Trois fois plus de plaquages, 500% de rucks en plus, l'évolution inquiétante du rugby
De plus en plus de rucks dans le rugby moderne.
Alors que le monde du rugby est dans la tourmente, des statistiques sur l'évolution des phases de jeu et révélées par le Guardian s'avèrent plus qu'évocatrices.

Ce sont des statistiques ultra-évocatrices que vient de révéler le Guardian via Twitter et qui confortent l’impression visuelle que donne l’évolution du jeu. D’après ses sources et sans surprise, le nombre de chocs par match a tout simplement explosé entre la balle ovale ancestrale et le rugby moderne. Le journal britannique d’avancer que le jeu est passé d’une moyenne de 104 plaquages par rencontre dans les années 70 et 80 à plus du triple en 2019 ! On comptait en effet 322 gestes défensifs en 80 minutes en moyenne lors du Tournoi des 6 nations de l’an passé. Des chiffres confortés également par la comparaison entre la première finale mondiale de l’histoire (84 plaquages en 1987) et la dernière (256 en 2019). Idem pour les rucks et autres phases de maul qui sont passés d’une petite quarantaine dans les 80’s à plus de 210 lors du Tournoi 2019, soit une augmentation de plus de 500% en 30 ans environ. Gigantesque.70 anciens joueurs veulent poursuivre leurs fédérations suite aux commotions70 anciens joueurs veulent poursuivre leurs fédérations suite aux commotionsEt c’est bien là que l’on voit que la croissance du nombre de ces phases de jeu à complètement bouleversé l’évolution du jeu. Alors qu’à l’époque des illustres Jean-Pierre Rives et Eric Champ le rugby se concentrait essentiellement sur une succession de mêlées et de touches (alors plus de 100 par rencontre en moyenne, contre une trentaine aujourd’hui), depuis l’apparition de professionnalisme en 1995, il n’a cessé de connaître une multiplication des phases de mêlées ouvertes notamment, jusqu’aux chiffres cités plus haut. Pas un hasard d’ailleurs si le temps de jeu effectif avait lui quasiment doublé entre 87 et 2011 d’après les chiffres du Monde parus en 2014. Le reste est élémentaire : des chocs de plus en plus durs et nombreux n’ont fait qu’augmenter la quantité de commotions et de conséquences physiques et psychiques a posteriori.

Une enquête qui fait froid dans le dos

En ce sens, l’enquête du Guardian publiée ce mardi est on ne peut plus évocatrice. D’après le journal, 1% des joueurs anglais et gallois âgés aujourd’hui de 30 à 44 ans et ayant été professionnels lors de ces 15 dernières années souffre désormais de démence... Et encore, des statistiques à prendre au bas mot puisque celles-ci ont été calculées uniquement sur la base des joueurs qui ont rendu leur diagnostic public, eux qui seraient officieusement près de 10 fois plus nombreux d’après le journal britannique. Tout ça alors que dans la même tranche d’âge de la population globale, les symptômes touchent seulement 0,01% des gens, soit… 100 fois moins !

Si les liens directs n’ont pas encore été établis, ils paraissent pourtant évidents. La maladie autrefois connue sous le nom de démence pugilistique est maintenant reconnue comme un problème qui va bien au-delà de la boxe. Elle n’est pas forcément causée par ces quelques gros chocs qui déclenchent une commotion cérébrale, mais le plus souvent par le nombre important de coups répétés à la tête, y compris les impacts « sous-commotions » quasiment innombrables que nous constatons dans le rugby moderne. "L’idée qu'il faut perdre connaissance pour que des dommages soient causés est une idée reçue, explique le professeur Damian Bailey de l'Université du Pays de Galles du Sud toujours pour le Guardian. Cela ne fait que semer la confusion. Tous les impacts sur le corps, sans parler de ceux directement au niveau de la tête, ont le potentiel de provoquer un certain degré de modification fonctionnelle ou structurelle du cerveau. Plus de 90% des commotions cérébrales n'impliquent pas de perte de conscience."Victime de démence précoce, Steve Thompson ne se souvient pas d’avoir été champion du mondeVictime de démence précoce, Steve Thompson ne se souvient pas d’avoir été champion du mondeEt si depuis plusieurs années les instances mondiales ont pris la prévention des commotions à bras le corps, les impacts, eux, ne sont souvent pas évitables. Et au-delà des moeurs et de l’état d’esprit guerrier des rugbyman qui a toujours entraîné à repousser leurs limites et prendre parfois des risques inconsidérés, il nous a ému d’apprendre qu’un garçon comme l’ancien talonneur du XV de la Rose Steve Thompson ne se souvenait plus d’avoir soulevé la coupe du Monde en 2003. Tandis que d'autres comme Alix Popham doit "tout noter sur un papier" pour vivre sans l'aide d'un tiers.

En début de semaine, la nouvelle qu’une centaine de joueurs et anciens professionnels se préparait à poursuivre en justice World Rugby et les fédérations anglaises et galloises notamment à fait l’effet d’une bombe. Acculé, le principal organisme rugby de la planète à depuis fait valoir son droit de réponse : "World Rugby prend la sécurité des joueurs très au sérieux et met en œuvre des stratégies de prévention des blessures basées sur les dernières connaissances, recherches et preuves disponibles". Mais au-delà des mesures prises et à prendre de la part des instances régissantes de ce jeu, il semblerait que ce soit l’évolution même de notre sport qui soit généralement à l’origine des traumatismes corporels et mentaux que l’on connaît. Et à moins de dénaturer complètement la balle ovale ou d’interdire la pratique du jeu aux éléments dépassant le quintal, on voit mal comment cela pourrait réellement changer…

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Respect et application strict du règlement (notamment sur les déblayages), amélioration du protocole commotion (au moindre soupçon sortie définitive), et surtout aménagement du calendrier (déjà pour évite les doublons) pour des phases de repos et préparation réelles (c'est dingue que les joueurs les plus affutés soient ceux qui reviennent de blessure) et je pense qu'on aura déjà fait un grand pas. Une saison à 42 dates maxi avec pourquoi pas un max autorisé par joueur de 33 feuilles par saison (soit 3/4 des matchs possibles à jouer).

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