ÉDITO. Sans argent, peut-on encore exister dans le rugby amateur du Sud-Est ?
Dans les niveaux encore estampillés purement amateur du Sud-Est, il est plutôt d'usage de construire des piscines ou de refaire les jardins des recrues plutôt que d'offrir un sac Vuitton. Mais l'issue est à peu près a même.
La monnaie y coulant tellement à flots en Régionale, en Fédérale 3 ou bien évidemment aux étages supérieurs, les clubs sans le sous peuvent-ils encore envisager quelque chose ?

C’est un sujet qui, à vrai dire, nous travaillait depuis un moment. À l’approche d’une nouvelle saison, les recruteurs bombent le torse, les présidents sortent le carnet de chèques et les effectifs se gorgent, qu’ils soient professionnels ou non. Car de nos jours, les mercatos spectaculaires ne sont plus réservés qu’aux élites, à l’image de celui du Stade Rochelais en 2022 ou de celui qui se profile pour l’UBB. Non, désormais, les clubs de Fédérale à ceux de Régionale 3 se gargarisent parfois très tôt de leur recrutement censé les faire rouler sur leur championnat la saison qui suit. Dernier exemple en tête évoqué sur notre site ? Celui de l’AS Monaco, qui verra six joueurs professionnels arriver sur le Rocher cet été pour lui donner, déjà, des airs de mastodonte de la poule 3 d’une Fédérale qu’il a seulement rejoint l’an dernier. Un article qui a d’ailleurs beaucoup fait réagir sur les réseaux sociaux notamment…
AMATEUR. 5 joueurs de Nationale, un champion de France de Top 14 : vous avez vu ce recrutement XXL de Monaco ?AMATEUR. 5 joueurs de Nationale, un champion de France de Top 14 : vous avez vu ce recrutement XXL de Monaco ?Mais rassurez-vous, le club de la Principauté n’est pas le seul à bénéficier de ce pouvoir de persuasion auprès des joueurs des quatre coins de la France et, à plus bas échelon encore, d’autres clubs s’arment à ne plus savoir quoi en faire en vue de la saison prochaine. Recruter un ancien du club de retour aux affaires là où il a touché ses premières gonfles a toujours existé. Les (re)venues de Ludo Radosavljevic l'an dernier à Avignon ou de Pierre Bérard à Pézenas cet été en sont l'exemple. Mais faire signer des Fidjiens, des Géorgiens ou je ne sais quel Sud-Africain en 7ème division est tout de même beaucoup plus récent.

L'offre et la demande

Qu’on se le dise, dans le Sud-Est, pour parler du rugby amateur que l’on connaît viscéralement, l’argent coule à flot et est en train de gangrener le milieu. Car tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’aligner resteront à quais, eux. On ne parle pas là d’un écart de niveau entre les formations ou les bassins, qui ont toujours existé. Mais plutôt d’un écart de porte-monnaie et de capacité d’influence qui donnent des écarts délirants d’effectif d’une équipe à l’autre au sein d’une même division. À ce sujet, le président d’un club de la région promu cette année, dont on taira le nom bien sûr, nous confiait au détour d’une discussion ceci : "ici, tu es obligé de rétribuer les joueurs pour avoir un groupe compétitif. J’ai appris que dans le Sud-Est, tout se paye…"

AMATEUR. 60 pts, 7 cartons : on a été voir pour vous le derby du Sud-Est en demi-finale de Fédérale 3AMATEUR. 60 pts, 7 cartons : on a été voir pour vous le derby du Sud-Est en demi-finale de Fédérale 3Une tangente qui s’explique par plusieurs facteurs. La culture du marchandage ou du magouilleur marseillais ? Oubliez-la. Le coeur du problème réside en fait là où intervient le processus de l’offre et de la demande. On s’explique : dans le Sud-Ouest et en grossissant le trait, vous trouverez un club d’un niveau intéressant à chaque coin de rue, et de fait les joueurs qui vont avec. Dans la région PACAC (rajoutez les Corses), pour l’exemple, on ne comptait simplement que 10 clubs de Régionale 1 lors de la saison qui vient de s’écouler, tandis qu’ils seront 10 aussi en Fédérale 3 lors de l’exercice 2023/2024 à venir. Lorsqu’ils sont 30 à être affiliés à la Ligue Occitanie et 40 à celle de Nouvelle-Aquitaine dans cette même 7ème division française.

