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INTERVIEW. 6 Nations Féminin - Olivier Lièvremont : ''Fier que le boulot paie !''
Olivier Lièvremont évoque le Tournoi des 6 Nations de France Féminines.
Suite au Grand Chelem de ses filles, l'entraîneur des arrières de l'Équipe de France Féminine s'est confié sur le Tournoi, les objectifs du 7 et la place du sport féminin dans la société.

Tout d'abord félicitations, quel est votre sentiment après ce Grand Chelem ?

Je dirais que ça fait du bien à tout le monde ! Ça fait du bien aux filles, des joueuses qui donnent beaucoup depuis pas mal d'années qui avaient bossé pour préparer la dernière Coupe du monde et qui ont été, je pense, frustrées par le résultat. Du coup, revenir avec un titre et en plus un Grand Chelem, ça fait du bien par rapport au boulot qui a été fait !

D'un point de vue personnel, vous êtes en place depuis un peu plus d'un an. Vous avez obtenu une 3ème place au Mondial et un Grand Chelem. Vous devez être satisfait, ce sont deux belles récompenses...

Oui, c'est sûr que ça fait aussi du bien au staff. On a quand même conscience qu'on prenait un groupe qui avait déjà du vécu. On ne s'attribue pas tout le mérite de ces performances-là, mais c'est vraiment qu'on est content que les filles adhèrent à notre discours. Avec Annick (Hayraud, la manager) et Sam (Cherouk, entraîneur des avants), on est sur la même longueur d'onde, et ça aide aussi énormément. On s'est bien trouvés avec Sam, du coup, le fait qu'on soit sur la même longueur d'onde, ça aide pour obtenir des résultats. Et quand tu es entraîneur, tu es forcément fier que le boulot paie !

Au début du Tournoi justement, vous avez rajeuni le groupe et désigné une nouvelle capitaine de seulement 21 ans, c'était un choix pour enclencher un nouveau cycle ?

Après la Coupe du monde, il a fallu tirer un premier bilan et constater que certaines joueuses étaient susceptibles de ne pas aller jusqu'à la prochaine en 2021, donc on souhaitait une transmission entre des joueuses d'expérience et la nouvelle génération. Dans ce cas, on a pensé qu'il n'y avait rien de mieux que de nommer une capitaine jeune, qui a été capitaine des moins de 20 ans tout en responsabilisant les leaders naturelles du groupe comme Julie Duval, Safi N'Diaye, Marjorie Mayans, Audrey Forlani… Il y a quand même pas mal de filles qui ont de l'expérience et qui sont leaders dans ce groupe. Pour nous, l'objectif était qu'elles accompagnent Gaëlle (Hermet) dans son rôle de capitaine. Je suis très attaché à cette transmission, que ce soit de staff à staff, si jamais on doit partir, et entre les joueuses de différentes générations. Après, je ne suis pas le premier à le dire : Claude Onesta au handball a montré comment il faut faire une transmission entre les anciens et les plus jeunes, et, pour nous, c'était important de travailler là-dessus !

En parlant de transmission, vous avez sélectionné beaucoup de jeunes joueuses comme Emma Coudert (18 ans) ou Gabrielle Vernier pour ne citer qu'elles. Les sœurs Ménager n'ont que 21 ans, tout comme votre capitaine Gaëlle Hermet ; c'est quand même une sacrée promesse pour l'avenir ?

C'est vrai qu'on a une vraie jeune génération, sans oublier Annaelle Deshayes qui était blessée mais qui a été élue meilleure pilière gauche du monde suite à la coupe du monde et qui n'a que 21 ans aussi. Il y a un vrai potentiel avec des jeunes joueuses qui poussent les anciennes, qui ne le sont pas tant que ça. Après, on travaille bien en partenariat avec toute la filière du rugby féminin : les moins de 20 ans, France 7, le pôle France et même les sélections moins de 18 ans. Forcément, le fait que toute la filière fonctionne bien et que tout le monde échange, ça nous permet d'intégrer de nouvelles joueuses et d'avoir un bel avenir mais il faut quand même continuer de bosser ! Au niveau international, on n'a pas de l'avance, mais on est bien, dans la structuration du haut niveau féminin et si on ne veut pas prendre de retard, il faut continuer à bosser ! Il faut accompagner les jeunes joueuses qui arrivent et leur donner du temps de jeu comme on l'a fait sur la tournée d'automne et au début du tournoi.

Après, il y a eu le retour de certaines filles du 7, qui sont aussi jeunes ! Par exemple, Caroline Drouin a seulement 21 ans et a déjà à son palmarès une demi-finale de coupe du monde et un grand chelem au poste de demi d'ouverture, c'est pas mal à son poste...

Justement, vous avez fait le choix de laisser certaines filles à 7 durant ce tournoi !

Effectivement ! En fait, cette année est une année de Coupe du monde à 7 et on veut absolument que les filles soient championnes du monde à 7 ! Pour ça, nous, on fait tout pour que leur planification à l'année leur permette d'être performantes à 7 et que nous, on soit championnes d'Europe avec le XV. Pour ça, on a un échange avec David (Courteix, manager général de France 7 féminine) et avec l'ensemble de la Fédération. Donc nous, quand les filles du 7 sont avec nous, elles ont un programme spécial avec par exemple des compensations à la fin des entraînements afin qu'elles puissent performer avec le XV mais surtout, à moyen terme, être championnes du monde à 7 !

