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Jean Trillo : "les All Blacks se sont remis en question pour devenir l'équipe la plus créatrice de la planète"
Jean Trillo donne son avis sur la formation des jeunes joueurs en France et sur les Bleus.
Rencontre avec Jean Trillo (28 sélections) à l'école de rugby de l'US Salles, dans une atmosphère rugbystique et éducative, où son petit fils s’entraîne en -8 ans.

Quand vous voyez votre petit-fils s’entrainer, qu’est ce que vous pensez de la formation française ?

Pour commencer, on retrouve une certaine culture dans ce club, un état d’esprit qui fait que les jeunes adhèrent. Pour moi c’est quelque chose de fondamental d’avoir cet héritage, cette culture qui nous fait défaut dans plein de secteurs sociologiques. C’est un atout pour les vertus éducatives dans une époque où l’on manque de liens vers la tradition sans pour autant contester le modernisme. Au niveau des exercices et des ateliers de jeu, il faut réfléchir sur ce que l’on attend des jeunes de l’école de rugby au travers de la politique de la fédération en matière de formation. On se rend compte que les stéréotypes des consignes fédérales ne sont pas forcément les bonnes et que le club peut aussi s’emparer d’un projet de jeu éducatif qui lui appartient. Pour moi, les jeunes ont besoin de jouer avec spontanéité.

Est-ce que vous auriez un conseil à donner à un jeune joueur qui voudrait évoluer au haut niveau ?

Quand on est un joueur de haut niveau, c’est qu’on a une caractéristique : la remise en question permanente. On ne va pas chercher à l’extérieur des motifs de se plaindre on ne va pas dire que c’est la faute de l’un ou de l’autre, on va essayer aller chercher en soi des choses pour être meilleur. C’est toute la différence entre le haut niveau et le reste. C’est une forme de vie.

Si vous aviez pu être professionnel, l’auriez vous fait ?

Je l’étais sans qu’il y ait le professionnalisme. J’étais professionnel dans ma façon d’aborder les choses. Je souhaitais passer ma vie à faire du rugby donc j’ai trouvé une façon de pouvoir réaliser cela. J’étais prof de gym donc j’avais du temps à côté pour m’entrainer. J’avais une volonté de vivre mon sport de cette façon. J'ai aménagé ma vie en fonction.

Y a-t-il un joueur actuel auquel vous vous identifiez ?

Non, d’une manière générale il y a les joueurs créatifs qui aujourd’hui demeurent assez rares, mais qui sont la référence à laquelle je pourrais m’identifier par rapport à mon expérience personnelle. En dehors de ça, c’est tellement différent que c’est difficile de comparer. Après, on assiste à un phénomène qui est important : les Néo-Zélandais, qui étaient très conformistes dans leur façon de jouer comparé aux critères d’aujourd’hui, sont à présent l’équipe les plus créatrice sur la planète. Ça montre que dans leur souci d’être la nation dominante du rugby mondial, ils en sont arrivés à une remise en questions qui les a amenés vers l’excellence.

En parlant des All Blacks, quelle nation aurait le plus de chances de prendre leur place de nation dominante à long terme selon vous ?

Actuellement il n’y a pas une grande équipe qui se dégage. Je ne vois pas grand monde à part l’Australie ou l’Afrique du sud qui ont une tradition d’élitisme qui pourrait peut-être rivaliser avec les Blacks. Je ne sais pas si l’Angleterre ou les Français pourraient un jour le faire.

Justement, que pensez vous du XV de France aujourd’hui ?

On a perdu notre identité, on a perdu cette caractéristique qui nous différenciait, qui nous permettait de nous recentrer derrière une unité de réflexion. On était Français, on avait des caractéristiques. Aujourd’hui, on a plus rien de tout ça, on est moins bons que les autres dans la discipline et dans certains secteurs où notre éducation ne nous a pas favorisé, donc on n’a pas cette identité différente. Il va falloir en trouver une, qu’on se dise qu’on est Français parce qu’on joue d’une certaine façon. C’est le challenge de Novès, on va voir ce que cela va donner. Mais le jeu actuel de l’équipe de France laisse entrevoir l'envie de retrouver l’identité du jeu français, ce qui est une orientation positive pour l’encadrement actuel.

Quel est votre meilleur souvenir de joueur ?

Mon premier match international : France-Afrique du sud à Johannesburg en 1967. Ce jour-là, tu atteins ton rêve et ta vie est finie car tu sais que tu n’auras plus d’autres satisfaction à la hauteur de l’émotion du moment. C’est un moment d’accomplissement difficile pour la vie d’un sportif car derrière, tout est fade. C’est un contexte particulier, un moment émotionnel d’une telle intensité que c’est impossible de retrouver ça dans le quotidien. Qu’est ce qui te pousse derrière à faire des efforts ? Il n’y a que les échecs qui te poussent encore.

Merci à Clément Cressiot pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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