Du rachat à la finale de la Coupe du monde : comment les Springboks se sont-ils relancés ?
De Jager et les Boks pouvaient exulter après le succès face aux Gallois.
En battant le Pays de Galles dans une demi-finale tendue, les Sud-africains se sont offert le droit de participer à la troisième finale de leur histoire.

La réputation de l’Afrique du Sud dans le rugby mondial n’est plus à faire. Champions du Monde à deux reprises (1995 et 2007), les Boks font partie du gotha planétaire. Mais leur participation à la finale de la neuvième édition était loin d’être simple à pronostiquer il y a quelques mois, alors que les Sud-Africains ont traversé une crise de résultat et de confiance importante depuis la dernière édition du Mondial. En 2018, Rassie Erasmus débarque au chevet d’une sélection en difficulté. Le jeu de mouvement est le nouveau credo mais l’équipe n’arrive pas à se mettre au diapason, reniant presque ses principes qui l’avaient fait devenir un gros bras.

Dès lors, Erasmus, l’ancien Munsterman, et son staff ont débuté un travail conséquent pour replacer l’Afrique du Sud dans la course.

Secret défense

Retour aux bases. Un succès sur la scène internationale passe par une défense impeccable tant collectivement que sur le plan individuel. L’Afrique du Sud compte désormais l’une des toutes meilleurs défenses du Monde. Depuis le début de la compétition, et avant la finale, les Boks ont encaissé seulement quatre essais (dont deux face aux Blacks) en six matchs joués. Face à l’Italie, la Namibie et surtout devant le Japon en quarts, les Sud-africains n’ont pas cédé. Contre les Gallois, ils ont impressionné par leur capacité à tenir de longues minutes à défendre dans leur camp. Sans voir le ballon, tout en patience, mais en distribuant les carreaux.

Dans ce système, Du Toit (27 ans), le troisième-ligne des Stormers, fait figure de leader. Face au XV du Poireau, il a notamment réalisé dix-neuf plaquages (meilleur total de la rencontre), excellant dans les duels défensifs. La mobilité du cinq de devant dans ce secteur, De Jager notamment (14 plaquages contre les Brave Blossoms), permet à l’équipe d’être particulièrement performante dans le replacement : toujours présente sur les zones d’impacts et surtout rarement hors-jeu. Enfin, l’efficacité du schéma défensif sud-africain s’appuie sur des centres plaqueurs. C’est passé dans la norme de voir De Allende compter plus d’une quinzaine de plaquages en fin de rencontre. L’Afrique du Sud peut donc rivaliser avec n’importe quelle formation grâce à ses qualités en défense dite frontale. Et avec des ailiers particulièrement rapides et une nomenclature respectée, elle peut également manier la défense inversée.

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‘’6+2’' 

De l’époque où il était déjà grand manitou de provinces sud-africaines, Erasmus était connu pour sa capacité à aligner un nombre particulièrement important d’avants sur le banc. Il a transposé cela à la sélection, offrant fréquemment six parkas à des ‘’gros’’ pour qu’ils prennent le rôle d’impact player. Sur L’Équipe, il a notamment expliqué ce qui a amené le staff des Boks à ce raisonnement : ‘’on a pensé à mettre un trois-quart de plus sur le banc, mais la configuration 6-2 a bien fonctionné jusqu'à présent. Tout le monde s'attarde sur l'impact physique, les mauls, la mêlée, les points de contact, la ligne d'avantage et ce genre de choses […] On a le sentiment que quand on met ces six avants, ça renforce notre système défensif, mais ça nous aide aussi quand on a le ballon, en termes de taille et de fraîcheur physique’’. Le coaching peut intervenir à n’importe quel moment de la rencontre.

Malcom Marx notamment, lequel compte parmi les tous meilleurs talonneurs du Monde, est pour l’instant cantonné à un rôle de joker. Face au Japon, il est entré en jeu à la 37e minute, remplaçant Mbonambi, pour maintenir le rythme. Un choix fructueux, les Vert et Or prenant ensuite l’ascendant. Le banc est un équilibre de vitesse, robustesse et expérience. François Louw en est un symbole fort. À 34 ans, il compte près de 70 sélections et a longtemps occupé un rôle de titulaire. Désormais remplaçant et entré en jeu en seconde période en demi, il a gratté un ballon capital à la 73e minute, récompensant une longue séquence défensive de son équipe. Et permettant à ses coéquipiers d’aller siéger le camp adverse. 

