XV de France. Comment sortir d'une spirale négative ? L'avis d'une psychologue
Et si les maux du XV de France n'étaient avant tout qu'une affaire de psychologie ?
Nous avons posé la question à une amie psychologue, Déborah Evangelopoulou, pour y voir plus clair sur la situation que traverse le XV de France.

Une année 2018 catastrophique (3 victoires en 11 matchs), 2019 qui commence par une défaite, ça y est le XV de France nous a définitivement plongé en dépression. Nous avons donc pris rendez-vous chez une amie psychologue, Déborah Evangelopoulou, pour tenter de trouver des réponses à nos questions. Elle qui pratique un métier, selon ses dires, focalisé sur « la psychologie positive et la confiance en soi. » Penchons-nous sans plus tarder sur le sujet.

Avant toute chose, Déborah a tenu à nous expliquer qu'aujourd'hui, nous vivons dans une société très axée sur la victoire et la défaite, et à l'opposition du « bien » et du « mal ». Ce qui fait défaut selon elle, notamment chez les sportifs.

« Depuis tout petit, on nous apprend qu’il est très important d’être le meilleur »

Comme elle nous l'a expliqué, « Depuis que nous sommes petits, dans notre famille et à l’école, on nous apprend qu’il est très important d’être le meilleur. On doit être le premier en maths, en français, en géométrie, en géographie et également en sports. » Cela dans le but de générer de la fierté, chez nos parents ou nos professeurs, mais également pour nous. Car le résultat prime avant tout. « Le problème aujourd'hui, c'est que le résultat est la priorité », poursuit Déborah.  « La défaite a alors un impact direct sur notre ego et nos capacités.» Un fait de société qui se répercute également dans le monde du sport. Ça ne surprend personne de savoir qu'aujourd'hui un groupe d'athlètes est entraîné pour gagner. Pourtant, le résultat prendrait tellement d'importance que la notion d'existence, d'un groupe, serait menacée. Ce que Déborah remet en question à travers l'interrogation suivante : « N’a-t-on jamais pensé que la victoire et la défaite pouvaient avoir les deux : une face négative et une face positive ? » La question mérite bien évidemment d'être posée. Ces premiers éléments sont donc clairement intéressants. Mais le XV de France est déjà passé par cette étape, la fameuse « défaite encourageante ». Désormais, les supporters ne veulent plus en entendre parler.

En lui expliquant la situation de notre chère et tant aimée vitrine du rugby français, voici ce que Déborah nous a répondu. « Chez les athlètes de haut niveau, la pression du résultat est encore plus forte. Quand un groupe de sportifs n’accomplit pas son but, il n’a pas de raison d'être dans notre société ! Quel est donc l’impact d'une série de défaites sur un groupe ? Et bien, les athlètes se fondent dans leurs insécurités, la croyance en l'incapacité devient de plus en plus forte et la confiance en soi s'amenuise. Une confiance qui se perd également au sein du groupe, car une équipe doit fonctionner en tant qu'unité. Alors quand les joueurs ne croient pas en eux, comment peuvent-ils croire en le groupe ?»

« Je dois gagner » plutôt que « Je veux gagner »

On y voit déjà un peu plus clair en ce qui concerne les maux de nos Bleus. Mais comment leur redonner confiance ? Sommes-nous également responsables ? Les médias ? Les supporters ? Pouvons-nous influer sur leur manque de confiance ? Voici des éléments de réponse apportés par Déborah : « Le groupe est extrêmement vulnérable dans des situations de défaites répétées. Les joueurs ne sont pas suffisamment préparés à faire face à la critique extérieure. Ils se sentent exactement tels qu'ils sont caractérisés par les médias. » Une nouvelle conséquence sur leur vie de groupe : « À chaque entraînement, ils apprennent qu’ils doivent gagner. Il est important ici de souligner l’utilisation du verbe « devoir ». « Je DOIS gagner » et pas « Je VEUX gagner ». Le verbe « devoir » a une connotation d’obligation, de responsabilité extérieure et pas personnelle. Contrairement au verbe « vouloir », où il s’agit de ma responsabilité personnelle. » Dans ce cas, les joueurs doivent-ils faire un peu plus abstraction de ce qui se passe autour d'eux ? Cela semble compliqué selon notre psychologue, surtout à notre époque, où cela a plutôt tendance à empirer.

Nous ne pouvons jamais nous couper de la critique extérieure. Elle existe et existera toujours. Il est pour moi important de préparer les athlètes à se sentir plus forts pour faire face à cette critique. Si les joueurs ont confiance en eux et qu'ils croient en leurs capacités et en leurs forces, ils ne seront pas touchés de la même manière par la critique extérieure. Une caractéristique fondamentale du groupe est l’établissement d’un équilibre interne et d’un système de relations stable avec l’environnement. Le groupe a un double système d’équilibre, interne et externe. Donc quand il y a une situation de déséquilibre extérieur, le groupe peut survivre et reconstruire son équilibre et faire face à ces risques extérieurs.

Quelles solutions ?

1/ La question des leaders

Bien noté Déborah. Mais on le sait, le XV de France est avant tout touché par un déséquilibre interne. On lui reproche d'ailleurs souvent de ne pas avoir assez de leaders au sein de son effectif. Mais que doit véritablement apporter un leader dans cette situation de défaites à répétition ?

