RUGBY. ITW. Unique français en Angleterre, Antoine Frisch rayonne avec Bristol
Antoine Frisch a inscrit 1 essai et délivré 2 passes décisives face aux Saracens, samedi dernier.
Antoine Frisch est le seul frenchy à jouer en Premiership cette année. Et se fraye un chemin au centre de l'attaque des Bears, aux côtés de Semi Radradra...

Il est loin le temps où les Tricolores proliféraient dans le Premiership, s'exportaient hors de nos contrées pour trouver ce que l'Hexagone ne pouvait (parfois) pas/plus leur offrir. Aujourd'hui, le rugby français surfe sur un Grand Chelem acquis magnifiquement qui, in fine, scelle définitivement le regain d'attractivité de ses vitrines. Là, le "Français" ne s'exporte plus et il est donc loin le temps où les Brouzet, Ibanez, Betsen, Castagnède ou Chabal faisaient carrière en Angleterre. Ou Picamoles, Tolofua ou Mermoz tentaient eux aussi l'aventure outre-Manche, dans un passé plus récent. Et cette année, alors, y a-t-il au moins un petit frenchy pour sauver l'honneur chez nos chers voisins british ? Eh bien très peu de gens le savent, mais oui, il y en a bien un. Celui-ci s'appelle Antoine Frisch, 25 ans et 3/4 centre des Bristol Bears

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Lui ? Il a beau être un jeune loup parmi les géants, le numéro 12 de Bristol a décidé de montrer tout son potentiel samedi dernier, lors de la rencontre entre les Saracens et les Bears. Au coeur d'une première mi-temps très animée (4 essais et 40 points inscrits), le grand brun (1m89 pour 97kg) a figé Elliot Daly - excusez du peu - d'un cadrage-débordement d'école. Un tchik-tchak qui a laissé le 3/4 aux 56 capes avec l'Angleterre sur place, avant que Frisch ne joue son duel face à Lozowski et relève parfaitement la balle pour l'essai de son ouvreur. C'est tout ? Attendez, laissez-nous le temps de vous dire que l'ancien rouennais a également inscrit un essai et délivré une autre passe décisive pour O'Conor, son compère du centre. Et qu'en exclusivité pour nous, Antoine Frisch s'est confié sur son parcours hors du commun, son adaptation, ses ambitions...

Antoine, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Eh bien j'ai 25 ans et je joue aux Bristol Bears depuis cette saison. Je suis originaire de la  région parisienne et j'ai débuté le rugby dans le 77, à Fontainebleau. En grandissant, j'ai rapidement été vers les plus gros clubs de la région en passant par le PUC, puis le centre de formation de Massy et j'ai fait un an à l'université de Loughborough en Angleterre, en 2015. Puis j'ai signé en Espoirs au Stade Français.

Et ensuite, en séniors ?

Je ne jouais pas trop à Paris. À l'époque je jouais encore ouvreur et je suis donc parti à Tarbes, en Fédérale 1, là où c'était super pour trouver du temps de jeu, faire ses gammes et emmagasiner de l'expérience. C'est d'ailleurs là-bas que je suis passé au centre et j'y suis resté, même en signant à Massy l'année d'après puis à Rouen en Pro D2 en suivant. 

Le fait que tu aies connu les 2 postes et que tu aies un gabarit plutôt généreux (1m89 pour 97kg) doit te permettre d'avoir en quelque sorte ce profil de 5/8ème très apprécié dans le rugby moderne, j'imagine...

Je pense que je suis capable de distribuer mais aussi de prendre des initiatives sur le terrain, d'attaquer la ligne... J'aime aussi beaucoup m'engager dans les défenses et tenter de jouer après contact. Je joue en 12 depuis quelques années maintenant, même si je pense pouvoir évoluer en 13 également, mais c'est vrai que mon rôle est un peu d'être les yeux pour mon numéro 10 et de tenter de guider l'équipe. Celui d'un 5/8ème, quoi, comme ils l'appellent ici.

Et comment as-tu eu cette opportunité de venir jouer en Angleterre, toi qui est jeune et qui n'a jamais connu l'élite du rugby français ?

En fait, j'ai toujours eu l'objectif de jouer au plus haut-niveau possible, de ne pas stagner et de suivre les meilleures opportunités pour y arriver. La saison dernière, j'ai pas mal joué à Rouen et cette option est arrivée avec Bristol puisqu'ils cherchaient un centre supplémentaire. J'ai eu un entretien avec Pat Lam et le coach des 3/4 Conor McPhillips, tout s'est bien passé et je me suis engagé avec les Bears pour 1 an. C'était une grande joie et fierté pour moi, qui attendait ça depuis plusieurs années que de pouvoir jouer au plus haut-niveau.

