changé d'entraîneur. Il y a alors eu quelques tensions dans les vestiaires avec une dizaine de joueurs. En mars 2016, le nouveau président du moment Karl Misse est arrivé avec un grand discours et des promesses d'investisseurs.

Je vais rapidement vivre une mésaventure avec le staff et le président pour le match à Langon. J'apprends le jeudi le décès de mon grand-père, ce qui complique ma semaine rugbystique et la préparation du match. Je tiens à remercier mes coéquipiers pour leur soutien à ce moment-là et pour l'histoire du bus qui n’a pas pu partir sans moi ! À la fin de saison, je pars disputer un tournoi Elite VII avec les Bleus Sevens. Mes amis sont champions mais je vais me faire les croisés. C'est alors que le club décide de me licencier. Je ne vais pas avoir de nouvelles tout l'été alors que je suis sous contrat professionnel.

Pour les problèmes vécus, je vais mettre en cause le président et le staff. Pour commencer, David Banquet nous a reçus cet été pour évoquer les baisses de salaire. Pour rentrer dans la masse salariale, nous devions accepter. Toutefois, nous constatons aujourd'hui un déséquilibre important entre les anciens joueurs d'un côté, et de l'autre les nouveaux joueurs et staff. Trente anciens ont été dupés alors qu'ils sont ceux qui ont résisté le plus longtemps sur le terrain. Nous étions très contents d'être en Fédérale 1 Elite, mais nous avons vite déchanté. Tous les nouveaux joueurs venus connaissaient les soucis d'argent alors que les anciens, comme moi, étions liés au club. Nous avons des exemples de joueurs venus s'entraîner pendant un mois avant de partir ailleurs.

Concernant ma transition, avec les ligaments croisés, je reprends le rugby dans 1 mois. Pour trouver un club, c'est compliqué. Je devais choisir entre les USA ou le Canada avec obligation de convaincre en 1 semaine. J'ai donc préféré signer à côté, à Nantes, avec deux amis. L'histoire de Saint-Nazaire, c'est celle d'un bon club qui a mal tourné... Aujourd'hui, j'envoie mon soutien à Johan Fornier. Avec peu de reconnaissance, il abat un travail considérable.

Maël Coisy – 28 ans – Contrôleur de gestion - Centre – Stade Nantais – Fédérale 1

Pour cette 5e année au SNRLA, j'étais attaché au club, aux anciens dirigeants, aux bénévoles ou encore aux anciens joueurs. Ce fut compliqué de voir mourir à petit feu un club de plus de 100 ans. Le plus compliqué reste de ne pas pouvoir rejouer avec mes amis. Après 15 ans au Stade Nantais, j'ai facilement trouvé un nouveau challenge car je connais l'entraîneur qui est d'ailleurs passé par Saint-Nazaire.

Pierrick Belleteste – 24 ans – Demi d’ouverture, Centre – Stade Nantais – Fédérale 1 

Martin Lombard – 20 ans, Sud-Africain – 2e ligne - USA Limoges – Fédérale 1 Elite

Ce fut difficile de ne rien savoir. On nous disait seulement d’attendre et que ça irait mieux… Aucune communication avec le président pendant 6 mois, et puis Limoges m'a appelé. Nous sommes soulagés ma famille et moi... De plus, j’aime la France et ses clubs où, peu importe le niveau ou la grandeur de la ville, il y a minimum 1000 spectateurs passionnés.

Michaël Dallery – 23 ans – Educateur sportif - Pilier - USA Limoges – Fédérale 1 Elite 

« Ce qu’on nous a fait, ce n’est pas humain ! Tu détruis des hommes, voire même des familles… » Michaël s’est exprimé en détails dans un article de Rugby Amateur Côte Basque Landes « L’envers du décor du Rugby Pro ».  A propos des entraîneurs, il ajoute : « Pour avoir discuté avec David Banquet et l’avoir vu au plus mal, ça m’a fait mal au cœur ! Pourquoi ? Car il s’est bougé pour sauver le club. Il a multiplié les réunions avec le Vice-Président Emmanuel Rivière qui s’est également démené pour le club. Il faut savoir que David a trouvé quelqu’un pour reprendre le club et injecter de l’argent. Mais le Bureau n’a pas accepté. Pour avoir discuté avec certains anciens joueurs, nous étions unanimes : David est un bon mec qui a mis de côté sa vie de famille et son restaurant. Pareil pour les entraîneurs Juan Bado et Christian Cauvy. Nous avons tous vécu un foutage de gueule avec des mensonges. »

