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À quoi pourrait ressembler le XV des All Blacks exilés ?
Aaron Cruden, Victor Vito et Charles Piutau ne devraient pas jouer la prochaine Coupe du monde.
Les signatures en Europe de joueurs All Blacks toujours sélectionnables suscitent l'interrogation quant à ce phénomène d'exil de l'hémisphère sud, qui ne cessent de croître.

L’afflux des joueurs de l'hémisphère sud vers les trois championnats européens majeurs va t-il franchir un nouveau palier ? De gré ou de force ? Ce phénomène d'expatriation massive ne cesse de prendre de l'ampleur, sous l'impulsion des clubs de Top 14 qui se rendent coup pour coup dans cette course à l'armement déclenchée par le RCT de Mourad Boudjellal. Bien qu'en retrait au départ, les clubs anglais piochent désormais de façon accrue dans l'hémisphère sud pour étoffer leur effectifs, grâce à un Salary Cap rehaussé.

Les Sud-Africains sont en nombre considérables au sein des clubs européens. Le MHR de Mohed Altrad est d'ailleurs une référence en la matière avec ses treize joueurs sud-africains, bientôt rejoints par le ½ de mêlée Ruan Pienaar. Et si la règle d'éligibilité a changé - un joueur comptant moins de 30 sélections n'est sélectionnable que s'il joue au pays - cette évolution n'entrera en vigueur qu'à partir du 1er juillet. Face aux difficultés de sa sélection, et afin de pouvoir jouir de l’expérience et du talent de certains expatriés tels que Matt Giteau ou Drew Mitchell, la Fédération australienne a quant à elle assoupli ses règles (un Australien évoluant en Europe est sélectionnable s'il a joué 7 ans au pays et s'il possède au moins 60 sélections).

Un cas néo-zélandais à part

Reste la fédération néo-zélandaise qui plie, mais ne rompt pas face aux coûts de « chèquosses » du Stade Rochelais, du MHR et des autres armadas européennes. Ces dernières n'ont plus froid aux yeux et n'attendent plus que les All Blacks aient passé la barre des 30 ans pour les attirer dans leurs filets. Désormais, les joueurs eux-mêmes cèdent aux sirènes lucratives. Un statut de remplaçant au sein de la meilleure équipe au monde ne suffit plus à les retenir. Ainsi, Steven Luatua (25 ans – 14 sélections), Aaron Cruden (28 ans – 43 sélections) , Tawera Kerr-Barlow (26 ans – 24 sélections) et Charlie Faumuina (30 ans – 46 sélections) symbolisent ce nouveau palier de franchi par cette fameuse « course à l'armement » qui ne semblent plus avoir de limites. Malakai Fekitoa (24 ans – 20 sélections), titulaire (indiscutable) au centre de l'attaque des All-Blacks ou le prometteur ¾ centre des Chiefs Seta Tamanivalu (24 ans – 3 sélections) sont également des noms qui circulent, notamment sur la Rade et outre-Manche. La Fédération néo-zélandaise doit-elle bientôt s'inquiéter pour ses titulaires All Blacks ? Le vivier néo-zélandais est profond, très profond, mais jusqu'où ?

Le début de saison du Super Rugby valide la domination des franchises néo-zélandaises, avec dans chaque écurie, son lot de révélations. Mais le petit pays du long nuage blanc ne pourra pas fournir tous les clubs vu la cadence qu'est en train de prendre l'effusion de ses joueurs vers l'Europe. Tout en conservant une qualité au sein des franchises permettant à la sélection de conserver un tel niveau.

On peut penser qu'il y a une certaine forme de corrélation, d'ailleurs confirmée par le XV de France lui-même. Encore et toujours plus de temps de jeu en Super Rugby pour les jeunes néo-zélandais : à l'inverse, encore et toujours moins de temps de jeu pour les joueurs européens. Le rugby professionnel semble être à un moment décisif de son processus. Les faits extra-sportifs ombragent les dites valeurs du rugby, parmi lesquelles, « l'amour du maillot ». Qui plus est en l'occurrence, le maillot frappé de la fougère argentée, pour lequel cet « amour du maillot » doit être décuplé pour un jeune néo-zélandais professionnel.

