Didier Retière : « Je suis responsable de ma sécurité et de celle de mon adversaire »
Ddider Retière (DTN) a pris plusieurs fois la parole lors de ce colloque.
Le DTN Didier Retière ainsi qu'Alexandre Bardot, Sébastien Dalgalarrondo et Jean-François Chermann ont débattu sur le format actuel du rugby et les points à améliorer pour préserver la santé des joueurs.

Colloque en hommage à Nicolas Chauvin : ''Le rugby français est en dépression, il ne tient qu'à nous de changer ça !''Lors du colloque organisé en l'hommage de Nicolas Chauvin, une première table ronde s'est déroulée avec les acteurs suivants : François Trillo (journaliste, dans le rôle du modérateur), Alexandre Bardot (journaliste à l'Équipe), Didier Retière (Directeur Technique National), Sébastien Dalgalarrondo (Sociologue) et le Dr. Jean-François Chermann (neurologue). La première réflexion s'est établie autour des phases de jeu les plus dangereuses. Pour le Docteur Chermann, la phase la plus risquée est aujourd'hui incontestablement le plaquage, même si le plaqueur est souvent plus touché que le plaqué selon les études qu'il a menées. Les récents décès ayant bouleversé le monde du rugby, le DTN se devait lui d'être clair sur la forme du rugby français actuel :

Il y a toujours eu des morts au rugby. Dans les années 1990-2000, la phase la plus dangereuse c'était la mêlée. En une saison, on avait même eu 10 tétraplégiques ! À l'époque, le problème, c'était l'impact. On a donc changé les attitudes et les règles. Aujourd'hui, l'acte le plus risqué, c'est le plaquage. Pourquoi ? Car aujourd'hui, seuls 0,5 joueurs défenseurs sont consommés dans les rucks. Donc les attaques ne fixent plus les défenses ! Et c'est un problème, car les joueurs manquent d'espace et foncent dans les murs. C'est pour cela que dans le rugby professionnel, on recherche de plus en plus de gros gabarits pour casser les lignes.

Pourtant, en ce qui concerne la technique du plaquage, il ne met pas la faute uniquement sur l'école française : « Ici, on a toujours appris à plaquer au short. Mais autre part, notamment dans les Îles du Pacifique, on voit que le plaquage est enseigné différemment. Et quelque part, l'arrivée du monde professionnel et de ces joueurs des Îles dans nos championnats a sûrement accéléré le développement de cette nouvelle technique du plaquage. »

Que faire alors ? Changer les règles ? Didier Retière ne veut pas s'affoler :

Les règles sont sûrement à modifier, même si les récentes statistiques ont montré que le plaquage bas ne limitait pas les commotions. Mais il ne faut pas tout mettre sur la règle, les joueurs ont également leur part de responsabilité. Chaque joueur doit se dire : je suis responsable de ma sécurité et de celle de mon adversaire.

Un « jeu de massacre » : Toujours plus grand, toujours plus fort

Ce constat des gabarits, Sébastien Dalgalarrondo, sociologue, l'avait déjà effectué lors de son étude initiée en 2009 dans quatre clubs professionnels. À l'époque, il avait déjà été très surpris par les corps des rugbymen et avait trouvé « anxieuses » les personnes qui s'occupaient de la partie sanitaire des joueurs. « C'était un peu : on cherche la limite et mais on y va quand même ! » Il publie alors son étude en 2015 et a déjà un œil sur le commotions, notamment en NFL. Mais pour lui, le problème va bien au-delà de ça :

J'ai pris contact avec Robins Tchale-Watchou qui représente le syndicat des joueurs. Il était intéressé pour apporter des réponses à mon enquête, mais il ne m'a jamais rappelé... Je devais également avoir un rendez-vous avec la FFR, mais suite à mon article sur les commotions en 2018, cette dernière a été annulé sans raison ! Les institutions (du rugby français) ne fonctionnent pas ensemble, elles sont sur le mode de l'amateurisme ! Même à ce niveau, les autres pays font mieux que nous...

La présence de nouveaux gabarits, Alexandre Bardot (en charge de la rédaction rugby à l'Équipe) le constate également :

Le poids de joueurs tels que Nemani Nadolo et Uini Atonio est fascinant et souvent trop mis en avant. Regardez par exemple la charge de Peceli Yato sur Arthur Retière, on met plus en avant la percussion du Fidjien que la passe dans l'intervalle de Lamerat. Mais ce genre d'action fait peur ! Ce n'est pas étonnant qu'aujourd'hui, les médecins n'encouragent pas les enfants à faire du rugby. 34 % des parents ne veulent pas mettre leurs enfants au rugby. Mais cela n'existe pas que chez nous. En Nouvelle-Zélande, il y a également une baisse de la pratique, surtout dans le niveau scolaire. Les principales causes de ses arrêts sont les blessures et les commotions.

« La culture du mâle alpha » comme l'a décrit Sébastien Dalalgarrondo. Le pouvoir de dominer de l'autre. « Sur ce domaine, les éducateurs ont un gros travail à faire. Chaque joueur doit s'approprier son corps. » Didier Retière poursuivant :

Il faut accepter que, par moment, les joueurs n'ont pas les moyens de plaquer. L'exemple de mon fils Arthur sur Peceli Yato est révélateur. Je lui ai dit : « À cinq mètres de la ligne, lui lancé contre toi, qu'est-ce que tu peux faire ? » C'est un discours qui doit être porté par les entraîneurs tous les jours ! Il faut parfois oublier le côté statistiques...

