Raphaël Poulain : ''Arrêtons de nous branler avec les valeurs du rugby, et incarnons-les !''
Le nouveau projet de One Man Show de Raphaël Poulain est lancé !
À l'occasion du lancement de son deuxième projet "Quand j'étais Superman 2", Raphaël Poulain se livre au Rugbynistère.

"Au-delà de l’état actuel du rugby, c’est plus de parler d’un état d’esprit. J’ai 40 ans, j’ai arrêté le rugby il y a 14 ans et je le vois avec un peu de hauteur et beaucoup de compassion, parce que c’est notre part de responsabilités. J’ai envie de me poser, au-delà du rugby, de manière sociétale en me demandant quelles questions on doit se poser en tant qu’homme au 21e siècle sur ma part de responsabilités. Où on place la transmission, quel est notre rôle. Ma volonté de monter sur scène, c’est aussi ça, faire un état des lieux de ce qu’on est et ce qu’on sera pour la génération à venir. Pourquoi les Félix Lambey, pourquoi les Teddy Thomas ont aimé mon intervention alors qu’ils avaient 20 ans ? Parce que je pense qu’ils en avaient peut-être ras-le-bol qu’on leur vende du rugbyman classique et gladiateur. Qu’ils pouvaient s’identifier à autre chose que des bouts de muscles mais à une certaine sensibilité. C’est aussi ça que j’ai envie de mettre en avant ici et dans le One Man Show. Ça peut paraître présomptueux, mais j’aurais aimé qu’à 20 ans il y ait un mec qui vienne me parler comme je l’ai fait, un mec qui partage une vulnérabilité."

C’est à la 3e minute d’appel, après avoir demandé à son fils de se calmer et d’aller jouer avec sa mère, que Raphaël Poulain m’a cueilli. Je savais à quoi m’attendre, mais je me retrouvais déjà comme ces joueurs français qui l’ont écouté à Marcoussis il y a quelques années. On peut se préparer à l’effet Poulain, mais on ne peut pas être sûr de ne pas prendre une baffe à chacune de ses phrases.

Est-ce que ce n’est pas une manière de donner des réponses, des pistes de réflexion aujourd’hui ?

Je n'ai jamais su faire de passes sur le terrain alors l’idée, c’est de me demander comment je peux passer des choses. Tu sais, il n’y a rien de pire que les gens qui arrivent et qui sont donneurs de leçons. Moi je ne suis spécialiste de rien du tout, je partage mon expérience et j’ai vu à travers les 5 années de conférences dans le monde du sport et surtout de l’entreprise que quelque chose d'inexplicable passait. Dans le monde du sport j’entends des mecs de la fédé, de Provale et de la Ligue me dire "mais Raph tu craches dans la soupe !" Sauf qu’aujourd’hui, aucun des mecs n’ont lu le bouquin ou même vu la conférence. En général, quand on voit ce que je fais, on sait que je raconte vraiment mon histoire sauf que je mets des outils de coachings, je parle d’amour, je parle de philosophie, je parle de remise en question et je parle de mon vécu. C’est se dire qu’on a pas eu la meilleure manière de fonctionner, mais qu’aujourd’hui on peut trouver des solutions ensemble.

L’idée du One Man Show, c’est surtout une idée de partage et de transmission. Ce que je raconte est incarné. C’est des blessures, des moments de gloires, mais aussi un côté mythologique qu’on veut vendre à travers le rugby et qui aujourd’hui est de moins en moins incarné. Quand tu vois les mecs qui rentrent sur le terrain avec une musique de gladiateur, ça m’emmerde. Et pourtant j’ai aimé rentrer sur le terrain à 20 ans comme ça, mais je me rends compte qu’on vend un espère de fantasme. Et j’ai ma part de responsabilité dans ce qu’est le rugby aujourd’hui parce que j’étais au Stade Français qui a popularisé le bordel. Mais ça a emmené aussi son lot d’images négatives qu’on ne voulait pas vendre. On ne se rendait pas compte de l’effet pervers qu’on a vendu à travers les médias et les calendriers par exemple. J’ai aucun regret, mais il ne faut pas oublier qu’il y a une part d’ombre dans tout ça. Et quand tu commences à montrer cette part d’ombre, tu craches dans la soupe. On perd des licenciés, mais il faut aussi se demander pourquoi. Aujourd’hui, on s’identifie à un rugby gladiateur.

Tu as l’air d’avoir plein d’idées autour de ce projet, lesquels ?

Le premier, cette année, est de monter sur scène en janvier. Ça, c’est le principal ! C’est un projet sur deux ans avec beaucoup de frais : locations du théâtre, des équipes, monter sur scène. Tout ça à Paris. Mais il y aura aussi une tournée en 2021 accompagné d’un documentaire de 52 minutes sur la tournée, mon histoire, la scène, des potes comme Corleto, Rabadan, Fillol. Si je ne monte pas sur scène, le documentaire ne se fait pas, logique.

