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Trois frenchies chez les Boks pour goûter au rugby sud-africain
De gauche à droite, Cyril, Antoine et Florent viennent de terminer la rencontre.
Trois joueurs tricolores évoluent actuellement en Afrique du Sud au sein du Hamilton Rugby Club. Il y découvre une autre façon de jouer.

Entre passion et solidarité, les débats actuels autour de la présence d’ « étrangers » dans les championnats concentrent beaucoup d’attention - et de tensions. Mais parce que la transcendance des différences culturelles reste le pilier de la camaraderie qui unit la famille du rugby, nous vous proposons un petit voyage en immersion du côté de trois jeunes tricolores qui font l’expérience ‘inside’ du jeu Sudaf’.

Profils :

  • Antoine Labarre, 22 ans : demi d’ouverture passé entre autres par le GTO Rugby 77, le PUC Rugby – Cadets Gauderman & Alamercery et comptant quelques sélections en Ile de France à 7 pendant ses années cadets.
  • Florent Lachowski, 22 ans : ailier avec seulement 4-5 ans de rugby dans les pattes mais un peu plus dans les veines ! Passé par le RCB (Racing Club Buguois) puis le XV du Poussin, équipe universitaire de l'École de commerce de Bordeaux.
  • Cyril Meidinger, 27 ans : demi de mêlée, enfant de l’École de Rugby au RC Strasbourg jusqu’en juniors, puis Blagnac en Reichel et joueur du XV De la Choune à la Toulouse business school. Compte également 8 sélections en Équipe nationale grecque de Rugby à XV, 3 Championnats d’Europe de Rugby à 7.

Tous les 3 jouent pour le Hamilton Rugby Club, plus ancienne structure du pays (1875) basée à Cape Town. Antoine, Cyril et Florent décrivent certaines des différences entre les styles français et Sudaf’, à leur échelle. À l’instar de grands noms comme notre Fred Michalak national, ils ne sont pas les seuls dans l’histoire du rugby à avoir expérimenté l’altérité des pratiques. En sens inverse, l’emblématique demi d’ouverture Monty Dumond (Sharks), passé par le Top 14 dans les années 2000, nous accorde ici quelques minutes et nous en dit plus entre la pratique du rugby ici et là-bas.

Comment as-tu rejoint ce club, véritable institution dans le pays ?

Antoine : Je suis arrivé au Cap pour le travail. Une aubaine puisque que je voulais absolument partir dans un pays où l’on joue au rugby ‘différemment’, c’est à dire dans mon imaginaire une nation de l’hémisphère Sud. En arrivant, j’ai très vite entendu parler du Hamilton Rugby Club. Je n’ai pas tout de suite osé, je l’avoue, je ne pensais pas du tout avoir le niveau. Je me suis alors mis au CrossFit, et c’est là que j’ai rencontré un gars membre du conseil du club qui m’a clairement mis devant le fait accompli un jour en me disant qu’il avait prévenu les coaches que je passerai le lendemain. Il m’a en fait rendu un fier service !

Comment s’est passé le match contre FC Villagers, meilleur ennemi de Hamilton ?

Florent : Jouer un derby, c'est toujours magique. Jouer le plus vieux derby d'Afrique du Sud, en place depuis 1876, c'est une émotion incomparable ! De l'odeur des food-trucks sur le parking jusqu'à la troisième mi-temps - (très) festive - en passant par de beaux plaquages offensifs sur le pré, ce fut vraiment une journée mémorable. Pour nous Français, l'intégration a été quasi-immédiate : les Sud-africains de Hamilton sont généralement accueillants avec les nouvelles têtes et mettent très vite à l'aise (surtout s’ils sont chauds pour taper les ennemis jurés de Villagers !). Ils ont juste du mal avec le second degré à la française, mais ça c'est une autre histoire.

Quelles sont les différences de jeu et de préparation entre la France et l’Afrique du Sud ?

Cyril : L’équipe 1 de Hamilton est semi-professionnelle avec 3 entraînements par semaine, similaire à une équipe 1 de Fédérale 1, à la différence que le réservoir de joueurs est bien plus grand, avec une équipe 2,3 et parfois 4. Au niveau du style de jeu, il y a beaucoup d’affrontement direct, on ne cherche pas les espaces : on les crée. Physiquement les mecs sont ultra-épais, ils adorent la muscu’ et les squats ici ! J’ai dû prendre plus de 5 kg depuis que je suis arrivé pour me mettre aux standards locaux.

Antoine : En termes de jeu, je trouve qu’en match on est beaucoup plus sur un rugby individuel. On va moins chercher le décalage collectif et l’intervalle, dès que ça se referme en face les joueurs ont tendance à jouer sur leurs appuis et à tenter plus qu’en France, ou bien à tenter de passer en force et là également je trouve que ça tape plus fort qu’en France.

>> Il faut savoir qu’en Afrique du Sud, l’entraînement est généralement divisé en 2 sessions : une première partie skills, ateliers de passe ou bien mise en situation 2 vs 1, 3 vs 2 ; et une deuxième partie collective souvent de mise en place, le shadow rugby.

