Italie : expatrié depuis 1998, un entraîneur français raconte les dessous du rugby de l'autre côté des Alpes
Italie - Rugby : l'équipe de Spezia entraînée par Gilles Berthomier.
Le rugby transalpin, vu de l'intérieur par un français, qu'est-ce que ça donne ? Gilles Berthomier, coach de Spezia en Série C1, nous conte son aventure.
Qui a dit qu'il suffisait de voyager à l'autre bout du monde pour vivre une grande aventure ? Parfois, il suffit de faire quelques kilomètres ou de franchir une simple montagne pour changer de vie. Après son voyage au Cambodge, Thierry DuRoutard a voulu vérifier cela en rendant visite à Gilles Berthomier, exilé en Italie depuis quelques années. Formé à l'ES Vitry puis passé au CASG Paris chez les juniors, Gilles garde une préférence pour ses anciens clubs, aujourd'hui en Fédérale 3 et en Top 14. Il répond à nos questions sur son parcours et les spécificités du rugby de l'autre côté des Alpes.

Pourquoi l'Italie ? Les premiers mois n'ont pas été trop compliqués ?

Je travaillais déjà là-bas l'été, dans les clubs de vacances, donc il n'y a pas eu de gros soucis niveau langue. Ma femme est de Lucca, en Toscane. Je suis arrivé en Italie en 1998 mais je ne connaissais personne, je n'ai pas trouvé de club. Bref, la galère, à la limite de la déprime ! J'ai continué à jouer au rugby encore un an à Vitry en prenant l'avion tous les week-ends, puis j'ai dû arrêter. Et pendant dix ans, plus rien...

Comment avez-vous renoué avec le ballon ovale ?

En 2008, un jeune Italien, Nicola Palestini, décide avec ses parents de créer un club à Viareggio (Toscane) où je vivais. C'est là que l'aventure commence. La première année, soixante-dix bonhommes d'une moyenne d'âge de 20 ans décident de se mettre au rugby. C'était comme une équipe de poussins, mais avec de la barbe ! Après un an d’entraînement et quelques amicaux, on célèbre notre première saison en C2 Toscane, l'équivalent de la division Honneur, en terminant à la 6e place. L'année suivante, on gagne le championnat et dispute la finale de la Super Coppa Toscana contre Florence (série B) dans le stade de la ville, une première pour un match de rugby. On perd 30 à 6 et nous remplissons la tribune d'environ 2000 personnes. L'apothéose.

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J'ai ensuite fait un break avec la naissance de mon 3e enfant. Malheureusement, le club s'écroule et disparaît en moins de deux ans.

La suite, p. 2

Vous faîtes un long break, jusqu'à ce qu'un certain Denis Dallan (ancien international italien passé par le Stade Français) vienne vous trouver.

À l'été 2013, Denis s'est présenté à moi avec un projet de club très ambitieux auquel participaient Sergio Parisse, Martin Castrogiovanni et quelques autres. Je n'ai pas hésité une seule seconde à me remettre en selle avec cette équipe de Viareggio ! La première année, j'entraîne ce qui aurait dû être l'équipe une, mais nous n'étions pas assez pour nous aligner en championnat. L'objectif était de développer l'école de rugby en allant tous les matins dans les écoles voisines. Aujourd'hui, il y a cinq catégories, la politique a été d'un grand succès. Seulement, l'équipe senior ne décolle pas.

Ici, les U16 de Viareggio.
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L'été suivant votre retour en tant qu'entraîneur, c'est Spezia qui fait appel à vous.

Denis Dallan est d'abord entré en contact avec eux pour un prêt des U18 de Spezia pour l'équipe de Viareggio et c'est à ce moment là que le club émet le besoin d'un entraîneur pour leur équipe première. Denis me propose et je trouve un accord de trois ans avec le club, tout en amenant avec moi sept joueurs de Viareggio, qui n'est qu'à 70km. Aujourd'hui, tout fonctionne très bien et nous jouons en Série C1, l'équivalent de la Fédérale 2, une compétition qui comprend dix groupes de douze équipes réparties géographiquement.

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Parlez-nous de la saison qui vient de s'écouler.

Elle s'est relativement bien passée. Nous terminons dernier de la poule et sommes reversés en Play-Down. Logique, il nous manquait du réalisme, mais on finit par assimiler les lancements de jeu et on se maintient haut la main en remportant tous nos matchs à domicile lors de la dernière partie de la saison, qui s'est achevée sur une sacrée histoire. Italie : expatrié depuis 1998, un entraîneur français raconte les dessous du rugby de l'autre côté des AlpesINSOLITE - Italie : un malfrat arrêté par le plaquage d'un rugbyman en pleine 3e mi-temps J'ai un groupe jeune de quarante-et-un joueurs, avec quelques étrangers qui viennent d'Argentine, d’Écosse, des Tonga, de Croatie, d'Angleterre, du Maroc... Mais au final, il y a peu d'étrangers dans notre championnat de C1, ça commence au-dessus (Série B, ndlr) avec beaucoup de Français car le rugby se joue beaucoup dans le nord de l'Italie.

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Quels sont les principales difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

Le Rugby Spezia n'a pas son terrain, nous jouons sur un terrain de foot/rugby synthétique que le club loue environ 80€ de l'heure. Le club n'a pas de siège, pas de salle de muscu mais fait de gros efforts car nous avons un préparateur physique et du matériel de qualité. Les garçons participent au financement des bus et se paient les tenues. Nous allons faire une collecte entre nous pour offrir au club une télé et faire des analyses vidéo... C'est la débrouille dans le pur esprit rugby ! Par « chance », notre situation s'améliore car la crise économique frappe aussi le foot et beaucoup de petits club ferment : on a donc plus de place pour les terrains. Côté joueurs, on n'en perd pas car le club le plus proche est à plus de 50km, mais du coup, difficile d'en trouver de nouveaux.

Quid de la formation ?

Elle est difficile avec les problèmes de distance entre les clubs. Les entraîneurs fédéraux qui passent dans les clubs ne sont pas assez et ils ne sont pas bien étalés sur le territoire.. La fédération devrait aider financièrement les clubs et accompagner les gamins au lieu d'investir des millions dans des académies de rugby inaccessibles et seulement utiles pour cinq clubs. Il y a des intérêts qui vont au delà du bon sens. Il faut que les dirigeants du rugby italien pensent au rugby en partant par le bas car la base est tout sauf solide, bien au contraire. Or, ça se répercute au plus haut niveau avec les mauvais résultats des Zebre et de Trévise en Pro 12. Le haut niveau italien est moins attrayant que par le passé car le futur champion du rugby ne naît pas forcément à Parme ou à Trévise.

L'avenir, vous le voyez comment ?

Positivement ! Je passe mes diplômes d'entraineur et j'espère accéder au 3e degrés d'ici deux ans. Je vis de ma passion, donc je suis un privilégié.

Pourquoi pas entraîner un jour en France ? En attendant, je reste vigilant pour le Spezia Rugby, je souhaite laisser une équipe solide et prête à affronter le niveau supérieur avec sérénité. Nous sommes dans la bonne direction.
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  • ced
    100623 points
  • il y a 8 ans

il manque aussi d'eau pour arroser la pelouse

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