6 Nations 2018 - France Féminines : Et de cinq qui font six !


Maintenant revenons au Tournoi qui a semblé une montée en puissance permanente...

Disons que le premier match était hyper important contre l'Irlande, après notre défaite l'an passé d'un point dans le Tournoi là-bas. Elles avaient en plus fait une mauvaise Coupe du monde et changé de staff, donc c'est une équipe qui voulait enclencher un nouveau cycle. On voulait faire un match complet et on a réussi ! On prend d'entrée le bonus offensif contre l'Irlande qui était venue avec des ambitions, ça permet de partir sur de bonnes bases. En Écosse, sous des trombes d'eau, on fait un match qu'on pensait un peu moyen, à chaud. On a donc mis une petite piqûre de rappel sur l'état d'esprit à avoir et sur « l'esprit bleu » : une dizaine de mots que doivent connaître les filles quand elles portent le maillot du XV de France. À partir de ce moment-là, on s'est dit que tous les matches devaient être joués comme des finales de Coupe du monde, surtout, les matches devaient se préparer comme une finale !

VIDÉO. En immersion au cœur de l'équipe de France Féminines pour vivre le Grand Chelem de l'intérieurContre l'Italie, en Corse, on a senti les prémices du match contre les Anglaises avec un beau match remporté 57-0. Après, forcément, il y a ce match fou contre les Anglaises au cours duquel on démarre mal avec trois grosses erreurs défensives. Mais au final, les joueuses se sont parlées pendant le match et ont corrigé l'erreur. Et, au final, elles ont réussi au résultat que l'on connaît. Ça c'est hyper positif, parce que dans le débrief de la Coupe du monde, on avait constaté qu'on avait du mal à prendre les bonnes décisions sous pression et là à Grenoble, on a senti que le match a basculé. Même les filles nous disent qu'elles étaient tranquilles à cinq minutes de la fin du match ! Et ça, c'est hyper positif !

Enfin, le dernier match, c'était la rencontre piège par excellence avec des conditions compliquées mais on a réussi à se le mettre dans la poche face à une équipe très lourde devant et des filles qui vont très vite derrière mais on a senti dans les vestiaires que les filles voulaient pas lâcher et elles sont allées se chercher le Grand Chelem !

Impossible de ne pas s'arrêter sur le match contre les Anglaises à Grenoble ? Qu'est ce qu'on ressent au bord du terrain quand on voit une telle communion et un stade à guichets fermés pour une équipe féminine ?

En plus, on est un staff jeune ! C'est vrai que c'était la première fois pour tout le monde, le staff et les filles, qu'on jouait dans un stade comme celui-là, un stade fermé. Il y avait une ambiance assez incroyable, les gens poussaient derrière les filles sur chaque action et la Marseillaise a été très prenante. Je ne suis pas quelqu'un d'émotif habituellement pendant la Marseillaise, je suis concentré sur le match. Au final, à Grenoble, il y a quand même eu quelque chose qui s'est passé intérieurement pendant l'hymne (rires). Puis pendant le match, il y a eu une autre Marseillaise et aussi une Ola, c'était quand même incroyable. Après les filles, elles sont concentrées, elles sentaient qu'à tout moment, tout pouvait basculer. Quand elles portaient le ballon, ça criait derrière elles, ça poussait, on peut dire ce qu'on veut, mais à mon avis, ça aide ! C'est vrai qu'après, ça a été une belle fête, c'était vraiment top !

On a donc pu voir un grand engouement populaire autour de cette équipe mais les joueuses restent amateures, qu'est-ce qu'il manque au rugby féminin en France pour être vraiment reconnu à sa juste valeur ?

Je dirais que c'est plus largement le sport féminin qui n'est pas reconnu de manière générale. Les sports collectifs féminins ne sont pas très médiatisés et c'est juste ça le problème. Il faut que tout le monde se rende compte que le sport féminin est un sport de haut niveau. Il mérite d'être mis en avant ! On parle de très haut niveau sportif. Il ne faut pas oublier que les filles s'entraînent deux à trois fois par jour, elles sont suivies par un nutritionniste, portent des GPS en  permanence à l'entraînement et en match. Il y a aussi un suivi médical pour optimiser la performance.Tout ça mérite d'être communiqué parce qu'encore une fois, c'est du très haut niveau.

Après, il manque simplement que la société soit moins machiste ! Sans jouer le féministe de base, très franchement, on voit partout que les exploits féminins sont moins couverts que les exploits masculins ! C'est plus quelque chose de général dans la société ! Par exemple, les filles du handball sont championnes du monde, on en a parlé pendant une semaine, et après c'est fini ! Même une semaine, ça fait beaucoup ! On a dû en parler deux jours et puis plus rien. Il y a même d'autres sports dans lesquels les filles gagnent et finalement on en parle pas tant que ça…

Merci à Rémy Mességué pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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