Et les chiffres plus globaux accentuent encore l’idée. On compte ainsi, au dernier recensement, environ 80 000 licenciés pour la première ligue hexagonale, et 59 000 en NA. Sur des territoires bien plus grands que celui de la Ligue sud, certes, mais aussi et surtout largement plus producteurs estampillés rugby, quoi. En rapetissant la carte, on s’aperçoit ainsi que sur les 6309km2 de la Haute-Garonne - le comité le plus représenté de France - s’agglutinent quelque 17 250 licenciés répartis dans 74 clubs. Quand d’Arles à Monaco et de Gap à Marseille en passant par Porto-Vecchio ou Lucciana, soit 40 000 km2 environ, on en rapporte tout juste autant (21 000 pour la Ligue Sud dont 17 000 joueurs, sur 120 clubs environ).

Ce qui donne, en PACA, des clubs prêts à payer des joueurs (et souvent assez grassement) pour les faire rejoindre leur équipe et dépasser les limites de vivier. De l'autre côté de la chaîne, les joueurs amateurs, qui cumulent travail la semaine et rugby le week-end, ne peuvent eux souvent pas se permettre de cracher sur quelques billets pour combler leurs fins de mois, sans même parler de mercenariat. Ce qui disrupte le marché, clairement. Et si l'argent s'est implanté depuis un moment maintenant, la tendance s'est fortement accentuée ces dernières années, notamment depuis le post-covid, dans la région, où dès la Régionale 1, certains "casquent", comme on dit ici.

En Fédérale 3, le marché s'envole

Prenons l’exemple de la poule 7 de Fédérale 3 - celle que l’on connaît le mieux - pour la saison à venir. Du côté de Cavaillon (désolé, c'est tombé sur vous), une dizaine de recrues a déjà été annoncée. Et pas n’importe lesquelles : alors qu’elle comportait déjà des garçons à la carrière ou à la formation assez impressionnante pour le niveau comme Vincent Muzzupapa (13 essais la saison passée) ou l’international fidjien Tevita Ravulo, de nouveaux facteurs X vont débarquer aux confins du 84. Et particulièrement, pour commencer, l’ancienne terreur de Provence Rugby Eroni Narumasa. Un 3/4 centre qui flirte avec les 110kg, notamment auteur de 9 essais lors de la saison 2018/2019 de ProD2. Seule interrogation ? Son état de forme. Mais, nul doute qu’à chaque fois qu’il s’énervera un peu, le joueur de 33 ans n’aura pas vraiment d’équivalents au milieu du terrain à ce niveau-là.

Carbonel, Gulizzi, Papalia... Champions de France en 2016 et 2017, que sont devenus les Crabos du RCT ?Carbonel, Gulizzi, Papalia... Champions de France en 2016 et 2017, que sont devenus les Crabos du RCT ?Un peu plus loin dans la région PACA, en mettant le cap sur l’Est, citons le projet de Draguignan qui, battu en 32ème de finale des France en avril dernier par Les Vallons-de-la-Tour, a bien l’intention d’accéder à l’échelon supérieur cette fois. Pour cela et en tête d’affiche de la quinzaine de joueurs qui va débarquer dans le Haut-Var, ses adversaires auront le plaisir de croiser la route de Jona Saulekaleka, un ailier de 1m95 pour 115kg en forme, cousin de Metuisela Talebula et jadis facteur X in extenso de La Seyne en Fédérale 1. Même si, aux dernières nouvelles, il pourrait débarquer avec un excédent pondéral d’une quinzaine de kilos dans son nouveau club, façon Rupeni Caucaunibuca.

À ce compte-là et à moins que le Marseille Rugby Méditerranée ne s'inspire des "clubs traditionnels" à 90% de joueurs formés au club et pourtant qualifiés pour les phases finales du championnat de France 2022/2023 comme Navarrenx, Hasparren ou Mugron, on voit mal comment le promu de la région pourrait espérer jouer autre chose qu'un maintien fort inconfortable. Dans la mesure où il n'a ni Caucasien ni Îlien dans son groupe, ne propose pas le moindre sous et s'appuie presque exclusivement sur des joueurs formés le long de l'Huveaune. Mais une grinta d'enfer, nous soufflait-on encore pas plus tard que la semaine dernière...

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Heu ... ca a toujours existe...
Je suis né en 76
Fin des années 90, début 2000 plein de mecs prenaient des fixes en plus de leur boulot en honneur et fédérale 3
Dans certains clubs, on avait même des primes d assiduité aux entraînements lol ...
Je ne parle pas de defraiements, quand un mec avec déjà un boulot prend en plus 3000 francs par mois ...ce qui était bien pour l époque ...on parle plus de defraiements ...

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