Quentin Traversier – 23 ans - Surveillant dans un lycée -  Talonneur - Chambéry - Fédérale 1 Elite

Nous avons appris le dépôt. Nous étions tous dans le flou. Provale est venu nous expliquer que la Fédération allait nous ouvrir une porte de transfert. Il y a aujourd’hui des joueurs de qualité restés sur le carreau ! Ils vont devoir traverser la France ou ne pas jouer pendant 6 mois… Quelques joueurs ont été sollicités, et des agents nous ont fait des promesses. De mon côté, j’ai diffusé mon CV ! L’entraineur des arrières de Chambéry m’a contacté. Je souhaitais absolument jouer en Fédérale 1 Elite et ça tombe bien, il recherchait un talon.

Morgan Porte – Commercial - 25 ans - Talonneur - Racing Club Cubzagais - 1ère série

Je retiens que des clubs se voient plus beaux qu’ils ne le sont avec des présidents qui n’ont pas les épaules. J’ai enchaîné les liquidations de Libourne et Saint-Nazaire… Où des dirigeants se basent sur du virtuel et des sponsors qui ne signent pas. Sans la mairie, le rugby ne peut pas exister. On rentre dans un cercle vicieux : pas de sponsors derrière le club, alors la mairie ne peut pas soutenir. Et il y a trop de clubs de Fédérale 1 & 2 qui promettent des à-côtés interrompus en décembre. Pendant 1 mois, j’ai cherché à me poser les bonnes questions. J'ai stoppé le rugby professionnel après 4 années de Fédérale 1. La reconversion aura été précoce ! Alors que petit, comme d’autres, j’ai eu des rêves en passant par le Centre de Formation de Bayonne. Aujourd'hui, j'ai trouvé un travail stable avec un club famille à Saint André de Cubzac vers Bordeaux et à sa tête Heini Adams, coach et ancien N°9 de l'UBB. J’ai apprécié les échanges avec le Président de ce club bordelais qui souhaite monter de niveau.

Sylvain Labarère – 29 ans - Educateur sportif - Demi de mêlée - Racing Club Cubzagais - 1ère série

On ne se remet pas de ça immédiatement. La remise en question est familiale avec la femme et les enfants à prendre en compte. Ce fut très compliqué ! Les tenants et les aboutissants n'ont pas été pris en compte... Comme on dit, la parole vaut l'homme. J'espère que le grand club d'Auch et ses joueurs, qui vivent une période difficile, n'en arriveront pas là. Sous les ordres d'Heini Adams, je vais rebondir dans un club au projet de jeu sérieux qui privilégie l'humain et les valeurs. Situé à 30 minutes de Bordeaux, nous multiplions les repas et les week-ends dans ce club qui vit... Nous nous entraidons beaucoup professionnellement. Or, nous perdons de vue tout cela dans les niveaux supérieurs.

Samino Mavaetau - Soudeur en chantier naval - 23 ans – Pilier – La Baule – Fédérale 3

Saint-Nazaire était un bon club avec les structures et coachs de qualité. Avec les problèmes de financement, des tensions sont apparues. J’ai été très déçu de ne plus pouvoir jouer avec ce club. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir rebondir à La Baule, et c’est compliqué de trouver un club d’un meilleur niveau. Je suis vite parti m’y entraîner. J’ai découvert le Rugby Club Baulois qui vise la montée en Fédérale 2 avec un bon groupe qui en a le potentiel.

Sébastien Vital – Employé municipal Saint-Nazaire - 26 ans – 3ème ligne & talonneur - La Baule - Fédérale 3

J’ai mal vécu le début d’année à Saint-Nazaire. J’ai connu une période où je pensais arrêter. Mes amis et les dirigeants de la Baule m’ont remotivé à prendre une licence et continuer ma passion, ce qui est le plus important. Le Rugby Club Baulois est monté l’année dernière en Fédérale 3. Je pars là-bas avec Mathieu, Yann et Samino tout en rejoignant des amis et des ex-joueurs de Fédérale 1 et 2.

