En première ligne face au Coronavirus mais aussi joueurs ou joueuses de rugby : ils témoignent
Le personnel soignant est en première ligne face au coronavirus.
Découvrez les témoignages de ceux qui doivent faire face à la crise sanitaire du coronavirus au quotidien. En première ligne sur le terrain et dans la vie.
https://enpremiereligne.fr/ est un site qui permet à ceux qui sont directement impactés par la crise sanitaire du coronavirus de demander de l'aide. Et à ceux qui le peuvent, de leur répondre.

Pierro est "flic en région parisienne et talonneur à mes heures perdues sur le pré".

Pour l'instant (vendredi, NDLR.), on est dans de la prévention pure, sur mon secteur, on verbalise seulement ceux qui font de la mauvaise foi... Les gens font du sport ou sortent les enfants... C'est autorisé et complètement incohérent avec le confinement que l'on nous donne pour instruction de mettre en place, du coup on essaie de composer au mieux mais quand on part d'un secteur que l'on vient de vider, 5min après c'est comme si on était jamais venue... 
On a aussi des gens depuis les balcons qui nous font des remarques "vous êtes nuls de ne pas laisser les gens dehors" et 5 minutes plus loin "qu'est-ce que vous attendez pour tous les verbaliser"... On demande surtout aux gens de faire preuve de civisme et qu'ils restent chez eux ! La prévention risque d'ailleurs de faire place à la répression, car les gens ne semblent pas comprendre que si l'on ne fait pas l'effort de se confiner tous ensemble pour stopper la maladie et soutenir le corps médical, il continuera à y avoir des victimes.

Julien, ancien rugbyman en série auvergnate et rugby à toucher, est infirmier aux Urgences/SAMU du CHU Clermont- Ferrand.

La situation n'a jamais été aussi calme sur Clermont-Ferrand pour le moment (samedi, ndlr.). Mais c'est un calme avant une tempête selon nos prédicateurs. Un peu comme le bruit des crampons dans le vestiaire qui annonce une rude bataille qui va suivre. Clermont est pour l'instant relativement épargné par le virus mais au vu des évolutions et de la diffusion du virus il est fort probable que ça évolue peu positivement. L'avantage pour ceci, c'est que l'on est préparé à accueillir une grande affluence de patients dans les jours à venir. Les règles d'hygiène sont répétées comme les lancements de jeu. Chacun connaît sa place et son rôle dans l'équipe pour ne pas prendre 80 pions à la fin du match (mais là, c'est moins drôle les points peuvent se transformer en décès) Tout le monde est sur le qui-vive, mais on attend tous d'arriver à la 3eme mi-temps. 
La tension est sous-jacente. Certains la vivent bien d'autres ont plus de mal à gérer. La pression ne vient pas du fait de l'affluence possiblement massive de patients (et graves pour certains) car cest un quotidien le reste du temps, mais plutot l'exposition à ce virus sans avoir la quantité de matériel adéquate... Imaginez votre premier entraînement sous la pluie avec une paire de runningLa peur d'être dépassé par la situation n'est pas présente pour le moment. Notre structure a "la chance" d'avoir des exemples de ce qu'il peut se passer (exemple Grand Est) donc beaucoup d'actions sont anticipées. Enfin cela dit on a cette sensation comme lorsque un tsunami arrive : la mer se retire avant l'arrivée d'une vague énorme.

Olivier (son nom a été changé par respect pour son anonymat) est infirmier dans un EHPAD du Lot et Garonne, et demi de mêlée dans le club local.

Dans mon établissement, notre combat est de laisser le Covid 19 dehors. L'établissement n'accepte aucun visiteur depuis maintenant deux semaines. Familles, amis, autre professionnel de santé tel les kinés trouvent porte close. Les sorties, pour les résidents les plus indépendants, sont proscrites. L'objectif de ce confinement est de permettre une liberté de mouvement à l'intérieur de l'établissement. Les repas peuvent être pris en salle commune et l'accès au jardin clos est autorisé. De ce fait, le seul risque d'introduction du virus vient du personnel soignant. Pour protéger les résidents, nous avons les gestes "barrière", que nous appliquons au quotidien, avec ou sans virus. Des masques chirurgicaux, nous en avons. Du moins pour l'instant. Une restriction est mise en place car nul ne sait la durée de la crise, ni la date à laquelle nous en recevrons de nouveau. Un masque par soignant par jour, au lieu de deux. C'est peu, mais c'est mieux que rien. Notre plus grande crainte, c'est que le Covid 19 soit contracté par un soignant ou un résident. Dans ce cas, nous ne sommes pas équipés pour faire face, mais seulement pour subir.