VIDEO. ITM Cup. La sublime passe dans le dos de Tawera Kerr-Barlow pour l'essai de Joe WebberPas tant que cela semble t-il, tout du moins, plus tant que cela, alors que la sélection détient pourtant les deux derniers titres mondiaux. Outre les noms clinquants évoqués plus haut, d'autres potentiels AB's ont fait le chemin vers l'hémisphère nord, sans même se donner la chance d'être international. On peut penser à Simon Hickey (23 ans), l'ouvreur de l'UBB et international U20 en 2013 et 2014 ; Ben Tameifuna (25 ans), le pilier du Racing 92 élu meilleur pilier droit du championnat la saison passée, également international U20... et devenu international tongien. Voici d'ailleurs à quoi pourrait ressembler le XV des All Blacks exilés.

  1. Charlie FAUMUINA (Auckland Blues >> Stade Toulousain en 2017) 30 ans – 46 sélections. Actuellement international, le poste de pilier offre la possibilité de jouer en sélection jusqu'à un âge avancé. Ainsi, à 32 ans en 2019, le futur Toulousain aurait largement pu continuer jusqu'à la Coupe du Monde au Japon.

  2. Rhys MARSHALL (ex-Chiefs >> Munster depuis 2016) 24 ans – Vice champion du monde U20 en 2012

  3. Ben TAMEIFUNA (ex-Chiefs >> Racing 92 depuis 2016) 25 ans – Champion du monde U20 en 2011. Élu meilleur pilier droit du Top 14 la saison passée, difficile de penser que Ben Tameifuna n'aurait pas eu sa chance avec les AB's s'il était resté chez les Chiefs. Son choix lui appartient et afin de pouvoir évoluer en sélection nationale, il a même opté pour le Tonga.

  4. Joe LATTA (ex-Highlanders >> Gloucester depuis 2 ans) 24 ans - Vice champion du monde U20 en 2012.

  5. Steven LUATUA (Auckland Blues >> Bristol en 2017) 25 ans – 14 sélections. Pouvant jouer seconde, troisième ligne aile ou centre, Steve Hansen en a fait un remplaçant de luxe au sein de la sélection. La progression de Steven Luatua lui permettant même d'obtenir des galons de titulaire. Il a opté pour la deuxième division anglaise qui tend les bras à l'actuel dernier de l'Aviva Premiership.

  1. Jake HEENAN (Auckland Blues >> Connacht depuis 2013) 25 ans. Vice-champion du monde U20 en 2012. Il a décidé de quitter son pays d'origine alors qu'il était intégré par les Auckland Blues, seulement un an après la participation à la Coupe du Monde U20.

  2. Nepia FOX-MATAMUA (Auckland >> Connacht depuis 2015) 25 ans. Un autre jeune joueur néo-zélandais qui évolue au Connacht. On pourrait d'ailleurs y ajouter le pilier Dominic Robertson-McCoy (23 ans, au club depuis 2016), le ¾ centre Bundee Aki (26 ans, au club depuis 2014), le ¾ polyvalent Stacey Ili (25 ans, au club depuis 2016). L'entraîneur néo-zélandais Pat Lam, à la tête du Connacht depuis 2013, semble apprécier l'apport de ses jeunes compatriotes. Il s'en ira à l'issue de cette saison, direction Bristol où il y retrouvera un certain... Steven Luatua.

  3. Victor VITO (ex-Hurricanes => La Rochelle depuis 2016). 29 ans – 33 sélections. Si Kieran Read n'était pas Kieran Read, Victor Vito serait le titulaire des All Blacks depuis plusieurs saisons au poste de troisième ligne centre, cela fait peu de doutes. Mais avec des « si », on coupe du bois et Kieran Read est le meilleur n°8 au monde et capitaine de la meilleure équipe du monde. Victor Vito peut évoluer comme flanker, et à seulement 29 ans, il aurait été un All Black au Japon dans 2 ans, peu de doutes là-dessus une nouvelle fois.

  4. Tawera KERR-BARLOW (Chiefs >> La Rochelle en 2017) 26 ans – 24 sélections. Actuel troisième dans la hiérarchie des ½ de mêlée chez les AB's, le futur Rochelais s'est semble-t-il fait une raison, estimant la hiérarchie actuelle indéboulonnable et abandonnant l'idée de participer à la prochaine Coupe du monde.

  5. Aaron CRUDEN (Chiefs >> Montpellier en 2017) 28 ans – 43 sélections. Doublure de Beauden Barrett, le champion du monde 2011 n'a plus d'ambition avec sa sélection nationale.

