Rugb'images - Pourquoi le modèle néo-zélandais surpasse-t-il celui de la France ?
Même les plus grands entraîneurs ont le droit au mauvais goût
Le Festival Rugb'images se tient chaque année aux alentours du mois de mars. Pour la 5e édition, débats, expositions et concours ont animé ces 10 jours de festival.

La 5e édition du Festival Rugb'images a eu lieu comme chaque année du 19 au 28 mars dans le Tarn, terre de rugby depuis des dizaines d'années. Comme un hobo, la caravane des organisateurs s'est déplacée de ville en ville, partant d'Albi en passant par Carmaux, Gaillac, Graulhet, Lavaur ou Mazamet, pour clôturer son voyage à Castres, famille d'accueil de Christophe Urios. L'entraîneur champion de France en titre était présent pour la dernière journée du Festival à Castres, le 28 mars, dans sa ville aux airs de grand village. Et c'est assis sur une chaise, entouré de Ian Borthwick, Alex Tulou et Sitiveni Sivivatu, qu'on retrouve Monsieur Urios prêt à lancer le débat sur "Les All Black, la magie noire".

Les intervenants

Ian Borthwick : pour ceux qui ne le connaissent pas, Ian est un journaliste néo-zélandais qui parle sûrement mieux français que ton talonneur remplaçant. Je l'ai connu via ses interventions dans les journaux comme Libération, L'Équipe ou le Midi-Olympique, mais aussi parce qu'il a connu Graham Henry au lycée de Christchurch avant de devenir journaliste dans l'Hexagone. Mais c'est par la suite que je découvre qu'il a été au service communication du Racing 92 pour faciliter l'intégration de joueurs étrangers comme Dan Carter. Ça se comprend, quand Dan était à l'USAP, c'était David Marty qui s'occupait de son intégration. 

Sitiveni Sivivatu : "Siti le magicien" ! Vous avez tous vu ses Tributes sur Youtube, et si la vidéo commence par "ce soir je serai la plus belle pour aller danser", c'est que votre correcteur vous a joué des mauvais tours. Mais pas autant que Siti, cet ailier All Black aux 45 sélections, dont la dernière en 2011 avant de rejoindre Clermont-Ferrand en 2013, puis enfin le Castres Olympique où il est aujourd'hui entraîneur des "Skills". Prends ça Yannick Forestier

Alex Tulou : le numéro 8 castrais, originaire des Samoa Américaines est passé par l'école néo-zélandaise en jouant avec les Hurricanes notamment, avant de s'engager avec Bourgoin-Jallieu et rejoindre le Castres Olympique suite à l'arrivée de Jack White au MHR. 

Christophe Urios : je voulais vous le présenter, mais ce qui va suivre lui dresse un parfait portrait.

Le débat 

Les 4 intervenants s'installent sur scène devant un public à l'image du rugby d'aujourd'hui : des enfants, des plus âgés, des femmes, des quinzistes (et des treizistes), des entraîneurs. Et nous, Le Rugbynistère. La première chose qui me frappe, ce sont les mollets d'Alex Tulou dans son costard. La deuxième chose, ce sont les mocassins sans chaussettes de Christophe Urios. Et la troisième risque d'être ce même Christophe Urios s'il vient à me lire. Les premières questions arrivent, et de suite les premières réponses :

"Pourquoi le rugby Néo-zélandais a toujours un temps d'avance sur les autres ?"

Ian Borthwick se lance en expliquant que c'est la culture Maori qui fait qu'en Nouvelle-Zélande, les joueurs sont des guerriers. "La culture Maori est parfaitement adaptée au rugby grâce aux techniques d'entraînements et de combats rapprochés d'homme à homme. Les Maori n'ont pas d'armes, ou très peu, le combat physique est dans leurs gênes." Je repense à mes premières bagarres en maternelle et ma carrière rugbystique, et Ian a raison. Christophe Urios prend l'exemple d'une école qu'il a visité lors de la tournée avec les Barbarians, "les collégiens jouaient entre eux au milieu, sans aucune intervention des instituteurs pendant plus de 45 minutes ! Déjà, là-bas, le rugby est à l'école. Le rugby chez eux, c'est la vie. Chez nous, non." Il est suivi dans son idée par Alex Tulou, qui confronte le panel sportif en Nouvelle-Zélande à la multitude de sports proposés en France : "là-bas, il n'y a que le rugby. Ici, vous avez le foot, le hand, etc. On a 5 millions d'habitants et 200 000 licenciés pour seulement 32 All Blacks." Mais il oublie le mölky, première déception de la soirée.

On fait fausse route avec un entraîneur étranger en équipe de France, il faut travailler avec nos moyens à nous. - Urios, sur une question d'un possible entraîneur étranger à la tête du XV de France

"Quelle est la place du rugby à l'école en Nouvelle-Zélande ?"

Bien évidemment, ce sont les spécialistes qui prennent la parole. Borthwick explique qu'à midi à l'école, les enfants ont une heure pour manger, mais ils profitent quand même de ce temps pour jouer au rugby, sous toutes ses formes possibles. Dans certaines écoles, 40 ballons sont mis à disposition des enfants pour jouer. Dans mon école, on était 35, dont 6 terreurs qui prenaient plusieurs ballons. Même avec 40 ballons à disposition, je n'aurais jamais pu être un All Black. Ian a encore raison.