La commotion cérébrale : le diable sorti de sa cage

« Il y a une augmentation des blessures, mais surtout des grosses blessures puisqu'on arrive à une moyenne de 32,84 jours d'arrêt dans le monde professionnel (Top 14). Parmi ces blessures, 1 sur 2 est liée à la phase de plaquage et 22% d'entre elles sont des commotions », révélait Alexandre Bardot ce jeudi. Les commotions, le point noir de ces dernières années. Un poison dont l'ensemble des spécialistes du rugby cherchent à trouver l'antidote. Pour autant, le docteur Chermann s'est félicité des dernières améliorations concernant la lutte contre ce fléau :

Aujourd'hui, il y a une réelle prise de conscience. 40 à 70% des sportifs sortent quand ils sont commotionnés. Alors oui, il y a des retraites anticipées, et on va en voir de plus en plus. Mais le point positif, c'est qu'il y a moins de commotions, car il y a plus de déclarations, ce qui n'était pas le cas il y a encore une dizaine d'années. Grâce notamment au protocole HIA 3 qui permet un contrôle pendant et après le match.

Malgré tout, il ne cache pas que les mesures ont mis du temps à se mettre en place, alors que la première réunion de World Rugby (IRB à l'époque) sur les commotions a eu lieu en 2004.

Les lanceurs d'alerte ont été censurés, car on avait peur que ce genre de problèmes mis sur le devant de la scène fasse reculer le nombre de licenciés. Mais ce problème n'existe pas qu'au rugby. J'ai effectué une étude dans le judo. On m'avait dit qu'il n'y avait pas de commotions dans ce sport. J'ai réalisé mon enquête et on s'est rendu compte que, sur les judokas que j'avais examinés, 30 % avait déjà été commotionnés.

Mais le problème, c'est que, pendant longtemps, les joueurs ne voulaient pas sortir lorsqu'ils avaient subi une commotion. Et c'est encore parfois le cas aujourd'hui. Pas plus tard que l'année dernière, Pat Lambie n'avait pas déclaré une commotion subie en demi-finale de Champions Cup pour jouer la finale une semaine plus tard. Il s'était alors blessé au genou lors de celle-ci. « Pas une surprise ! » selon Alexandre Bardot. « 37% des blessures surviennent après des commotions. » « Plus la personne est engagée, moins elle se rend compte de la dangerosité », explique alors Didier Retière. « On a mis des mesures en place sur le rugby professionnel, mais ça a été dur. Et c'était encore plus compliqué sur le rugby amateur, car nous n'avons pas de statistiques. »

Dans ce cadre-là, quelle solutions apporter ? Sébastien Dalgalarrondo propose d'utiliser le système GPS :

Ce système GPS, qui prévient des commotions, ne doit pas être utilisé uniquement par les clubs, mais entre les clubs. Il ne faut pas trop en attendre des joueurs, c'est aux institutions de faire bouger les choses. Bientôt, il faudra compter l'épidémie, car les cerveaux des rugbymen, à long terme, vont développer des problèmes.

 « Une analyse complexe, même avec le neurotracker », selon Didier Retière. La solution du Dr. Chermann, dans un premier temps, est beaucoup plus simple :

Quand on est commotionné, on sort ! Le carton bleu a déjà beaucoup changé les choses, ainsi que le HIA 3 qui s'est amélioré avec la vidéo, puisqu'il permet de détecter rapidement les cas de commotions.

Même constat pour tous, même si chacun apporte sa petite pierre à l'édifice comme Alexandre Bardot qui voudrait que l'on demande à l'attaquant de rester haut et Sébastien Dalalgarrondo qui incite la LNR et la FFR à avoir impérativement des discussions externes. Pour le DTN, en partie décisionnaire dans la modification des règles au sein de la FFR, plusieurs pistes peuvent être envisager :

  • 1) Le cas du passage en force encore à creuser
  • 2 ) Le pick and go à bannir
  • 3 ) L'accent sur la formation

La formation c'est au tout au long de la carrière. Dans le monde professionnel, on a trop souvent tendance à penser que l'on n'a plus rien à apprendre. Les clubs s'entraînent parfois tout une semaine sans avoir de situation de jeu réelle, similaire à un véritable match de rugby. Il est donc logique que les joueurs se retrouvent en difficulté le week-end.

Cette première table ronde fut conclue par François Trillo qui n'oublia pas de souligner l'importance également du rôle des médias dans ce système. À savoir cesser de valoriser les percussions violentes, les plaquages hauts, et tout autre geste contraire à l'esprit du rugby. 

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  • AKA
    70482 points
  • il y a 5 ans

"Mais autre part, notamment dans les Îles du Pacifique, on voit que le plaquage est enseigné différemment. Et quelque part, l'arrivée du monde professionnel et de ces joueurs des Îles dans nos championnats a sûrement accéléré le développement de cette nouvelle technique du plaquage" A les salauds d' Îliens, tout est bien de leur faute!!! Avant on " Plaquait au short" MDR! Avant? on ne savait pas plaquer!!!

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