Antoine : Personnellement, en tant que 10, je trouve ça bien : tout le monde connaît le plan de jeu et on est donc plus serein sur ce que l’on propose et ça nous permet d’apporter des réponses rapides face aux différentes situations que l’on peut rencontrer en match. Par contre, en ce qui concerne toute la partie fitness/préparation physique, il faut s’en occuper personnellement, en dehors des heures d’entraînements.Le frérot William, arbitre lui, a fait le voyage pour soutenir Antoine.

Comment décririez-vous l’ambiance au sein du collectif, jour de match ?

Florent : Le point essentiel à retenir c'est LA MOTIVATION. Ici c'est musique dans les vestiaires avant le coup d’envoi, grands sourires et blagues à gogo. Pendant l'échauffement, on s'applaudit à la moindre réussite d'un exercice et on en tape 5 à chaque bonne passe. On chante le ‘Hammies call’ avant le match, et il n'y pas de discours agressif, voire ‘sanglant’ comme on peut le trouver en France, mais seulement des discours fédérateurs où l'on n’élève que très peu la voix et où les coaches nous souhaitent de prendre du plaisir avant tout.

Cyril : Avant le match nous portons tous l’uniforme et la cravate, aux couleurs du club : les 3 bandes rouge, noire et jaune (adoptées depuis 1914). Dans les vestiaires, on prie tous ensemble avant de rentrer sur la pelouse : blancs, noirs, métisses. On se met à genoux et on écoute un des joueurs nous donner force et courage. Personnellement, j’adore !

Monty Dumond, vêtu du maillot du Hamilton Rugby Club.

Ce club, situé tout près de l’océan à Cape Town, a été fondé en 1875 notamment grâce à un Écossais du nom de Walter Maxwell Nightingale. Initialement appelé Hamilton Football Club avant de fusionner avec le Sea Point Rugby Football Club en 1910, il est non seulement le plus ancien club du pays mais également celui de tout l’hémisphère sud. D’illustres noms ont participé à écrire sa longue et dense histoire, comme l’ancien Springbok Jan Pickard – qui donnera plus tard son nom à une des tribunes du stade de Newlands (Stormers/Western Province) - et plus récemment Monty Dumond - demi-d ’ouverture passé par les Sharks, le Racing-Métro 92, Oyonnax ou encore Aurillac - avec lequel nous avons eu la chance d’échanger :

Comment compares-tu les différentes compétitions auxquelles tu as participé en France et Afrique du Sud ?

Monty : Pour moi, la principale différence entre la pratique du rugby ici en Afrique du Sud comparé aux années que j’ai passées en France, c’est le caractère émotionnel rattaché au rugby qu’il y a chez vous les Français. Dans les deux cas, le rugby est joué par des passionnés, pour des passionnés mais ici par exemple, les coaches sont plus détendus et d’une manière générale mettent moins de pression au groupe. Je me souviens notamment qu’avec Christophe Urios, génial entraîneur qui gérait l’équipe d’Oyonnax dont j’ai eu la chance de faire partie, les coups de gueules étaient monnaie courante ! Il n’était d’ailleurs pas inhabituel que l’arbitre aussi ait les oreilles qui chauffent de temps en temps, chose que je n’avais jamais vue auparavant au pays.

Toujours sur l’aspect émotionnel, je me souviens qu’en TOP 14, gagner un match à l’extérieur signifiait beaucoup à l’époque où j’ai joué (et c’est probablement toujours le cas) pour une majorité de clubs. L’importance de ne pas perdre à la maison, devant son propre public est primordiale, bien plus qu’ici. Pour un étranger qui n’a pas grandi là-bas, ça fait de toute évidence un choc, au moins au début. Ce qui m’a vraiment marqué par exemple, c’est qu’en cas de victoire à l’extérieur, on faisait vraiment ‘péter le champagne’ comme vous dîtes !

En parlant de champagne, niveau 3ème mi-temps, ils s’y filent les Sudafs ?

Cyril : Après le match, direction les vestiaires pour les ‘fines’ : chaque joueur reçoit une ‘amende’ pour une action ou un choix de jeu, et tout le monde a sa chanson dédiée ! Pendant que le groupe chante (‘Allez les Bleus’ pour nous Français, forcément) il faut vider sa cannette de bière le plus rapidement possible. Et s’ils ne sont pas contents, on recommence ! Une sorte de ‘cagoulin’ en France. Pour l’anecdote, après notre dernière victoire pour laquelle les ‘anciens’ ont montré la voie au niveau des célébrations d’après-match, nous avons su montrer que nous aussi Français étions capables de prouesses vocales, en entonnant une Marseillaise suivie d’un mémorable ‘paquito’ au milieu du club house du vieux club d’Afrique du Sud. Cocorico !

Par contre arrivés à la douche, le coté anglo-saxon reprend le dessus : les mecs se douchent en slip. Pas top pour la cohésion voire l’hygiène, car rien de plus normal que de se doucher dans son plus simple appareil pour un Français depuis l’enfance ...

Merci à Mannie Levesque (AfriFraans) pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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@Mannie Levesque (AfriFraans)
Bel article, merci !

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