Tu as un autre projet qui te tient à cœur, lequel ?

Derrière, j’ai la volonté de réunir la Ligue et Provale autour des PDM, les Player Developement Manager. Ça a été mis de côté alors que c’est fait dans plusieurs pays, sauf qu’en France on n'y arrive pas, Provale et la Ligue n’arrivent pas à s’entendre sur ce projet pour l’interêt supérieur des joueurs. Le joueur est difficilement représenté par Provale, parce que Provale se cherche encore. Il faut aujourd’hui des représentants fort pour défendre les intérêts des joueurs qui sont les premiers acteurs du rugby et les garants des valeurs incarnées sur le terrain. Mais on ne les entend pas, ou peu. Ma volonté était de réunir Provale et la Ligue pour être ambassadeur de ce projet en faisant une tournée dans les clubs pour parler de mes échecs et comment j’ai vécu ma carrière. Expliquer que le PDM est là pour accompagner et aider le joueur sur son questionnement et sur le plan financier. Ce qui est compliqué, c’est quand t’arrives dans un club et que tu es PDM, les gens vont se dire "mais qu’est-ce qu’il vient nous saouler celui-là !" Le joueur a besoin d’être défendu, d’être protégé. Au-delà des commotions, surtout psychologiquement parce que c’est un sport à risque et il y a aussi plein d’addictions autour.

Je connais Manu Augey qui aujourd’hui fait la tournée des clubs, le discours commence à être entendu. Les mecs sont professionnels, donc apportons leur toutes les compétences. Moi je me suis mis au fond du sceau, mais la plupart des mecs font des dépressions. Sauf que quand on met à jour cette vulnérabilité, on te dit "Ouais mais on est pas des "PD!" Et quand bien même t’es homo, sortons des clichés de virilité qu’on nous a vendu depuis 2000 ans ! C’est une caricature d’hommes. Moi je cherche pas la reconnaissance, j’en ai rien à branler. La notoriété je m’en bas les reins, j’ai deux gamins aujourd’hui et je veux pouvoir les faire bouffer et faire ce que j’aime. C’est aussi de les représenter sans chercher de la lumière. Je suis sur Europsort, j’ai ma petite émission, je suis bien. Aujourd’hui ce que je veux c’est être pleinement responsable et pleinement citoyen, et ça passe par une prise de parole et de position pour la défense des joueurs. J’aimerais que tous, on puisse travailler ensemble pour le bien du rugby et de l’homme. Les faire penser autrement qu’avec leurs couilles et leurs têtes. Le cerveau humain a une puissance énorme, utilisons-le. Aujourd’hui, il y a cette peur de montrer qu’on pense autrement dans le rugby. Le rugby est un métier nécrophage, tu bosses en CDD et tu dois te reconvertir dans un métier après ta carrière où tu vas gagner 10 fois moins, ça se prépare !

Est-ce que pour toi, Provale ne serait pas idéal ?

J’envoie des piques, ça fait deux ans que j’envoie des signaux pour ce projet. Les mecs me connaissent de par la vidéo, de par le bouquin, etc. Provale, oui. La Ligue, oui. Mais tu sais bien que Provale est financé par la Ligue et il faudrait une identité forte et indépendante pour défendre les joueurs. Mais ça ne paye pas au niveau des sponsors. Arrêtons de nous branler avec ces valeurs et incarnons-les. La colère ne ressort pas, mais il faut prendre les choses en main. C’est bien beau de faire des Poulain Raffute, mais si tu ne vas pas sur le terrain, ça sert à rien. Aujourd’hui je suis le parrain de l’association Ovale Citoyen, mais si je représente seulement depuis Paris et mon petit studio à Europsort, ça n’a pas de sens. On peut balancer de grandes valeurs, mais qu’est-ce qu’on met en place sur le terrain ?

Est-ce que le rugby n’est pas tout simplement à l’image d’une société où les résultats et la rapidité priment ?

C’est exactement ça ! Le rugby a évolué avec l’arrivée de cette bulle spéculative au sortir de la Coupe du monde 2007 où même en Pro D2 les mecs étaient plus payés qu’en Top 14 avec le Racing ou Toulon. Aujourd’hui, tu fais carrière et il faut que tu maîtrises tout. Sauf que ça pue le faux. Il faut raconter des histoires, mais des histoires authentiques. C’est con, mais ce que fait le Stade Français aujourd’hui, ça sonne faux. C’est pas le rugby qu’on aime, pas le rugby qu’on doit garder absolument. Il faut pouvoir s’identifier à des valeurs et pas à un bout de marketing. C’est pas à travers un selfie que tu racontes une histoire. Et quand tu parles comme ça on dit de toi que tu es un vieux con ! Ben merde alors j'ai pas envie que mes gosses se filent 10h par jour d'écran et consomment le sport comme on bouffe un kebab ! Il y a une histoire dans chaque club et derrière chaque homme ! Inspirons la nouvelle génération avec autre chose que des tweets, des pokes, des likes et autre connerie artificielle. 