Rassie Erasmus sur L’Équipe : ‘’Je pense que depuis quelques années, on est sous pression parce qu'on veut se racheter […] Certains ont parfois perdu foi en nous. Au début, il a fallu regagner le respect des gens, pour qu'ils puissent à nouveau croire en nous. Et aujourd'hui, nous voilà à un stade où on cherche à redevenir la meilleure équipe au monde’’.

Vous avez dit kicking game ? 

Certains spectateurs, passés d’un rythmé Nouvelle-Zélande - Angleterre au haché Galles - Afrique du Sud, ont dû, il est vrai, se mouiller la nuque pour ne pas flancher. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet sud-africain de bombarder de coups de pied l’arrière-garde galloise a fonctionné. Et cela malgré l’excellente performance d’Halfpenny dans les airs. De Klerk et Pollard en tête de file ont maintenu la pression sur le camp adverse. Le ‘’chien fou’’ De Klerk a multiplié les coups de pied de boîte, pour repousser la ligne défensive adverse. Chez les Boks, il est le dépositaire du jeu et impressionne par ses choix. Et dire qu’il ne compte pas encore trente sélections. 

Cheslin Kolbe, facteur X

Les observateurs du Top 14 étaient préparés après l’avoir vu terrasser les défenses de l’Hexagone pour ramener le Bouclier au Capitole. Et le fantasque relanceur n’a semble-t-il connu aucune décompression en passant successivement du Stade de France au Rugby Championship puis au Japon en trois mois. Formidable attaquant, il a régalé en poules face à l’Italie (deux essais, trois franchissements, MVP) et les Blacks (124 mètres parcourus, trois franchissements, onze défenseurs battus) notamment. Amoindri, il a peu pesé devant les Brave Blossoms et son absence en demi a forcément compte. Sa cheville devrait le laisser jouer la finale et il va reformer avec Le Roux et Mapimpi un triangle arrière supersonique. Pour livrer un duel au troisième rideau anglais, qui s’annonce mémorable. 

Une finale XXL

La dernière rencontre de la compétition promet un combat entre deux titans, une apogée mémorable. Digne de la course Arc-en-Ciel de Mario Kart ou de la bataille de Poudlard ? La troupe d’Eddie Jones parait logiquement favorite, car elle est terriblement constante et a surtout terrassé les Blacks au tour précédent dans un match maîtrisé de bout en bout. Le jeu des Boks est peut-être celui qui pourrait poser le plus de difficultés aux coéquipiers de Farrell. Le choc promet des ‘’matchs-dans-le-match’’ aux quatre coins du terrain et deux défenses en acier trempé vont se faire face. Quoi qu’il en soit, les deux sélections auront mérité de succéder aux Blacks. Eddie Jones et Rassie Erasmus ont une dernière lutte à glaner pour définitivement entrer dans la légende avec leurs joueurs. 

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  • gjc
    13453 points
  • il y a 4 ans

L'apport d'Erasmus est énorme si on se souvient qu'en 2017 ils étaient au fond du seau après avoir perdu contre l'Italie. Sa force est d'avoir négocié à son arrivée le relâchement des règles d'éligibilité lui permettant de sélectionner des joueurs comme Kolbe, de Klerk, Mostert, Louw, Le Roux, Reinach, Steyn... Il a aussi bien géré le sujet très sensible des quotas. Le choix de Kolisi comme capitaine a détourné l'attention sur le nombre pas si élevé de joueurs de couleur, et ceux qu'il a choisi ont très bien marché, donnant le sentiment d'une méritocratie (je présume qu'il ne savait pas que Dyantyi était dopé). Plus généralement il a fait les bons choix en sélection, notamment en instaurant de la stabilité à la charnière et au centre, avec le pari PS Du Toit en 3e ligne, et en prenant de bons joueurs de 7 comme Kolbe et Smith. La tactique contre Galles était vraiment caricaturale mais adaptée à un adversaire peu dangereux quand on le renvoie dans son camp, il reviendra sûrement à un rugby moins prévisible contre l'Angleterre.

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