‘’Le rugby chez nous, il n’y a que les fous qui y jouent'’ : zoom sur Felipe Berchesi, ouvreur de l’Uruguay et de Dax
Felipe Berchesi, maître à jouer des ''Teros''.
Chef d’orchestre de l’Uruguay, débarqué en France en 2014, Felipe Berchesi prône abnégation et travail. Portrait d’un joueur ‘’courageux’’, ‘’très bon attaquant’’ et ‘’garçon intelligent’’.

Quinze points au pied, trente mètres parcourus avec le ballon, huit plaquages et une distinction de ‘’man of the match’’. Felipe Berchesi, le demi d’ouverture de l’Uruguay, a joué un rôle clé dans la superbe victoire de sa sélection face aux Fidji (27-30) et mené ‘’los Teros’’ jusqu’à un succès aussi retentissant qu’inattendu. ‘’Je me suis effondré en larmes dès la fin du match. C’était une accumulation de sentiments. On voulait faire un résultat, prouver au monde de quoi l’Uruguay était capable’’ confie-t-il. Avant d’ajouter, ‘’j’ai surtout pensé à tous les sacrifices car ce n’est pas seulement quatre ans de travail mais quinze années depuis mes débuts. Toute une vie d’entraînement pour réussir un match dans le plus bel endroit possible, à la Coupe du Monde. Je n’arrive d’ailleurs toujours pas à savoir comment on a fait’’. 

La ‘’Garra Charrua’’ 

Face à une formation composée de redoutables individualités, les Uruguayens ont offert une formidable leçon d’abnégation et de courage pour s’imposer. Et prouver à tous les observateurs du ballon ovale leur(s) valeur(s). ‘’On est une famille. Le rugby chez nous, il n’y a que les fous qui y jouent. L’Uruguay, c’est le foot, on a même pas 4000 licenciés. Nous, on appelle ça la ‘’Garra Charrua’’ soit la capacité de ne rien lâcher, la fierté, le combat que l’on peut mettre. C’est le rugby à la sud-américaine finalement, il faudra nous passer dessus dix fois pour marquer’’. Les scènes d’émotions qui ont accompagné la victoire face aux Fidjiens symbolisent parfaitement ces ‘’sacrifices’’ dont parle Berchesi.

Le superbe discours du capitaine de l'Uruguay nous a fait chavirer [VIDÉO]Le superbe discours du capitaine de l'Uruguay nous a fait chavirer [VIDÉO]Si certains ‘’Teros’’ évoluent aux USA, principalement à Houston et Austin et trois en France (Berchesi à Dax, Leindekar à Oyonnax et Ormaechea à Mont-de-Marsan), la plupart jouent encore au pays et ont dû batailler pendant la préparation pré-Coupe du Monde pour tenter de se mettre au niveau des joueurs professionnels des autres nations. ‘’Il y a quelques pros dans l’équipe mais c’est assez nouveau pour nous. Tous ceux qui jouent en Uruguay travaillent à côté. La préparation nous a permis de bien bosser mais, sur le plan physique, on n’est pas encore tous préparés à l’enchaînement des matchs de ce niveau’’. C’est ainsi, que quatre jours après avoir battu les Fidjiens, les Uruguayens ont dû s’incliner devant la Géorgie. ‘’L’équipe a tout laissé lors du premier match, on s’est envoyé comme des chiens et face à la Géorgie, on a manqué de jambes et de lucidité. On a commis trop d’imprécisions. Mais ce que j’ai trouvé magnifique et j’en parlais justement avec ma famille, c’est que les gens étaient presque déçus de nous voir perdre, quand il y a un mois, personne n’aurait misé sur nous. Ils parlent en bien de ce que l’on a accompli et c’est déjà une victoire’’. 

Coupe du monde - L'exploit de l'Uruguay face aux Fidji sort-il de nulle part ?Coupe du monde - L'exploit de l'Uruguay face aux Fidji sort-il de nulle part ?Après avoir lutté face aux ‘’Flying Fijians’’ puis contre les ‘’Lelos’’, les troupes d’Esteban Meneses -le pilote de la sélection- vont remettre le couvert et s’attaquer à l’Australie et aux Gallois. Deux gros morceaux en perspective. Ce qui n’inquiète toutefois pas Berchesi. ’’On est venu ici pour essayer de créer un exploit, je pense que l’équipe l’a fait face aux Fidjiens. Il nous reste deux prétendants au titre mondial à affronter, il faut essayer de récupérer un maximum et repartir au combat. On ne doit pas être naïfs, conscients de leurs forces bien sûr mais on va tout donner’’. 

Chambéry, première étape dans l’Hexagone

International uruguayen à quinze depuis 2011, Berchesi a également porté le maillot de l’équipe nationale à sept. Et si son nom résonne dans le paysage rugbystique français, c’est parce que l’intéressé a porté les maillots de Chambéry et Carcassonne et qu’il évolue désormais à Dax. Retour arrière. Vainqueur à trois reprises du championnat national avec Carrasco Polo (club de Montevideo), Berchesi veut tenter l’aventure en Europe en 2013, à l’âge de 22 ans. Mais trouve seulement, malgré son statut d’international, un club de troisième division italienne prêt à l’accueillir. Alors, il s’envole pour Badia. ‘’Je n’avais que cette proposition, je me suis dit tant pis, de toute façon, il allait falloir prouver. Le niveau était vraiment bas et, après une saison, j’ai eu l’opportunité de signer en D1 italienne. Mais Chambéry m’a contacté’’. 