Yann Dorbeaux - 33 ans - Demi d'ouverture - Mairie Saint-Nazaire service logistique et manutention - La Baule - Fédérale 3

Théo Lepage – Etudiant en Management - 25 ans - Troisième ligne - en discussion avec des clubs de Fédérale 1

En 3 années à Saint-Nazaire, il n'y avait jamais eu de soucis financiers avec les anciens présidents, ni aucun retard de paiement. Cette année, je suis parti disputer la Coupe du Monde Universitaire sans être fixé sur les modalités de mon contrat… Mais en coupant les contacts avec les autres clubs en me basant sur une promesse. Fin juillet, on nous demande de baisser les salaires de 30 % avant d'évoquer une division de la somme promise par 4... Pour résumer, nous étions finalement payés 3 mois en retard à hauteur de 50 %. On nous a fait miroiter des mensonges. En début de saison, nous étions piégés. Obligés de signer, nous attendions avec impatience d'évoluer en Fédérale 1 Elite. Nous avons tenus 5 matchs en nous serrant les coudes… Aujourd’hui, je tiens à adresser tout mon soutien à Auch, un grand club historique... Il faut sauver le soldat auscitain ! Et j'adresse un clin d'oeil à la nouvelle association de Saint-Nazaire et à Johan Fornier qui vont permettre aux petits de continuer le rugby. De mon côté, l'École de Commerce de Grenoble m'a permis d'aménager mon emploi du temps du fait de la période compliqué que je traversais.

Victor Muret – Assistant d'éducation en collège - 26 ans – Talonneur – Arrêt du rugby

Après 7 ans à Bourgoin, j’ai signé à Saint-Nazaire en juillet 2015 pour me relancer. La première année fut très moyenne sportivement. Pour la seconde, une nouvelle équipe dirigeante est arrivée au club avec la volonté de mener le club en Pro D2 dans les 3-4 ans à venir. Au début, nous avions des étoiles dans les yeux avec de belles promesses de personnes ayant un certain aplomb dans leurs propos. Ensuite sont venus les soucis financiers… Les dirigeants répondent : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? ». Il y a un mois, le couperet est tombé avec des salariés au chômage et 350 licenciés dans les équipes jeunes. Doivent-ils payer les erreurs des grands ? Heureusement, une nouvelle association se crée. Personnellement, j’ai décidé de mettre un terme à ma petite carrière. Je ne veux plus voir cette situation et des personnes sans scrupules. Je ne prenais plus de plaisir à m’entraîner. Mentalement, je suis arrivé à bout. Je préfère m’investir dans le nouveau club tout en veillant à éviter les dérives.

Romuald Ney - 38 ans - Pilier - Retraite ou chômage rugbystique - métier inconnu

Alten Hulme - 35 ans - 2ème ligne - Retraite ou chômage rugbystique - métier inconnu

Nathan Troadec - 24 ans - 3ème ligne - Retraite ou chômage rugbystique - Départ professionnel prévu pour les Etats-Unis

Denys Bolis - 24 ans - Ailier - Retraite ou chômage rugbystique - métier inconnu


La suite en page avec les témoignages de Christian Cauvy (entraîneur des arrières) et David Banquet (manager)

Le manager et l’entraîneur nous ont également donné leur sentiment sur la liquidation.

Christian Cauvy - Préparateur mental - 60 ans - Entraîneur des arrières - En recherche de club 

Quand on a l'ambition de monter un club en l’engageant dans une poule au niveau très élevé, il faut prévoir le collectif, les structures et créer un bon contexte. Plutôt que de se lancer dans une aventure "au petit bonheur la chance". Pour se faire plaisir, cette histoire a mis en péril des personnes et des familles. Cela manque de sérieux ! Nous voyons la même chose avec Auch, club qui ne s'est pas construit en 2 ans. Le contexte est difficile. J'ai quelques pistes de nouveau club mais nous ne sommes pas dans la bonne période. Je passe d'une activité très prenante notamment les week-ends à être assis dans un fauteuil ou à une activité plus ponctuelle. Je travaille dans la préparation mentale et vais développer mon activité.