"Catch, pass, run, avoid." Ian Borthwick résume la base du rugby NZ par ces mots (attrape, passe, court, évite).

"Quid de cette relation entre nouveaux et anciens joueurs en Nouvelle-Zélande ?"

Le journaliste Ian Borthwick prend la parole en expliquant qu'un club des anciens capitaines All Black existait, et pas en France : "les anciens sont importants dans l'attitude et la transmisions des valeurs, les Blacks ne quittent jamais un vestiaire sans nettoyer, que ce soit le sélectionneur, les joueurs ou le staff. À la finale de la Coupe du Monde, ils ont nettoyé les vestiaires de Twickenham." Voici une phrase pour tous les dirigeants de clubs amateurs à destination des joueurs : "même les Blacks, ils nettoient leur vestiaire !"

Les Néo-zélandais n'arrêtent jamais de travailler les bases : jeu au pied, passes, courses, ruck. Comme un pianiste, le joueur travaille tous les jours les gammes et à n'importe quel âge. - Ian Borthwick.

Concernant l'attitude des NZ, Christophe Urios prend l'exemple de Frank Bunce (international samoan, puis international All Black, puis international castrais) qui un jour lui a expliqué que "le All Black travaille la semaine et s'amuse le week-end, le joueur français s'amuse la semaine et travaille le week-end." On se reconnaît tous dans cette définition.

"Est-ce qu'un Français peut devenir All Black ?"

Cette question posée au premier rang, par un jeune rugbyman de 10 ans pas plus, fait sourire l'assemblée. L'exemple de Christian Califano chez les Blues est pris, mais les moments d'hésitation de l'assemblée et les rires donnent une triste réponse à cet enfant. Malgré tout, on sait tous que ce futur amoureux du ballon ovale parlait de Geoffrey Doumayrou. Mais il a 10 ans, et c'est beaucoup trop tôt pour détruire un rêve.

Urios et sa vision de coach

Tout au long du débat, Christophe Urios s'est positionné en simple entraîneur d'un club français. C'est donc dans cette position qu'il a parlé de ce qu'il connaissait, et surtout de sa relation avec les joueurs. Par exemple, le cas d'Antoine Dupont "que vous connaissez tous j'imagine", comme il le déclare, a été pris concernant la position de leadership dans une équipe. Sujet qui n'a jamais été abordé avec le jeune numéro 9 par ses anciens entraîneurs selon Urios, "et c'est un problème de compétences des encadrants, pas d'Antoine."

Tu as toutes les qualités, il te manque un truc : la relation avec les avants. Si tu joues pilier, que tu la fermes, c'est mieux. Si tu joues ailier, c'est pas grave. - Christophe Urios au sujet d'Antoine Dupont.

Une question sur le XV de France est posée dans la salle à celui qui a raté la place de sélectionneur pour un verre tard le soir. Et je repense à toutes les fois où j'aurais pu être sélectionneur. Bref. L'entraîneur explique, soutenu par Ian Borthwick, que les relations entre clubs et XV de France ne sont pas assez fortes, même si un jour Jacques Brunel lui a demandé de mettre au repos Matthieu Babillot qu'il utilisait 80' à chaque match : "j'ai trouvé un consensus, et il n'a pas joué le match juste avant la tournée." Mais c'est Alex Tulou qui répondra à son entraîneur de la plus belle des manières : "Le problème qu'on a, enfin, que vous avez ! (rires) C'est que certains joueurs sont là pour la "monnaie". Il faut respecter le maillot et changer cette culture. Il faut savoir d'où tu viens pour savoir où tu vas. Christophe, il dit ça tout le temps ! (rires)"

Clôture et convivialité

Le débat se termine, et tous les invités se dirigent vers le verre de l'amitié accompagné de foie gras et d'huîtres fraîchement servie par Joël Dupuch, l'ostréiculteur du film Les Petits Mouchoirs, le seul qui se souciait de Jean Dujardin durant tout le film (après ma compagne de l'époque, même si elle s'en souci encore aujourd'hui d'ailleurs). Et c'est en revoyant Alain Gaillard que mes lèvres refont tout son discours sans le moindre son. Nous passons le repas accompagné des bénévoles et organisateurs du Festival Rugb'images. Quelques verres et les présentations terminées, nous découvrons qu'un négociant en bétail et son fils sont parmi nous, ainsi qu'un retraité de la fonction publique et un employé de la chambre des commerces de Castres, tous accompagnés de leurs femmes. Le rugby touche tout le monde, et c'est bien là l'objectif de ces évènements. Ce fut une journée de débats animés, enrichissants et constructifs sur le rugby d'aujourd'hui et d'avant. Alex Tulou l'a très bien résumé. Il faut savoir d'où tu viens, pour savoir où tu vas. Ou c'est peut être Christophe Urios, je ne sais plus.

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  • cahues
    198010 points
  • il y a 5 ans

La vraie question : "pourquoi le rugby Français à toujours un temps de retard sur les autres "

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