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Pourquoi les indemnités de formation sont-elles en train  de tuer le rugby amateur ?
Pourquoi les indemnités de formation sont-elles en train de tuer le rugby amateur ?
Pourquoi un élément qui apparaît très légitime, les indemnités de formation, peut au fil des années agir contre l’intérêt de sa création ?

Nous passons une période où énormément d’informations circulent avec énormément d’avis. Le rugby français est dans un système complexe, il est difficile d'accuser certains secteurs et pas d’autres car tout secteur influence les autres et vice et versa. L’idée est alors de démontrer les mécanismes qui peuvent se produire entre eux.

L'argent dans le rugby

Le premier élément majeur à évoquer, c’est la finalité de l’argent dans notre rugby. Il est clair que la masse d’argent utilisée est quasi-exclusivement dirigée vers les équipes seniors que les clubs soient professionnels ou amateurs. C’est un fait que personne ne peut contester aujourd’hui : demander à un président du rugby amateur de rémunérer un éducateur dans une école de rugby va plus le faire rigoler qu’autre chose d’autant plus que son club est dans le rouge pour boucler le budget senior ! Ce phénomène n’échappe pas aux clubs professionnels, bien au contraire, l’inflation vertigineuse des salaires des joueurs et des entraîneurs depuis quinze ans est monumentale.

La stratégie est alors claire : tout est à l’économie et là aussi, c’est la partie formation qui est sacrifiée même si en termes de budget, elle est conséquente en dépassant de nos jours au minimum le million d’euros pour les faire fonctionner. Par conséquent, NON ce n’est pas parce qu’un club professionnel paie 50000€/mois des joueurs seniors qu’il « dégueule » d’argent au point de se payer des éducateurs professionnels pour, par exemple, entraîner dans leur école de rugby.

Les indemnités de formation

A cela, viennent se greffer les indemnités de formation pour valoriser le travail de formation des clubs amateurs. Loin de moi l’idée de dire que ce n’est pas une bonne chose, sur le fond le principe est très logique mais en application, les effets boomerangs vont être terribles. Sans entrer dans les détails, le principe du montant des indemnités de formation est fonction du niveau du joueur qui est notamment évalué par les sélections (départementale, régionale et nationale). Autrement dit, plus un joueur est sélectionné dans les « catégories âgées » (U16, U18 et U20), plus il coûte cher. Par conséquent, un principe très simple peut rapidement émerger : plus on recrute les joueurs tôt moins ils sont chers ! Cela s’appelle la DETECTION PRECOCE. C’est pour cela que depuis quelques années, nous assistons à des recrutements dès les U14 alors que généralement, cela se faisait dans la bascule collège à lycée c’est-à-dire en cadet 2ème année. Globalement, il y a un phénomène de recrutement deux ans plus tôt pour le moment…

Jusque là pas de quoi s’affoler mais… un élément capital et purement sportif vient contredire ce principe de détection précoce, le rugby est un sport à maturité tardive, ce qui veut dire que les talents qui seront nos futurs joueurs professionnels sont réellement détectables plutôt vers l’âge de 18 ans que de 13 ans… Même si ce thème n’est pas l’objet de ce document il me paraissait important de souligner l’incohérence sportive de ce principe de détection.

Pillage et conséquence désatreuse

Reprenons le fil de la thématique. Pour être bien sûr de n’oublier personne pour payer un minimum d’indemnités de formation, au-delà de la détection précoce, vient s’ajouter un recrutement massif. En effet, hors de question de louper des joueurs sous peine de les payer cher, et c’est là, la conséquence désastreuse. On assiste à un véritable pillage injustifié des très jeunes joueurs qui peut aller jusqu’à 4 ou 5 d’une même génération sur une même équipe. En résumé, tous les « morphotypes » (grand et lourd) et ceux qui ont des qualités physiques (vitesse et puissance) sont ratissés par les clubs professionnels.

Imaginez votre équipe de minimes. Vous avez 5 à 6 joueurs U13 (12 ans) qui présentent de belles qualités, on vous en prend 5, la saison suivante vous vous retrouvez avec une ossature d’équipe complètement asséchée. Quels sont les conséquences directes :

  • Une perte d’effectif due au recrutement précoce
  • Une autre perte de joueurs (moins importante mais bien réelle) de joueurs qui voient tous leurs leaders partir préférant changer de sport pour éviter une saison difficile lors des tournois
  • Une difficulté accentuée dans la formation du joueur, si vous baissez l’adversité dans vos équipes, les joueurs progresseront moins. Les joueurs forts tirent les autres : si vous n’en avez plus c’est bien plus compliqué…
  • Une baisse du niveau des compétitions jeunes des clubs amateurs qui contribuent aussi à la difficulté de la formation du joueur.

