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Ce rugbyman anonyme qui n'aura jamais droit à l'Arc de Triomphe
L'éternité silencieuse... le billet de la semaine de Pierre Navarron.
Ce récit, ci-dessous, nous raconte l'histoire vraie ou romancée de ce rugbyman anonyme qui n'aura jamais droit à l'Arc de Triomphe.
On a tous connu, autour de nous, ce personnage animé de la même passion du ballon ovale et qui nous racontait ses aventures rugbystiques, venu d'un jadis lointain ou d'un passé plus récent.
Des histoires qui nous sont restées et sont la tradition orale de notre sport et sa perpétuité dans un futur plus ou moins proche.
Ce récit, ci-dessous, nous raconte l'histoire vraie ou romancée de ce rugbyman anonyme qui n'aura jamais droit à l'Arc de Triomphe, juste le remember de nos souvenirs et c'est simplement ce qu'il aurait voulu ; que l'on raconte son destin ovale, en souriant au coin d'une buvette d'un stade de nos campagnes...

Il s’est éteint, doucement, sans un bruit, dans un soupir rugissant devant un essai venu du fond de son enfance. Quand l’ovale de son ballon était un bout de chiffon et que ses sabots de bois lui servaient de chaussures à crampons. Il n’a jamais adhéré au ballon rond, trop logique pour lui et son esprit espiègle. Il avait besoin de lignes de hors-jeu imaginaires, mouvantes. Il ne pouvait se passer de mêlées emmêlées et de touches enchevêtrées. Il aimait ce crochet qui savait éviter ce plaquage qu’on disait assassin. C’était le temps où les mémés aimaient la castagne, où les pépés jouaient des cannes et de leurs bérets frappeurs. C’était une époque où un joueur à la bourre prenait la mobylette d’un cadet pour rouler, manette d’accélérateur à fond, sur la piste cyclable qui ceint le terrain de jeu, le seul moyen pour lui de rattraper le temps perdu. Dans ces années-là, Marcel Proust était encore le seul préparateur physique autorisé sous l’égide autoritaire des profs d’EPS, grands gourous de l’entraînement made in France.

Il est mort, des contre-attaques plein la tête, des flacons de poivre et de sel déposés sur tous les terrains de ses tables, qu’elles soient basses, à manger ou de nuit. Il a refait mille matchs, les siens et surtout ceux des autres. Il a donné de son temps aux enfants d’une école de rugby, puis il est devenu trop vieux pour son survêtement. Il s’est élimé la patience sur des bancs de touche glacés, alors il est devenu dirigeant, ses tempes ont blanchi. Il a troqué le survet’ contre le pardessus. Il a gardé sa vieille casquette et remplacé l’antique sifflet à roulette contre le cigare de Cuba, ce Puro originel, dernier vestige de son communisme de cour de récréations, lui l’instit de province. Il a chanté la Marseillaise à Colombes, au Parc et même à Saint-Denis. Il s’est perdu aux bras d’une rousse plantureuse dans les rues de Temple Bar à Dublin, il est allé voir l’Eden Park à Auckland, se jurant d’y revenir un jour, mais depuis Ferré, on le sait, qu’avec le temps va, tout s’en va, l’Eden Park également.

Il sait que le jeu de mains est un jeu de Toulousains, pourtant le plus beau de ses petits princes de la passe sur un pas venait de Narbonne et du village de Gruissan. Il a aimé le jeu à la bayonnaise, là où l’ovale n’avait besoin que de folklore et d’une paire d’espadrille. Il a rêvé devant les mille arabesques d’un Blanco au faîte de sa gloire, ce joueur pour qui tous les rebonds étaient favorables et qui arrivait à transformer l’ordinaire en extraordinaire et de rendre anormal ce qui n’était que normalité pour lui. Il a connu les bagarres homériques et les saloperies à la petite semaine, les seigneurs de l’uppercut renversant et les champions du coup de savate à la sauvette. Il a toujours préféré la noblesse des premiers au cynisme des seconds. Même si lui, par manque de punch destructeur peut-être, était plutôt spectateur dans ces moments-là, laissant les loups se battre entre eux comme de vulgaires chiffonniers.

Il a demandé à être enterré face au terrain du village de son enfance, un cimetière balayé par une tramontane qui perturbe les buteurs et affole les cœurs en jachère. Il gardera près de lui le souvenir de ses avants au long cours, le Walter Spanghero de ses 20 ans, le Jean-Pierre Rives au casque d’or si souvent ensanglanté, le Thierry Dusautoir de ses dernières années, éternel Dark Destroyer du Millenium. Il est parti presqu’en silence, sa raison en déraison, son sourire accroché à ses souvenirs et Mozart en demi d’ouverture, personne n’a fait mieux depuis…

Pierre Navarron, 57 ans, travaille dans le consulting après avoir longuement exercé dans le domaine de l'assurance et de la gestion de patrimoine. Parallèlement à cette vie professionnelle, en 2005 il est devenu éducateur en cadet puis dirigeant à l'association Aviron Bayonnais. Il s'occupe plus particulièrement de l'équipe espoirs depuis 2014. Auparavant, presque dans une autre vie, il a été joueur, forcément dans son club de coeur, l'Aviron Bayonnais (1973-1987), puis à l'US Mouguerre (1987-1994) et au Boucau-Tarnos Stade (1994-1996).

"J'aime raconter le rugby, celui que j'ai connu, celui que j'imagine et celui que l'on voit.J'aime les histoires que ce ballon ovale nous donne avec ses rebonds de traviole, ses rires, ses chants et son folklore qui n'appartient qu'à lui et qu'on a tous dans le cœur.Je pourrai vous narrer les envolées de ces grands joueurs que j'ai croisé sur un terrain, comme toutes celles de tous ces anonymes, juste connu dans leurs villages, mais qui faisaient chanter la gonfle comme personne, je pourrai vous confier les débuts de ces rugbymen du top 14 d'aujourd'hui qui portaient déjà les espoirs, devenus nos certitudes contemporaines et qu'ils nous montrent, dorénavant, chaque week-end...Peut-être qu'un jour j'écrirai tout cela..."

Merci à Pierre Navarron pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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Bravo Pierre pour ce texte plein de nostalgie.

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