Jean-Claude Skrela : « Si rien ne se passe, je suis pas sûr qu'on gagnera à nouveau un Tournoi des 6 nations »
Jean-Claude Skrela fait le bilan avant la retraite.
Au service du rugby français depuis des décennies, Jean-Claude Skrela porte un regard critique sur les Bleus, le comportement des joueurs et des instances.
Au service du rugby français depuis des décennies, Jean-Claude Skrela, ancien sélectionneur du XV de France devenu Directeur technique national et manager de l'équipe de France à VII, prendra sa retraite dans quelques mois. À 65 ans, l'ancien flanker tricolore porte un regard critique sur les Bleus, le comportement des joueurs et des instances nationales dans les colonnes de Midi Olympique.

« J'aimerais qu'on arrête de taper sur la formation »

Pour Jean-Claude Skrela, la formation n'est pas responsable du faible niveau de Bleus. « Vous vous formez au niveau auquel vous jouez. Regardez nos jeunes deuxième ligne, Ithurria et Singer… Ils font 2 mètres et 110 kilos. Ils devraient jouer en Top 14. » Selon lui, on ne donne pas leur chance aux jeunes espoirs français, et ce aussi bien équipe de France qu'en club. Illustrant ses propos par le recrutement d'Harinordoquy à Toulouse aux dépens de Camara ou Cros. « Ce qui me gêne dans le fonctionnement du rugby actuel, c'est que l'on ne fait pas jouer nos jeunes au plus haut niveau des compétitions internationales pour qu'ils puissent acquérir toutes les compétences de ce jeu, afin que l'équipe nationale soit performante. » Les intérêts de cette dernière divergent clairement de ceux des clubs, lesquelles préfèrent souvent faire appel un joueur étranger, le grand mal du rugby français selon Skrela. Un étranger, c'est « un produit opérationnel tout de suite » que l'on n'a pas besoin de former et dont on peut se séparer s'il ne fait pas le boulot. « Je suis très content qu'un club français soit champion d'Europe, mais toute l'expérience, tous les résultats de ce club (NDLR : Toulon) ne rapportent pas grand-chose à l'équipe nationale ».

Des joueurs qui n'osent plus

Jean-Claude Skrela se place en défenseur de Philippe Saint-André et du staff tricolore. « Les entraîneurs ont essayé de changer beaucoup de joueurs. Ils n'ont pas été conservateurs. Ils ne sont pas désabusés. Ils sont meurtris. » Il voudrait cependant qu’ils osent un peu plus : « Je crois être le dernier sélectionneur à avoir pris un joueur des moins de 19 ans ou 20 ans pour le faire jouer en équipe nationale : Thomas Castaignède, il avait 18 ans. » Il manquerait au XV de France « ces quatre ou cinq joueurs exceptionnels qui font des matchs ». Les internationaux n'osent plus jouer, prendre leurs responsabilités et sortir du carcan des systèmes mis en place en club ou sous le maillot flanqué du coq par « manque d'inspiration ». « C'était la force du rugby français, cette capacité d'aller jouer très vite là où l'adversaire n'est pas. » Aujourd'hui, l'organisation a pris le pas sur la vitesse d'exécution, la continuité et la prise d'initiative. « Ils sont coquins. Ils disent qu'ils ont respecté les consignes. Le problème du rugby français, et il m'en incombe une partie, est que le rugby est entraîné partout. Il n'est pas enseigné. Or, il n'est possible de s'adapter que quand le joueur possède toutes les compétences de ce jeu. »

Les solutions : le modèle anglais ou un club fédéral

Pour permettre aux jeunes d'accumuler du temps de jeu et de l'expérience l'ancien sélectionneur du XV de France d'évoquer la création d'un club fédéral. « S'ils ne peuvent plus jouer dans leur club, il faudra créer un club pour les faire jouer. » Mais dans quel championnat ? Autre solution sans doute moins exotique, faire comme en Angleterre où le quota de joueurs étrangers est très limité. « Ils sont passés par quatre ou cinq années très difficiles, mais ils avaient une Coupe du monde à disputer chez eux... Voilà. Après, il ne faut pas pleurer. Parce que notre équipe nationale ne peut pas faire autre chose qu'avec les joueurs qu'elle a. » Le quota de JIFF n'est pour lui pas une solution. « Vouloir résoudre les problèmes par des règles, ça me gêne. On utilise des artifices. Ce dispositif pourrait être dénoncé par la Commission européenne. » Il aimerait également travail de concert avec les clubs en récupérant les jeunes qui cirent le banc pour qu’ils jouent à VII et deviennent meilleurs.

La signature de Virimi Vakatawa, le pétard mouillé

La politique des clubs n'énerve pas que le DTN. Dans le monde, des pays comme les Fidji voient d'un très mauvais œil leurs meilleurs éléments partir pour la France. Notamment des joueurs de VII alors que se profilent les JO de Rio. Ce qui ne l'a pas empêché de faire signer un contrat fédéral au Fidjien Virimi Vakatawa, lequel devrait d'ailleurs rapidement prendre la nationalité française et pourquoi pas intégrer les Bleus en 2015. « Je pensais choquer les gens, mettre un grand coup de pied dans la fourmilière avec Vakatawa. Mais rien ne s'est passé derrière, même médiatiquement... » Avant de faire comme « toutes les autres nations », Jean-Claude Skrela aurait appelé de nombreux joueurs français, dont Alexis Palisson selon Midi Olympique, en proposant des contrats « à hauteur de ce qu'ils avaient en club ». Sans succès.

Le France n'a pas la culture du VII

Le manager de France Seven regrette le manque d'enthousiasme des joueurs visà-vis du VII et notamment des jeunes qui préfèrent tenter leur chance à XV plutôt que tenter une nouvelle aventure : « Je pense que les joueurs d'aujourd'hui deviennent casaniers. Ils ont leur Playstation, leur copine, leur petit salaire... Je ne suis pas sûr que le jeu rugby soit leur principale motivation. Ils ont leur petit job et ils s'en satisfont. On les installe dans un certain confort. » D'autant plus que les salaires des joueurs de l'équipe de France à VII seraient bien supérieurs à ceux de la Pro D2. « C'est une question de culture ». Séduit par cette discipline où la vitesse d’exécution et la technique priment, il regrette de ne pas avoir intégré le rugby à VII plus tôt dans la structure de haut niveau de la DTN, alors qu’il connaissait les projets olympiques de l’IRB.

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  • Kolée Lèche Velue
  • il y a 9 ans

@MaxNZ j'aime bien ton lapsus sur le chancre du TOP 14, c'est vrais qu'on ne se protège jamais assez.
@Alexf tu peux prendre l'exemple de Buttin qui a totalement cassé son jeu quand il a été sélectionné, ce n'est pas le seul
Est-ce que je me trompe où on oublie toujours la coupe anglo-galloise quand on prend l'exemple Anglais pour lancer les jeunes ?

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