Qui dit recrutement massif dit forcément une masse plus importante de joueurs à qui on fait rêver une vitrine du Haut Niveau alléchante en sachant pertinemment que 95% d’entre eux n’y accèderont pas. Autre effet boomerang négatif, un bon nombre d’entre eux préfèrent arrêter que de revenir dans leur club formateur ou dans un autre club amateur.

On peut donc résumer la thématique des indemnités de formation comme suit :

On obtient bien un assèchement de nos forces vives dans nos territoires rugbystiques. Bien évidemment, cet article n’expose que la problématique des indemnités de formation, on ne peut pas focaliser ce phénomène d’assèchement sur l’unique responsabilité des clubs professionnels qui ne font, quelque part, que s’adapter à un règlement et à leur problématique financière... Par contre, il est indiscutable qu’ils y jouent un rôle et que les argumentations souvent utilisées pour convaincre leur recrutement précoce comme le manque de formation des joueurs dans les Ecoles de Rugby des clubs amateurs ou encore des exigences du Haut Niveau qui deviennent très fortes ne sont en fait qu’une simple façade. D’ailleurs, ces deux thématiques argumentaires seront très intéressantes à développer dans un autre document.

Inverser le processus ?

Pour ne pas limiter cette analyse à une simple explication de cette problématique des indemnités de formation, il est possible d’apporter une réflexion pour tenter d’inverser ce processus qui emmène à la réduction de nos joueurs dans nos territoires. Comme précisé plus haut, le système français est fondé sur un apport massif de l’argent envers les seniors, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Les Présidents de clubs orientent donc l’argent vers leur équipe phare. A ce jour, il est impossible d’obliger des Présidents - que le club soit professionnel ou amateur - à investir financièrement dans la formation du joueur.

Il existe un règlement fédéral mais orienté sur un quota de joueurs par équipe jeune et sur un niveau de compétition suivant le niveau de l’équipe sénior. Je me permettrais d’ajouter : heureusement qu’il existe ces règlements, sinon, on aurait des clubs avec uniquement des joueurs seniors ! Par conséquent, la seule certitude qu’on ait aujourd’hui sur l’utilisation des indemnités de formation envers la formation dans les clubs amateurs est une promesse de Président.

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Vu ce constat, il n’est peut être pas très opportun de continuer dans cette voie d’indemnités financières. De quoi parle-t- on ? Qui est en fait au centre de la problématique ? Le joueur. Les clubs professionnels « sur-recrutent » des joueurs sans réelles raisons purement sportives et les clubs amateurs n’arrivent plus à tenir des effectifs et à performer dans leur compétition à tel point que les sélections départementales (U14) ou régionales (U16) se confondent avec les équipes des clubs professionnels. Bref, les équipes jeunes des clubs professionnels sont des sélections. Il faut trouver un système équilibré qui permette de développer le niveau de nos jeunes sans les perdre quelque soit le club !

Dans ce cas, pourquoi ne pas instaurer une relation clubs professionnels/clubs amateurs sous un état d'esprit de sélection. Aujourd’hui, un jeune qui part dans un club professionnel, quitte complètement son club et pense qu’il va être professionnel, ce qui provoquera son arrêt quelques années plus tard pour ne pas montrer son échec en retournant dans un club amateur… S’il est recruté comme une sélection, l’état d’esprit est différent puisque le joueur sait que la sélection se mérite et qu’il faut rester performant pour y rester et avec une double licence systématique (celle du club professionnel et celle du club amateur), avec comme finalité : tout joueur qui ne joue pas en sélection (club professionnel) ira jouer en club (club amateur). Terminer les tutorats ou autres règlements trop compliqués, les jeunes vont en sélection.