La responsabilité vient des équipes dirigeantes donc ?

Elle est partagée, les joueurs doivent prendre la parole, il faut qu’ils osent. Mais faut aussi qu’on leur donne la parole. Quand tu commences à parler, tu te fais virer. En tant qu’adulte responsable il faut qu’ils prennent la parole, c’est eux qui font 35 matchs par an, c’est eux qui sont fatigués, c’est eux qu’on défonce s’ils font une erreur. Ils sont humains. Les présidents de clubs aussi, qui ont une toute-puissance à travers la Ligue, c’est aussi les affaires de la fédération sur les deux dernières années. Quand tu montres que tu peux virer un mec comme Guy Novés pour faute grave, et bien tu ouvres la porte à beaucoup de dérives et de comportements à la con. C’est dégueulasse ce qui est arrivé à Novès, mais ça personne n’en parle, on se le dit au coin du bar, mais c’est tout. Comme le monde politique, j’entends pas un mec dire "ok, on a fait de la merde", on continue de prendre des murs en se disant qu’on doit garder le cap. On peut plus avoir un rugby comme il y a 20 ans, on a un beau rugby aujourd’hui, il est chouette. On a le droit de faire des erreurs, on n'est pas là pour chercher les coupables, mais des solutions et on veut des gens responsables et intègres aux manettes de notre sport.

Ton message serait de faire un bilan sur le rugby ?

J’ai pas envie de passer pour le bouffon de la bande, ce que j’ai vécu de manière caricaturale, tout rugbyman le vit. La percée à haut niveau à 19/20 ans, beaucoup de jeunes le vivent. Je rêve d’avoir les présidents de clubs, la fédé et la Ligue face à moi, mais c’est dans l’utopie. Leur dire "voilà mon histoire", elle est peut-être caricaturale, mais c’est mon histoire. Elle est complètement assumée aujourd’hui et je vais vous poser crument ce que vivent vos joueurs. Quand il est connu, quand il est blessé, l’image qu’il peut avoir par rapport au public, à sa famille, a ses amis, son rapport au public, à l'argent, son droit à la faiblesse, sa vulnérabilité, sa construction psychologique.

Les gens ne se lassent pas de ton message ?

Les gens peuvent être lassés, sans avoir vu les messages, sans avoir lu le bouquin, sans avoir vu la conférence qui dure 1h15. Les gens vont croire que je crache dans la soupe, mais je sais que j’ai des choses à dire. Faut le faire de manière positive parce que pour moi la vie est belle. Dure et injuste parfois mais magnifique quand on sait prendre le temps de conscientiser les evenemrnts vécus... Ne serait-ce que pour s'apaiser le corps et l'esprit, et devenir "responsable" et adulte. Le héros du genre humain aujourd’hui, c’est à 20 ans, argent, gloire, beauté et notoriété mais à 39 ans c’est de remplir ton frigo et de moins te comporter comme un connard ou une conasse, avec ton mec ou ta nana et/ou tes gosses. Quand tu vois que ton frigo est plein et que tes gamins ont un toit sur la tête, tu peux te tourner vers les autres, car t'es privilégié. Maintenant que j’ai ça, je veux me tourner vers les autres.

Je ne veux pas que les gens pensent comme moi, mais qu’ils pensent autrement et surtout par eux même. Ça demande du courage. Ca sera toujours plus facile de dégueuler dans la gamelle du voisin plutôt que de te regarder dans le miroir et de te dire "ben ouais je me comporte moi aussi parfois comme un connard"Aujourd’hui, dans un monde individualiste où on joue sur nos peurs, qu’est-ce qu’on peut faire pour changer le climat, changer l’environnement, pour vivre mieux les uns avec les autres ? Déjà d’affronter ses peurs, de se regarder en face, d'humaniser et voir l'autre non plus comme un objet mais un être humain, lui aussi, avec ses forces ses failles et sa vulnérabilité ! À la vôtre et bon voyage ! 

  • Si vous souhaitez permettre à Raphaël de monter sur scène, il suffit de participer à la cagnotte sur Tipee !
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  • Ahma
    101220 points
  • il y a 4 ans

Bien déçu du faible nombre de calembours. Personne pour nous dire qu'il sera chocolat, ou pour s'étonner qu'on ne parle jamais de Raphaël Pouldeu.

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