Donc le fait que ta mère soit anglo-irlandaise où que tu aies déjà connu l'Angleterre lorsque tu était plus jeune n'a pas joué là-dedans ? 

Dans le contact, non. L'opportunité est arrivée à mes oreilles grâce à mon agent qui avait contacté des clubs anglais, tout simplement. Bristol a été intéressé par mes performances et effectivement peut-être qu'ensuite, pour me faire signer et évidemment pour que moi j'accepte, le fait que je parle anglais et que je connaisse un peu le pays a probablement joué en ma faveur. C'est ainsi que les Bears m'ont engagé pour voir ce que j'étais capable de faire à ce niveau-là. 

Cette année, tu es le seul frenchy en Angleterre… es-tu un petit chouchou à Bristol ?

Non (rires) ! Les chouchous sont les Piutau etc, et c'est bien normal. Par contre les supporters sont vraiment des fidèles, toujours derrière nous, même en cas de défaite : c'est le top ! 

Et vis-à-vis de tes coéquipiers ?

Eux sont géniaux avec moi, très accueillants et à mon écoute même si je suis bilingue. En toute sincérité, Bristol est vraiment une équipe géniale dans tous les sens du terme. 

Après un début de saison sans trop de temps de jeu, tu enchaînes en ce mois de mars ! Le week-end dernier, tu sortais un match XL face aux Saracens : comment te sens-tu ?

C'est vrai que lorsque je suis arrivé, j'ai mis du temps à assimiler le plan de jeu. On dirait parfois que le jeu de Bristol est un peu fou mais en vrai c'est très structuré avec beaucoup de précisions partout, chose qu'on ne voit pas forcément de l'extérieur. Pour moi qui avait toujours joué en France sauf à l'université, c'est vrai que c'était assez nouveau, différent de ce qu'on connaissait en Fédérale 1 et même en ProD2, où c'était moins précis. Avec le temps, j'ai assimilé le système et je peux désormais jouer plus librement, sans forcément penser en permanence au plan de jeu et c'est pour ça que je me sens mieux maintenant et que je peux enchaîner. 

De la Fédérale au Premiership en 3 ans, on peut dire que tu as fait le grand saut, quand même ! 

Je ne m'en rends pas forcément compte en évoquant mon parcours, même si je sais qu'il est assez atypique. Malgré tout c'est vrai qu'en arrivant ici, j'ai encore plus compris que Bristol était un club très ambitieux et que le niveau d'exigence était très élevé. Là, même si en championnat c'est certainement mort pour la qualification, on a les huitièmes de finale de Coupe d'Europe à préparer en ce moment et c'est là où tu te rends compte que c'est un autre niveau !

Samedi dernier, tu as quand même gagné ton duel face aux internationaux Nick Tompkins et Alex Lozowski...

On ne peut pas dire que j'ai gagné mon duel puisqu'on a perdu le match... Mais en Premiership, on affronte des joueurs exceptionnels chaque week-end et c'est vrai que tu progresses énormément. Face aux Saracens, il n'y avait que des stars sur le terrain et c'est vrai que c'est super de se confronter à des garçons de ce calibre-là pour progresser.

Sur quels points penses-tu avoir justement le plus progressé depuis ton arrivée en Angleterre ?

Sur tout ! Vraiment c'est assez fou à quel point je le ressens en attaque comme en défense, dans la stratégie, la lecture du jeu, dans la compréhension de ce qu'on essaie de faire dans le plan de jeu. Un autre point important, je pense, c'est aussi dans le contrôle de ses émotions. Évoluer aux côtés de grands joueurs habitués à ce niveau-là, calmes dans n'importe quelle situation et au coeur d'un milieu anglo-saxon, est vraiment un aspect sur lequel j'ai l'impression de progresser. D'ailleurs, Pat Lam appuie beaucoup sur le fait que nous devont être froids, précis, cliniques.

Pat Lam justement. C'est un entraîneur très reconnu sur la scène européenne : est-ce que tu sens vraiment que tu touches du doigt le gratin lorsqu'il dirige ses séances ? 

Complètement ! C'est vraiment un grand technicien, très précis, très exigeant et avec lequel j'apprends beaucoup. Je me sens très chanceux de pouvoir évoluer sous ses ordres et c'est clairement le meilleur entraîneur que j'ai eu pour l'instant, et de loin.