David Banquet – Gérant de restaurant - 42 ans - Manager général - en recherche d'un nouveau club

Ex-pilier droit ayant essentiellement évolué en 1ère division lors de 350 matchs de haut niveau de 1992 à 2010, David Banquet a ensuite entraîné le RC Libourne jusqu’au dépôt de bilan en 2016. Il est alors parti à Saint-Nazaire avec 6 joueurs pour connaître une nouvelle mésaventure.

J’ai entrainé à Libourne, le club qui m’a vu naître et où ont joué mon grand-père, père et oncle. J’ai ensuite rejoint Saint-Nazaire en tant que manager général pour un « beau challenge » : monter en Pro D2 en 3 ans. Pas payé, j’ai rapidement connu des problèmes financiers. Depuis 6 ans, je tiens un restaurant familial Chez Odette Julien à Libourne pour lequel j’ai dû embaucher et faire des sacrifices. Ma grand-mère m’a fait promettre de le reprendre sur son lit de mort et j’essaie toujours de tenir mes promesses… Avec 3 enfants, les concessions sont également familiales. Cette situation est très dure. Nous avons tous été dupés par l’ex-président avec des promesses de budget de 1,8 million revues à la baisse avec au final une division des salaires par 2. Forcément, la mairie s’est désengagée. Elle s’est sentie dupée. Je suis arrivé avec des copains à Saint-Nazaire et 100 000 € de sponsoring perdus. Je me suis battu et ai trouvé un nouveau président… Il y a eu des rendez-vous avec la mairie et des notables pour redresser la barre. Mais nous sommes tombés dans un traquenard ! Apparemment, le club allait mal depuis 10 ans et l’ex-président le savait.

L’ex-président aurait caché une dette de 1,8 million à son vice-président. En début de saison, j’ai remercié les joueurs. Certains m’ont fait confiance et m’ont suivi dans ce club. Je suis sincèrement triste pour eux. Heureusement, certains se relancent sportivement mais pas tous alors qu’une carrière de joueur semi-professionnel est éphémère. Je partage leur peine avec le dépôt de bilan d’un club de 108 ans. J’espère les revoir s’éclater à nouveau sur le terrain. Certains m’en veulent… J’ai vécu un mois de novembre particulièrement difficile. Ce que nous avons vécu à Libourne et à Saint-Nazaire, je ne le souhaite à aucun club. Nous devons mettre des personnes responsables à la tête des clubs, ni des Fantomas, des fous ou des rêveurs, pour éviter les drames souvent familiaux. Pourtant, il y a ici une région accueillante, les structures, de bons jeunes joueurs et un chantier naval d’un milliard d’euro.

Merci au jeune Arthur Chomat qui nous permet de finir cet article sur une note relativement positive !

Arthur Chomat – Assistant d'éducation & BTS éléctrotechnique - 23 ans – Troisième ligne – en contact avec des clubs de Nouvelle-Zélande de niveau Fédérale 1 

Assez jeune, j’ai moins souffert que les anciens de la situation. Toutefois, je me suis mis dans le projet Nouvelle-Zélande pour avancer et progresser au rugby. Je pars dans le pays où ça joue le mieux ! Et ce sera meilleur que ce que je peux vivre en France. Je pars fin janvier pour le pays du long nuage blanc où la présaison démarre en janvier jusqu’à fin juillet. Je pars y prendre du plaisir en revenant aux bases : une licence et feu ! Je garde en tête de revenir bientôt en France.

Nous ne diffuserons pas les noms des autres joueurs malgré notre envie d’écrire où ils jouent aujourd’hui car : certains ne le souhaitent pas, d’autres n’ont pas trouvé de club ou ne souhaitent plus jouer au rugby. Ils n’ont pas toujours souhaité participer à cet article. Nous leur souhaitons le meilleur en cette période de fin d’années que ce soit ou non sur les terrains de Rugby.

Merci à Pierre Leroux pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • Alcam
    6781 points
  • il y a 7 ans

à monsieur Banquet,
ne nous emballons pas, les chantiers navals valent 200 millions tout au plus (ce qui est déjà pas mal j'en conviens) mais ne font pas vraiment des grosses recettes...
et puis les "Chantiers", comme on les appelle ici, n'ont jamais donné un centimes au sport nazairien, ou alors, il y a très longtemps.

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