''International marocain, j'ai décidé de partir jouer aux États-Unis après dix ans à Clermont''
Soheyl Jaoudat sous le maillot du Maroc. Crédit photo : Lola Barthés.
L'arrière Soheyl Jaoudat, 22 ans, s'est engagé avec Austin en MLR. Premier épisode de notre série ''sur la route de Jaoudat'' avec plaques en titane, Lion de l'Atlas et Oncle Sam au programme.

Juin 2018, le Maroc affronte le Zimbabwe dans le cadre de la Gold Cup et des qualifications à la Coupe du Monde. ''45e minute, le pilier gauche adverse est plaqué et je mets les mains pour gratter le ballon. Un joueur me déblaie à la tête et je tombe. Sur le coup, je ne me rends pas compte que je suis blessé, je suis juste groggy mais un coéquipier me dit de sortir, que j'ai le visage complètement enfoncé''. Le verdict tombe : double fracture du crâne pour Soheyl Jaoudat. L'arrière des Lions de l'Atlas quitte prématurément la pelouse.

''Front en miettes''

Je sors du terrain et c'est la panique. Pour l'anecdote, après le choc, le soigneur est entré sur le terrain et m'a dit que je pouvais retourner jouer, il n'avait pas vu que mon visage était déformé. Et quand je finis par sortir après la remarque de mon coéquipier, tout le monde vient me voir et s'inquiète. Mais moi ça allait, j'ai même fait une blague au médecin de World Rugby, je pensais juste avoir un œuf. Je passe la nuit à l'hôpital au Zimbabwe. Là-bas, si tu ne paies pas tu n'as rien. Alors la fédération marocaine a dû dépenser pour les soins. J'ai envoyé les radios au professeur Chazal pour savoir si je pouvais prendre l'avion. Heureusement, je n'étais pas touché au cerveau ou à l’œil, mais à l'os. Je suis rentré à Clermont pour voir la chirurgienne et je me suis fait opérer. Dans la salle d'attente, j'étais avec Rémy Grosso, on a eu la même blessure en fait, il s'est fait opérer trois jours avant moi et on s'est tenu au courant par la suite. Pour l'opération ? Ils m'ont ouvert toute la tête sur les cheveux et enlevé la peau pour reconstituer mon front en miettes. Maintenant, je n'ai aucune séquelle, juste des plaques en titane.

L'aventure avec le Maroc

J'ai commencé à jouer pour le Maroc en mai 2015. La fédération recherchait des joueurs pour remonter une équipe de rugby à sept et le manager m'a contacté pour un tournoi au Togo, alors pré-qualificatif aux Jeux olympiques au Brésil. On a fait des stages à Marcoussis, des tournois en Afrique du Sud, à Honk-Kong, en Égypte, en Algérie, au Zimbabwe, en Espagne... J'ai beaucoup voyagé, engrangé de l'expérience et joué avec de très bons gars, donc je ne regrette pas du tout. Je compte aussi une dizaine de sélections à quinze, contre une cinquantaine à sept. La sélection c'est de supers souvenirs. À quinze, on a notamment gagné la Coupe d'Afrique C puis la B. À sept, je garde en mémoire le stade de 40 000 places à Honk-Kong ou les repas non loin de Sonny Bill Williams (rires).

La fin à l'ASM

Avant de partir au Zimbabwe avec la sélection, Soheyl Jaoudat a conclu son aventure avec Clermont sur un titre de champion de France Espoirs.

J'ai commencé à l'ASM très tôt, j'y ai joué pendant dix ans au total. Sur la génération espoir, c'était moi l'un des plus anciens au club. Je savais en commençant la saison passée que ça serait la dernière au club, comme beaucoup de joueurs de la génération 96 d'ailleurs. J'ai profité au maximum du nouveau centre de formation, des copains. L'aventure s'est terminée sur un titre, difficile d'espérer mieux. Il n'y a aucune amertume, on a vécu une fin rêvée.

Se relever après la blessure

Je me suis fait opérer le 27 juin et j'ai eu un rendez-vous avec la chirurgienne le 20 juillet. C'était du repos pendant trois semaines puis elle m'a dit que je pouvais reprendre la musculation et la course. L'ASM m'a d'ailleurs gentiment laissé m'entraîner dans les installations du club. Après une telle blessure, il n'y a pas grand chose à faire, ce n'est pas comme une déchirure. Peut-être juste s'entraîner à lever le sourcil (rires). Je savais déjà que je ne jouerais pas au rugby toute ma vie et j'avais décidé d'assurer mes arrières avec un master en Communication. Pendant le premier mois et demi, je n'ai pas trop pensé à la blessure et mi-août, ça m'est tombé dessus. J'étais notamment en pourparlers avec un club de Fédérale 1 qui m'a fait comprendre que ça ne se ferait pas. Donc je suis parti en vacances, je me suis tourné vers mes bases, ce qui est important pour moi. Ça m'a permis de me ressourcer. Sur le plan rugby, j'ai eu plusieurs contacts en Fédérale 1 et j'ai visité des clubs mais je n'ai signé nulle part. J'ai fini par envoyer mon CV en ligue pro américaine après avoir appris que le demi d'ouverture Timothée Guillemin y était depuis trois ans, je n'avais rien à perdre.

Le rêve américain

Le 11 septembre, j'ai reçu une réponse d'Alain Hyardet, le coach d'Austin (ancien international français, ensuite passé par Perpignan, Béziers et Clermont en tant qu'entraîneur). Il a discuté avec Fabien Bertrank qui m'a entraîné en Cadets. Je lui ai envoyé un CV vidéo et quand il est reparti à Austin, il a proposé mon profil à ses dirigeants. L'affaire s'est avérée concluante. Quand tu signes là-bas, tu signes un contrat de huit mois avec la ligue, renouvelable tous les ans. C'est d'ailleurs la ligue qui rémunère le joueur et il y a un salary cap à respecter.

 La MLR en pleine expansion

Je vais rejoindre Austin pour la deuxième saison de la Major League Rugby, c'est l'équivalent de la MLS pour le football. Il y avait sept clubs l'an passé, neuf cette année et il devrait y en avoir douze pour la troisième édition. On retrouve Houston, San Diego, Utah, Seattle, New-York, Glendale et la Nouvelle-Orléans en plus d'Austin. Il y aussi Toronto au Canada. C'est une formule de matchs en aller/retour qui va se dérouler du 26 janvier au 15 juin avec des play-offs pour le titre. Le quota d'étrangers a augmenté et au club il y aura déjà quatre joueurs français quand je vais arriver (Timothée Guillemin, Mickaël Roméra, Simon Courcoul et Simon Bienvenu), en plus de l'entraîneur et du manager général. Austin va évoluer dans un stade de 13 000 places cette année contre 3000 l'année dernière et ils viennent d'ouvrir une structure. Il y a un réel engouement pour le rugby. Pour être recruté en MLR, il faut avoir évolué dans un championnat professionnel comme le Top 14 ou avoir été sélectionné en équipe nationale. Le niveau est donc élevé. À New-York, Ben Foden (34 sélections en équipe d'Angleterre) vient de signer. Osea Kolinisau, international fidjien à sept, évolue à Houston, par exemple. Ça fait longtemps que je voulais voir les États-Unis et participer à une préparation physique là-bas car j'ai l'impression que ce sont tous des machines (rires). C'est le bon moment pour moi de tenter cette expérience et j'ai hâte d'y être.

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Belle narration !!! L'essence du rugby sans aplomb...

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