Au niveau du style du jeu, et même si tu n’as pas connu l’élite en France, qu’est-ce qui change le plus par rapport à l’Hexagone ?

Comme tu le dis, je n'ai pas connu l'élite en France, donc évidemment que ça va beaucoup plus vite et que c'est plus précis techniquement. Après, à l'entraînement par exemple, on prépare finalement les rencontres à peu près de la même manière, même si la différence se fait dans le nombre de sprints effectués qui est beaucoup plus élevé ici. Les séances sont parfois un peu plus courtes, mais l'intensité est bien plus forte, selon moi.

Justement, qu’est-ce que ça fait de côtoyer des joueurs comme Semi RadradraCharles Piutau tous les jours à l’entraînement ?

Sincèrement c'est énorme ! Il y a beaucoup de joueurs de classe mondiale dans notre effectif entre Semi, Charles, mais aussi Kyle Sinckler, Steven Luatua, Dave Attwood et j'en oublie, qui ont tout connu. C'est encore une fois une grande chance de pouvoir les cotoyer au quoitidien, d'apprendre d'eux, d'autant que ce sont des mecs super cools. Quant à Radradra, c'est un extraterrestre : il est d'une facilité incroyable, il peut traverser à partir de rien... Je le regardais jouer en France à l'époque mais de le voir en vrai, c'est encore plus impressionnant !

Et la vie, est-elle mieux au bord du Devon ou au bord de la Seine ?

C'est un piège cette question ! Plus sérieusement eh bien Paris c'est ma ville, là où j'ai grandi et où j'ai beaucoup d'attaches. Mais Bristol est super sympa ! Je connaissais d'ailleurs le coin puisque je rendais souvent visite à ma grand-mère qui habite dans le Devon quand j'étais petit, et c'est une ville étudiante, qui bouge, assez dynamique... C'est à une échelle plus petite que Paris, bien sûr, mais je m'y plais beaucoup et les gens sont très accueillants.

Les Anglais, quelles sont leurs habitudes les plus étranges ?

Honnêtement, je n'en vois pas, désolé ! C'est assez similaire à la France : ça va boire des cafés après les entraînements etc. Je connaissais plus ou moins ce mode de vie et hormis les "english breakfast" tous les matins, que j'apprécie beaucoup d'ailleurs, il n'y a pas grand chose à dire. Ensuite au niveau de la nourriture, là où les Anglais sont souvent raillés, on a nous la chance d'avoir un chef cuisinier exceptionnel au club, donc on se régale.

T’es-tu mis au thé et aux fish and chips ?

Bien sûr, il faut goûter les spécificités locales (rires) ! Il ne faut pas se tromper d'endroit mais lorsqu'on connaît un peu, il y a vraiment des brasseries très bonnes pour manger ça. Même si c'est sûr que c'est différent des kebabs et des grecs sur Paris, qui me manquent parfois un peu, je ne vais pas mentir.

Tu es éligible pour la France et l’Angleterre… Est-ce que tes bonnes performances et la visibilité que te donnera peut-être ton statut de seul frenchy outre-Manche peuvent te donner quelques idées en tête, à la Thibaud Flament ?

C'est marrant que tu me poses cette question car j'étais justement avec Thibaut Flament à l'université de Loughborough. J'étais en commerce international mais on se retrouvait dans le même amphi'. On a d'ailleurs joué des matchs ensemble à l'époque, même s'il était un peu moins lourd que maintenant. Je suis d'ailleurs super content pour lui, c'est assez fou de voir son parcours et son évolution, c'est énorme ce qui lui arrive.

Et dans le futur, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ? Un retour en France ? Un parcours comme lui ? 

Honnêtement, en ce moment je suis focus sur les matchs à venir et je ne prends pas la tête avec ça... Dans un premier temps, mon contrat avec Bristol se termine à la fin de l'année et je suis sûr que je prendrai la meilleure décision pour le futur. Ensuite, je ne me mets aucune limite sur ce qui peut se passer. Quand je vois les parcours de Thibaud Flament ou de Gavin Villière, c'est sûr que c'est inspirant et ça montre que tout peut arriver. Après je sais que ça ne peut arriver que si tu es concentré sur tes performances et si tu prouves que tu as le niveau. Mon rêve ultime serait bien sûr de postuler pour une éventuelle sélection ou quoi, mais il y a beaucoup d'étapes avant ça. Malgré tout, j'y crois encore...

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  • Jak3192
    75549 points
  • il y a 2 ans

encore une pépite ? 🤔
futur joueur du ST ? 😄

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