Six matchs du Tournoi des 6 nations 2017 seront arbitrés par des Français, un record

Cocorico ! 6 des 15 rencontres programmées cet hiver seront arbitrées par des officiels tricolores. Une très bonne nouvelle pour l'arbitrage français. Jérôme Garcès s'est ainsi vu confier le choc entre le Pays de Galles et l'Angleterre ainsi que le très attendu Irlande vs Angleterre à Dublin. Deux équipes en forme cet automne avec un succès sur les All Blacks pour les Irlandais et une tournée parfaite pour les Anglais.

Romain Poite sifflera également le XV de la Rose face à l'Italie ainsi que le XV du Trèfle en Écosse. Pascal Gaüzere aura pour tache d'arbitrer les Écossais lors de la réception des Italiens. Quant à Mathieu Raynal, il aura aussi la chance de fouler la pelouse de Twickenham pour un alléchant Angleterre vs Écosse. Puis sera juge de touche pour Angleterre/Italie et Irlande/Angleterre.

Notez que c'est l'Australien Angus Gardner qui abitrera le XV de France face à l'Angleterre. Pour la réception de l'Écosse, c'est le Sud-Africain Jaco Peyper qui a été désigné. Les Bleus retrouveront ensuite Nigel Owens pour le déplacement en Irlande puis le Kiwi Ben O'Keeffe en Italie. C'est finalement Wayne Barnes qui sera au centre pour lors de la visite des Gallois à Saint-Denis.

S'il a déjà arbitré les Ecossais contre les Tonga et l'Angleterre face aux Barbarians, c'est une belle récompense à titre individuelle pour Mathieu Raynal mais également collective pour tout l'arbitrage français comme il nous le confie.

Vous avez appris une très bonne nouvelle ce jeudi. Vous y attendiez-vous ?

D'un point de vue collectif, on savait que notre travail était très respecté sur la scène internationale, mais on ne s'attendait pas à une telle réussite, même si on a fait une très bonne Coupe du monde et si on a été performants sur les tests de juin et de novembre. Que la France ait la chance de diriger 6 rencontres sur 15 dans le tournoi est historique et significatif de la reconnaissance que les instances internationales nous témoignent. On continue de bosser dur avec les moyens qui sont les nôtres pour conserver la confiance dont on bénéficie. D'un point de vue plus personnel, être désigné pour ce match c'est une satisfaction mais ça ne représente que 10 % du chemin, les 90 autres c'est bien le préparer et bien le faire. 

Quatre arbitres désignés au centre pour le tournoi des 6 Nations... ce qui fait un total de 6 matchs. Record historique n'est-ce pas ? 

Oui pour nous c'est historique d'avoir 4 arbitres au centre et de faire 6 matchs sur 15 sur le tournoi des 6 nations. Notre travail est reconnu et apprécié sur la scène internationale. Et c'est une satisfaction parce qu'on bosse et que lorsqu'on s'investit c'est toujours mieux d'avoir des résultats. Mais il ne faut pas regarder béatement les désignations et se contenter de ça. On doit bosser dur pour bien faire les matchs qu'on nous donne, bosser dur pour maintenir notre présence au très haut niveau et bosser dur pour préparer l'avenir. Alexandre Ruiz vient de rentrer au panel international ce qui veut dire que sur une vingtaine d'arbitres dans le panel mondial, 5 d'entre eux sont Français. Pierre Brousset vient de rentrer au panel à 7, et Thomas Charabas est rentré sur la Coupe d'Europe. Donc l'avenir se prépare dès aujourd'hui et il faut se donner les moyens d'être forts sur la durée.

Finale du Top 14, Irlande vs Nouvelle-Zélande à Chicago, et maintenant un match du Tournoi des 6 Nations... où va s'arrêter l'ascension ?