Elouan est aide-soignant dans le handicap le monde médico-social.

Pour ma part, je travaille dans un FAM (foyer d'accueil médicalisé) nous continuons d'accompagner les résidents de ce foyer malgré le confinement. Nous n'avons pas suffisamment de matériel pour protéger cette population fragile toute l'équipe démarche des connaissances, des entreprises pouvant nous donner le matériel nécessaire. Nous n'avons aucun soutien de l'état, l'équipe médicale doit improviser des protocoles avec les moyens du bord afin de les protéger. Pour le moment merci tout ce passe bien et nous arrivons à éviter qu'un de nos résidents soit touché, mais si jamais ça arrive toute la structure risque d'être touché et dans une population fragile, j'ai peur du désastre.

Voilà pourquoi mis de côté nous entendons jamais parler de nous rien est fais pour nous et le risque est bien présent pour chaque personne handicapées en structures ainsi que tous les professionnels y travaillant.

Alex et son père sont pompiers volontaires.

Il travaille au 15 (parfois au 18) et je suis depuis également depuis peu au 18. Il faut prendre conscience que les gens peuvent être des porteurs sains, et c’est là tout le danger. Ce dont je peux témoigner en revanche, c’est du travail incroyable qui submerge toute la chaîne de secours, en partant des centres d’appel (15 et 18), aux personnels sur le terrain et dans les services hospitaliers.
Ce que l’on voit en travaillant dans un centre d’appel qui réunit le 15 et le 18, c’est que nous sommes submergés par un nombre d’appels incroyable, dont beaucoup ne sont absolument pas urgents. Aujourd’hui dès qu’une personne tousse, elle appelle le 15 ! Ce n’est pas possible ! Les gens doivent comprendre que le 15 et le 18 sont des lignes d’urgence, et que dans le cas du COVID 19, ils ne doivent appeler que s'ils présentent plusieurs signes importants (forte fièvre, difficultés respiratoires importante, toux..). Ces gens-là bloquent des lignes d’urgence alors que peut être, derrière eux, une personne attend d’avoir un opérateur pour une véritable urgence! Beaucoup de gens sont tombés dans la paranoïa et engorgent les services d’urgence qui sont déjà pleins à craquer de vrais cas et des urgences « habituelles ».

Ceci étant dit, il ne faut pas non plus prendre ce virus à la légère. Il fait de vrais dégâts, on ne sait encore que peu de choses sur ce virus et il faut se montrer discipliné. Les gens doivent réellement écouter et appliquer les consignes qui leur sont données. Ceci pour le bien de tous.

Et donc à titre personnel, je m’adapte à la situation. Je respecte le confinement, je quitte la maison que pour prendre mes gardes et faire mes courses. Je fais du sport à la maison, avec les moyens du bord, et je m’occupe comme je peux. Au plus, on sera discipliné, au plus vite, on pourra mettre tout ça derrière nous et retrouver une vie normale. Prenons donc notre mal en patience. Rester confiné pour éviter que des gens ne meurent, je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.

Juliette est infirmière et sapeur pompiers et je joue au LORC à Marquette-lez-Lille.

Je travaille au centre des brûlés du CHU de lilleL'ambiance est pesante, car nous savons que le "pic" est imminent et nous nous préparons à être dispatchés dans les étages de notre hôpital dès qu'il y aura besoin. Nous disposons de lits de réanimation et seront donc impliqués à un moment au sein même de notre service. Pour l'instant (vendredi, NDLR.), c'est une attente et une fatigue psychologique. Nous avons une suspicion de covid parmi notre équipe depuis cet après-midi.
À la caserne l'ambiance est tout aussi anxiogène. Première ligne et bientôt plus de matériel pour être suffisamment protégé. Hier, je suis partie en intervention avec comme motif de départ "arrêt cardiaque / suspicion Covid". 
Le stress n'est pas simple à gérer, mais faut y aller, s'habiller et pratiquer les mêmes gestes réanimatoires qu'avant. Un masque en plus. On se prend la réalité dans la tronche quand on laisse sur place une victime décédée et sa famille qui le pleure. Mais très vite il faut rentrer, tout désinfecter et se préparer à repartir sur ce même genre d'intervention. Il me reste la course à pieds pour oublier ou plutôt chasser un instant ce putain de virus de ma tête, et espérer qu'il reste que dans ma tête et ne se propage pas dans mon corps qui a encore envie de retrouver très vite le terrain, les amis, la vie !