Michel Ringeval, alors entraîneur du SOC, rembobine : ‘’Je regarde beaucoup de vidéos d’équipes et je l’ai vu. Il correspondait au profil que je recherchais, soit un dix buteur, bon attaquant et on l’a fait venir à Chambéry’’. En Savoie, l’Uruguayen régale, empile les titularisations (18) et les points (224) et ‘’Chambé’’ atteint le dernier carré de Fédérale 1. 

Coupe du monde - L'Uruguay craque complètement face à la GéorgieCoupe du monde - L'Uruguay craque complètement face à la GéorgieRingeval en garde un excellent souvenir, ‘’Felipe est un profil complet et un garçon intelligent tout en étant courageux, c’est un très bon attaquant capable de jouer proche de la ligne adverse. Il a également de très bonnes mains’’. Le deuxième-ligne argentin de Rennes, Jorge Gonzalez, ne tarit également pas d’éloges concernant celui qui a été son coéquipier au SOC. ‘’Felipe est un très grand professionnel, toujours à s’ajouter des séances supplémentaires. Je me souviens d’un match contre La Seyne où on était en difficulté et, à lui tout seul, il avait relancé le match. Il attaque beaucoup la ligne avec de bons appuis et de la vitesse. Ce qui est certainement à la fois sa vertu et son défaut, c’est que Feli’ joue toujours à fond. Il coursera un joueur jusqu’au dernier centimètre et en attaque il donne tout. À son poste, ça peut parfois lui jouer des tours mais tu sais qu’il ne lâchera jamais l’équipe’’. Et en dehors du terrain ? ‘’Un très bon mec, très intelligent. Il prenait des cours de Français deux fois par semaine et après une saison à Chambéry, il maîtrisait déjà la langue’’. 

Difficile apprentissage du ‘’rugby statique’’

Après une année mémorable chez les Éléphants, stoppée aux portes de la finale d’accession par Provence, Berchesi prend la route de Carcassonne et s’en va découvrir la PRO D2. Ringeval se souvient. ‘’Si on avait pu le garder à Chambéry on l’aurait fait mais il voulait se servir de la Fédérale 1 pour aller plus haut, donc j’ai très bien compris son choix. Je garde un souvenir très positif de Felipe, il était une de nos armes quand il était là et c’était un gros point fort de notre équipe’’. L’ouvreur évolue pendant près de deux saisons à Carcassone, deux championnats difficiles marqués par une lutte acharnée pour le maintien. L’apprentissage de la PRO D2 est âpre et Berchesi est fréquemment aligné au centre, qui n’est pas son poste de prédilection, tout en butant parfois. Il rejoint ensuite Dax, chez l’historique USD, il évolue également en PRO D2 (il compte plus de 3000 minutes de jeu en deuxième division) avant de descendre avec le club en Fédérale 1.

‘’Mon arrivée en France, après l’Italie, était un nouvel élan et une occasion de m’imposer en Europe. Il est vrai que j’ai eu un peu de mal, surtout en PRO D2, avec ce rugby statique auquel il a fallu s'adapter. La principale différence avec notre championnat c’est qu’en France tu trouves des mecs bien plus préparés physiquement ; en Uruguay, ils privilégient la technique individuelle et la puissance physique pure’’. 

La victoire de l'Uruguay déchaine les passions sur les réseaux !La victoire de l'Uruguay déchaine les passions sur les réseaux !Chez les pensionnaires de Maurice-Boyau, Berchesi porte le costume de titulaire régulier voire indiscutable et dans une formation jeune, composée de plusieurs éléments issus du centre de formation, il assume, à 29 ans, un rôle de leader. ‘’Dax est une équipe qui me plaît, avec laquelle on joue un bon rugby. La région est très sympa. Et surtout, Jérôme Daret et le club m’ont fait confiance quand personne ne voulait de moi après Carcassonne’’. Et quand on lui parle des potentielles opportunités qu’il aurait pu prendre en PRO D2 s’il n’avait pas joué la Coupe du Monde ? ‘’Pour moi, c’était impossible de ne pas faire la Coupe du monde. Nous les Uruguayens, on ne joue pas pour l’argent, je viens pour défendre les couleurs mon pays. On est une bande de copains et je me sens comme chez moi quand je suis avec eux. Si je peux apporter un minimum au rugby uruguayen et lui rendre ce qu’il m’a donné, je ne peux pas hésiter’’. Avec des soldats comme Berchesi, ‘’Los Teros’’ sont parés pour de nouveaux exploits et les défenseurs de ‘’l’amour du maillot’’ peuvent dormir sur leurs deux oreilles. 

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Très content pour ce petit pays rugby au grand cœur

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