L'arbitrage est un exercice complexe où la confiance se gagne en goutte et se perd en litre, c'est pour ça que le mot "ascension" a peu de signification pour moi. Je préfère bosser sur la régularité de mes performances, tout simplement parce que je fais partie d'un groupe où il y a des arbitres de classe mondiale comme Wayne Barnes, Jérôme Garcès, Romain Poite ou Nigel Owens. Des arbitres qui ont des finales de Coupe d'Europe, de Coupe du monde et prés de 70 test matchs au compteur. Et ça je le respecte. Je ne me bats pas pour aller m'assoir au fond du bus à la place du plus ancien ou du plus capé. C'est pas mon objectif ni mon état d'esprit. Je profite de la chance que j'ai qu'ils soient là et je suis très réceptif à leurs conseils et très éveillé lorsqu'il s'agit de profiter de leur expérience. Je me bats juste pour être prêt quand on me confie des matchs à arbitrer.

Après la victoire de l'Irlande sur les Blacks, celle de l'Italie sur les Boks et la très grosse forme de l'Angleterre, on peut s'attendre à un 6 Nations extrêmement relevé. Avez-vous pris un billet pour une rencontre ?

Tout le monde peut battre tout le monde. Et le propre d'un arbitre est d'arbitrer ce qui se trouve en face de lui et donc de ne jamais avoir d'a priori. Donc étudier le jeu des équipes oui, mais jamais faire de pronostics. Je n'irai pas voir de match parce que j'arbitre Angleterre-Écosse et que je fais la touche à Romain sur Angleterre-Italie et à Jérôme sur Irlande-Angleterre, donc ça fait déjà 3 week-end sur 5 où je suis pris. Plus les réunions de préparations, que nous avons à Londres avant les matchs et les matchs de Top 14 quand je serai en France, je n'aurai pas trop le temps d'aller voir un match avec des potes ! Mais après ma carrière je ne suis pas contre l'idée de retourner dans les stades dans lesquels j'aurai arbitré pour boire quelques bières, profiter de l'ambiance et voir un bon match du tournoi.

Les désignations internationales semblent montrer la bonne santé de l'arbitrage français, et pourtant les critiques pleuvent toujours en Top 14. Est-ce que ça peut faire évoluer les mentalités selon vous ?

Le seul moyen de faire évoluer les mentalités est qu'on accepte qu'un arbitre puisse ne pas tout maîtriser et fasse parfois des erreurs. Quand tout le monde aura compris qu'on donne le meilleur de nous même avec les moyens qui sont les nôtres, qu'on fait tout pour être bon mais que parfois on se trompe dans une décision, tout simplement parce que le jeu va vite, ou parce qu'on a une perception différente sur le terrain, de celle que peuvent avoir les commentateurs ou la majorité des gens sur une situation de jeu depuis leur fauteuil, et bien on aura fait un grand pas. On ne bosse pour ne pas faire d'erreurs mais je vous annonce que malheureusement on continuera à en faire, et parfois qui feront gagner ou perdre une équipe. Pas parce qu'on le souhaite, pas parce qu'on est malhonnête mais juste parce que que la performance parfaite n'existe pas. Ni pour un arbitre, ni pour un joueur, ni pour un entraîneur.

On ne pardonne pas l'erreur d'arbitrage. Tu arbitres 9 fois une équipe, ça se passe bien, et la 10e tu fais une erreur qui leur coûte le match, et bien à leurs yeux tu es nul ou malhonnête. Un joueur gère mal une fin de match, rate la pénalité de la gagne ou un 5 contre 1 dans les derniers instants du match, on lui tape sur l'épaule, on l'encourage et on lui renouvelle sa confiance. C'est deux approches différentes pour un même style d'erreur non? Est-ce normal qu'après Stade français - Bayonne, 55 à 10, je reçoive un message d'un supporter qui s'est procuré mes coordonnées en me disant que je suis la honte du rugby? Est-ce normal que le même week-end un autre arbitre reçoive des coups de fil anonymes en pleine nuit alors qu'il a sa gamine de 2 ans et sa femme qui dorment ? Ce ne sont pas des cas isolés, ce genre de choses arrive à tous les arbitres et tous les week-end. Alors certes, ça ne concerne qu'une infime partie des "supporters". Mais ça existe. Un climat délétère s'installe petit à petit à l'égard de l'arbitrage, et ce n'est malheureusement pas notre réussite au niveau international qui semble être en mesure de changer les choses. Un jour il sera trop tard.