  6. Lolagi VISINIA (Auckland Blues >> FC Grenoble en 2017) 24 ans – international U20. Présenté par le désormais ex manager du FCG Bernard Jackman, comme « l'un des plus brillants utility back néo-zélandais », il a préféré l'expérience européenne à la proposition qu'il avait reçu de la part des Crusaders et la potentialité d'éclore au plus haut niveau.

  7. Francis SAILI (Auckland Blues >> Munster depuis 2015). 26 ans – Champion du monde U20 en 2011. Il a vu le jour en Super Rugby à une période où Ma'a Nonu et Conrad Smith formaient encore la paire de centre intouchable des AB's. Plutôt que d'attendre, Francis Sailli a privilégié l'exil. Pourtant, au lendemain de la Coupe du Monde 2015, les postes de premier et second centres, laissés vacants, sont sujets à concurrence.

  8. Charles PIUTAU (Auckland Blues >> London Wasps en 2016 >> Ulster) 25 ans – 17 sélections. S'il y en a un qui aurait pu devenir un international régulier, c'est bien lui.

  9. James LOWE (Chiefs >> Leinster en 2017) 24 ans – Maori All Blacks. Après trois saisons remarquables avec sa province, James Lowe se sera probablement impatienté, en vain. Jamais appelé par Steve Hansen, James Lowe, bien qu'il soit un joueur de grand talent, pâtit vraisemblablement d'une abondance de bien à ce poste d'ailier en sélection nationale. Tout de même, à seulement 24 ans, on imagine difficilement James Lowe ne jamais être appelé en sélection. D'autant plus lorsque l'on constate les blessures régulières de joueurs tels que Waisake Naholo ou Nehe Milner-Skudder.

  10. Nous aurions pu mettre Jason Woodward (26 ans, à Bristol depuis cette saison), Colin Slade (29 ans – 21 sélections – double champion du monde – Pau), éventuellement l'autre Palois Tom Taylor. Mais de façon légitime, aucun des trois n'est encore crédible pour prétendre à une place dans le squad NZ. Surtout pas en lieu et place de ce qui se fait de mieux, Ben Smith, et de ce qui se fera probablement de mieux au monde d'ici peu de temps, Damian McKenzie, la révélation du Super Rugby la saison passée.

VIDEO. Ulster : Charles Piutau régale face à Northampton avec une chistera du futurMalgré ce constat, les franchises néo-zélandaises se portent toujours pour le mieux, du moins pour le moment. De nouveaux talents émergent, tels que Vince Aso, ailier des Canes de 22 ans et actuel meilleur marqueur du SuperRugby (6 essais), son coéquipier au centre Ngani Laumape (23 ans) ou bien encore un certain Jordie Barrett, toujours chez les Hurricanes. Du côté des Blues d'Auckland, on pourrait citer les frères Ioane évidemment, mais également le flanker Blake Gibson, 3ème meilleur plaqueur du Super Rugby actuel. La liste est longue et le vivier NZ encore et toujours bien riche.

VIDEO. Super Rugby - Rieko Ioane donne le ton de la saison avec un superbe tripléA moyen terme, on voit donc mal la fédération néo-zélandaise céder à l'attractivité des clubs européens. Dans le même temps, les fédérations tentent de ralentir ce phénomène, pour le bien de leur sélection nationale : le programme de Bernard Laporte en atteste. Enfin, Mourad Boudjellal fut le précurseur de l'arrivée massive de joueurs de l'hémisphère sud, avant que quasiment toutes les écuries du Top 14 ne tentent d'en faire de même. Son nouveau projet de faire du RC Toulonnais un champion de France avec un maximum de joueurs français génère une brèche dans laquelle s'engouffreront peut-être les autres pensionnaires du Top 14. Pour le grand bonheur du XV de France. Mais ça ne semble pas faire partie de leur plan pour le moment.

Merci à Paul Guerreschi pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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Je trouve le SuperRugby plus violent que le Top14 (plus lent). Est-ce que quelqu'un connait des statistiques sur les fréquences et la gravité des blessures dans les hémisphères nord et sud, et sur la durée moyenne d'une carrière professionnelle et l'espérance de vie des joueurs dans les deux hémisphères... Quand je vois l'afflux de joueurs, j'ai du mal à imaginer que ce ne soit que l'argent!

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