Le leader est le conducteur, celui qui assure la direction d’un groupe. Son rôle est nécessaire pour remettre le groupe en équilibre quand il y a un déséquilibre intérieur ou extérieur. Les membres du groupe ont besoin dans ces moments de déséquilibre, d'un leader fort qui pourra leur rappeler les valeurs et les compétences du groupe pour pouvoir récréer de la confiance. Celle-ci peut se gagner à travers un entraînement positif par exemple. Mais il est également important que les groupes sportifs apprennent à perdre. La défaite est nécessaire pour comprendre nos fautes et nos axes de progression. Nous avons besoin de perdre pour savoir comment gagner après ! La meilleure façon pour redonner de la confiance à un groupe est de célébrer la défaite de la même façon que nous célébrons la victoire !

Pour ce qui est de la défaite, nous ne sommes pas inquiets, ce groupe la connaît bien... Mais comment rebondir derrière ? Comment renouer avec la performance derrière une série de défaites ? Selon Déborah, l'aspect psychologique joue un rôle déterminant ici :

70% de notre performance dépend de notre état psychologique. Quand nous nous sentons forts, nous sommes bons ! La meilleure performance apparaît quand l’athlète se sent bien avec lui-même. À mon avis, il est important que tous les athlètes et spécialement ceux de haut niveau fassent un travail personnel avec eux-mêmes. Le développement personnel est nécessaire pour connaître ses limites, ses points forts ou faibles et pour s'accepter soi-même. Une fois que la personne se sent plus proche de sa propre entité, elle peut se sentir prête à prendre du plaisir et se donner à 100% de ses capacités.

2/ Changer notre système de pensées

Comme expliqué dans la première partie, aujourd'hui, seul le résultat compte. L'échec est donc exclu de note société, ce qui laisse perplexe notre intervenante : 

Nous construisons une situation dramatique autour de l’échec. Nous ne laissons pas d’espace à l’échec dans notre vie, donc quand il se présente, nous ne sommes pas préparés à l’accepter.
Comme je l'ai expliqué auparavant, la culture occidentale, en général, est focalisée sur le résultat. La majorité des jeunes sportifs présente des émotions positives similaires face à une victoire sans efforts et face à une victoire où ils ont pris du plaisir en jouant. Nous nous focalisons sur le résultat et pas sur notre état d’esprit au moment de jouer. Face à la victoire, nous avons donc des sentiments et des sensations positifs, que nous oublions très rapidement ensuite. La victoire est un bien de consommation, nous avons besoin de gagner tout le temps pour nous sentir plus forts. Cela nous met en situation de stress, car nous devons consommer le plus de victoires possibles, sans forcément pouvoir prendre du plaisir. Alors que contrairement à ce que les gens pensent, la victoire peut être considérée aussi comme une faiblesse.

3/ Bannir l'excès de confiance

Pour ce qui est de pouvoir dominer un match, cela arrive aussi à nos Bleus . Mais ils ont souvent tendance à tomber dans l'excès de confiance et à perdre par la suite. Nous avons ainsi demandé à Déborah comment nous pourrions éviter cela.

L’excès de confiance est une peur cachée pour ne pas laisser apparaître nos faiblesses. Car une personne faible n’est pas « acceptée » dans notre société. Un joueur faible, moins confiant, est critiqué par les médias et par ses collègues. L’excès de confiance, en revanche, donne au sportif une image d’un athlète fort et compétent. Le résultat est que l’athlète passe beaucoup plus du temps à penser à l'image qu'il renvoie et que lui renvoient les autres, plutôt qu'à prendre du plaisir dans ce qu’il fait. Il est donc nécessaire de donner du temps et de l’importance aux situations d’excès de confiance. Nous devrions rappeler aux joueurs l’importance de prendre du plaisir dans le sport.

4/ La solution du préparateur mental

XV de France : le problème des Bleus serait-il mental ?On en a beaucoup parlé récemment : faut-il un préparateur mental à nos Bleus, à l'instar de ce que font les plus grandes nations mondiales (Angleterre, Nouvelle-Zélande). Voici la réponse de Déborah sur le sujet :

Le rôle du préparateur mental est très important dans les sports de haut niveau. Il peut intervenir à travers différentes stratégies comme le coaching sportif (plan de gestion et de distraction, plan de re-focus) et la programmation neuro-linguistique (utilisation d’ancrages, de visualisations). Il peut préparer les athlètes à avoir une meilleure performance, mais à mon avis, le préparateur mental doit travailler avant tout avec un psychologue sportif pour avoir un meilleur résultat en termes de performance et de confiance en soi. Le préparateur mental travaille lui sur la performance et le psychologue sportif travaille plus en profondeur avec l’athlète. Il doit réconcilier le sportif avec son esprit en faisant un travail fondamental sur des facteurs différents comme l’anxiété, les blocages, les peurs, etc.

Merci beaucoup à Déborah Evangelopoulou d'avoir répondu à nos questions. Il ne reste plus qu'à espérer que les Bleus trouvent rapidement une solution à tous leurs maux, et ce, dès dimanche en Angleterre. D'autant qu'en terme de visualisation, quoi de mieux qu'un groupe de joueurs vêtus de maillots anglais pour se donner un sursaut de motivation ? Allez les Bleus !

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Le pauvre Guirado semble bien loin de ce rôle de leader préconisé par Déborah . Il semblait désabusé et sans ressort.
Comparé aux Anglais qui s'encourageaient, et restaient groupés à chaque arrêt de jeu, nos Français semblaient chacun dans leur bulle et communiquaient très peu.....
Début d'explication ?

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