Cassandre est infirmière au bloc opératoire et joueuse pour Les Marcassins - Laies Fées, Saujon.

Je ne travaille pas actuellement (samedi, NDLR.) mais effectivement je peux quand même témoigner pour mes collègues. Je suis infirmière au bloc opératoire et joueuse de rugby (1re ligne) le week-end. Actuellement, notre bloc opératoire a annulé toutes ses interventions et nous ne traitons que les urgences et la cancérologie. Même avec un nombre d'interventions réduit nos conditions de travail sont difficiles. Les masques et solutions hydroalcooliques ont été mis sous clé suite à des vols le week-end dernier. Le chef de bloc délivre un masque à chaque infirmière et chirurgien pour toute sa vacation et une dose de gel hydroalcoolique pour le lavage des mains pré opératoire... Nous attendons les instructions de l'ARS et nous attendons au pire pour les semaines à venir sachant que le pique de l'épidémie n'est pas arrivé et que nos moyens de protection sont déjà très limités. J'en appel donc au bon sens de chacun et au respect des règles de confinement pour aider tout le personnel médical et paramédical, mais aussi toutes les personnes qui travaillent encore pour faire en sorte que nous ne manquons de rien.

Charlie est affilié au btp et donc obligé de se rendre sur les chantiers tandis que sa compagne est aide-soignante.

Je devais être en chômage technique depuis hier soir (vendredi soir, NDLR.), mais l’annonce de la ministre du travail a changé la donne. Étant chargé d’affaires, je suis obligé d’aller à la rencontre du client pour mener mon travail à bien. Donc les choix qui s’offrent à moi sont soit poser des congés, soit me mettre en arrêt, soit travailler dans des conditions plus que compliquées sur le plan sanitaire et professionnel. Je travaille dans une entreprise à taille humaine ou une bonne partie de l’effectif est joueur ou dirigeant de mon club. Et la situation crée une atmosphère anxiogène, tout le monde est dans le flou. Et pour compliquer la chose ma compagne est aide-soignante en EPHAD. Donc si en travaillant je me fais contaminer, je peux infecter des personnes à risques. Donc on se retrouve un peu désemparé, sans trop savoir quelle attitude prendre pour le bien de tous.

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Merci à tous ceux qui continuent de bosser dans des conditions dégradées voir dangereuses pour assurer la continuité des services publics et des services essentiels. Les personnels soignants évidemment (on parle beaucoup de l'hospitalier, mais n'oublions pas les médecins et infirmiers/infirmières de ville, les aide à domicile, le personnel des EPHAD), les pompiers, les forces de l'ordre, mais aussi ceux qu'on oublie trop souvent parce que moins visibles et moins "spectaculaires" mais pourtant tout aussi indispensables : la grande distribution, l'agroalimentaire, les routiers, les transports en commun, les facteurs et livreurs (par pitié arrêtez de commander par internet des produits de confort), les gaziers et électriciens, les artisans d'urgence type plombiers, les profs et instits qui ouvrent des écoles pour accueillir les enfants des personnels de santé, les éboueurs et égoutiers, et j'en oublie certainement beaucoup d'autres.
Une pensée aussi à tous ceux dont la fonction n'est pas essentielle mais qui se retrouvent à devoir continuer de bosser parce que l'employeur ne veut pas ou ne peut pas fermer, ou qu'ils sont leurs propres employeurs et que sans activité il n'y a plus rien dans l'assiette et plus de toit au dessus de la tête à la fin du mois.

J'espère qu'une fois que nous serons sortis de cette crise, la mémoire collective n'oubliera pas tous ces anonymes et ces corps de métiers, et qu'on ne retournera pas aux refrains traditionnels de "feignants", "privilégiés", "toujours en train de se plaindre", "s'ils ne sont pas contents ils ont qu'à changer de métier" et autres conneries que l'on entendait il y a encore quelques mois.

Et s'il vous plaît restez tous chez vous, tant pis pour la condition physique, la préparation du marathon à l'automne, les petits plaisirs à abandonner ou la frustration croissante du confinement (le télétravail, les enfants, les petits défauts du conjoint ou de la conjointe, le manque d'espace, etc.). Faites-le pour vous, pour vos proches, et pour ceux qui sont en première ligne. Dites-vous que nous autres qui continuons de sortir jour après jour aimerions bien être à votre place et que ces tracas quotidiens sont bien peu de chose en comparaison avec la peur de choper cette saloperie au quotidien, de contaminer des proches en rentrant du boulot ou de contaminer des collègues en allant au boulot.

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