Cette double licence peut être aussi envisagée dans les deux sens :

- Le joueur qui s’entraîne dans le club professionnel pourra aller jouer dans son club amateur qui est le cas le plus courant en ayant sa scolarité près du club professionnel
- le joueur qui s’entraîne dans le club amateur pourra aller jouer dans le club professionnel pour conserver sa vie sociale et scolaire. Cas le moins courant mais qui peut être effectif dans les catégories très jeunes comme les U14 ou les U15 qui sont encore au collège.

Cette méthode a pour but :

- d’améliorer les relations entre les clubs professionnels et les clubs amateurs
- de conserver les effectifs des clubs amateurs
- d’élever le niveau des compétitions jeunes des clubs amateurs
- de faciliter la formation des joueurs dans les clubs amateurs (garder des bons joueurs)
- de laisser le temps aux jeunes de développer leur compétence sachant que le rugby est un sport à maturité tardive
- de donner un choix à un jeune de pouvoir rester dans sa vie sociale et scolaire tout en lui apportant une solution pour jouer dans une compétition de Haut Niveau.

Aujourd’hui il a urgence de raisonner pour nos jeunes non en terme d’argent mais en terme de joueur !

Merci à Rugby Pro Training pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • spir
    17561 points
  • il y a 6 ans

Je veux juste témoigner du sentiment des gens, et c'est pê très partiel voire partial (voir le club que je soutiens).

J'ai longtemps habité à Toulouse puis à Revel (près de Castres). Là-bas, j'ai entendu souvent des gens, y compris des supporters du Stade Toulousain, parler du pillage des clubs du sud-ouest par "le stade" en catégories jeunes. A la fois de clubs amateurs et d'autres clubs pros du grand SO (je vous laisse faire la liste). Lorsque j'ai habité à Revel, c'était encore plus courant et plus amer ou aigri. Chacun semblait avoir un connu un jeune de Lavaur, Gaillac, Castres ou Albi, qui avait été "kidnappé" par le ST. J'exagère un peu. Le ressentiment à ce sujet était néanmoins palpable. Et le pire c'est que, comme le dit un autre commentaire ci-dessous, le ST semble n'en tirer presque aucun profit : c'est qui les dernières pépites sorties de leur centre de formation ? Bon c'est vrai qu'il y en a qq uns, notamment piliers... Mais Dupont, Ramos, Zack Holmes, 3 joueurs avec une belle intelligence de jeu et à des postes clés, sont tous trois *achetés* cette année, et c'est eux qui font que le ST joue souvent moins laidement cette année (on peut pas parler de beau jeu, si?) j'ai rencontré dans un bar rugby un supporter du stade qui m'as dit qu'aujourdhui certains se marrent à Toulouse avec "jeu de mains, jeu pu toulousain, non non").

J'habite aujourd'hui à Riom (15 km nord de Clermont-F). Lorsque j'ai abordé ce sujet, les amateurs de rugby m'ont vite fait comprendre que l'ASM fait pareil en Auvergne que le ST dans le grand SO, plus ou moins, y compris avec les clubs pros voisins (Aurillac et Brive). Mais les gens semblent pas amers (même à Aurillac, où je vais parfois), ce qui m'a surpris et qui est un vrai contraste avec le ST. Pê, dejà, pasque ici tout le monde est supporter de l'ASM, enfin presque, même en supportant aussi une équipe locale ; alors que dans le SO il y a plein de supporters d'autres équipes qui ne soutiennent pas "le stade", ou même qui en sont des sortes d'"anti-supporters" ! C'est aussi lié au fric, je crois. (cf la surdomination financière du ST pdt 20 ans à l'échelle non seulement du SO ou de l'Ovalie française, mais aussi de l'Europe, grâce à des méga-sponsors entre autres)

Un autre point d'explication est la superbe image de l'ASM, qui repose pas seulement sur la comm, mais aussi pê sur de la réalité. Lorsque le RCR (club de rugby de Riom, fédérale 3 cette année) voit un des ses jeunes supervisé par l'ASM, ça se fait ouvertement et à l'amiable. Dit-on, en tout cas. Le recruteur de l'ASM va pas aller voir la famille et le jeune lui-même dans le dos du club, pour lui faire un enfant dans le dos sans même dialoguer avec les dirigeants. Question de mentalité, finalement ? Question de mentalité ? Ici les gens sont plus sociaux, au sens réel du terme. Un peu comme chez les chtis ou les stéphanois ou les bretons (partout là où il y a aussi une belle mentalité de supporters, comme par hasard).

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