Sébastien Vauzelle, globetrotter du rugby à l'ONU
Sébastien Vauzelle, globetrotter du rugby à l'ONU.
Du Liban au Mexique en passant par le Sénégal, Sébastien Vauzelle vient en aide aux populations et trouve également le temps de jouer au rugby.

Sébastien Vauzelle n'a pas la vie de monsieur tout le monde. Au sein de l'ONU, il travaille pour le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Objectif, appuyer les pays dans leurs politiques d'accès à l'emploi, à l'éducation, à la santé, etc. au niveau local (régions et villes), surtout pour les populations exclues (femmes, jeunes, personnes handicapées, etc.). Autant dire qu'il y a du boulot. Néanmoins, il trouve le temps de jouer au rugby, et ce dans tous les pays où il a pu évoluer. Actuellement au Liban, il nous fait part de ses formidables expériences.

Dans combien de pays avez-vous joué?

Six. France, Mexique, Maroc, Sénégal, El Salvador, et maintenant Liban. Toujours en amateur au poste d'ouvreur. Au Salvador j'ai joué en club et en sélection, et j'ai co-entrainé la sélection avec Ivan « le Marquis » Seassal, qui a joué à Nice à la grande époque, et en équipe de France militaire. Un grand monsieur. J'ai été sélectionné en équipe nationale au Salvador (pas au Liban) car cela faisait trois ans que j'étais dans le pays, et avant ça j'ai été co-sélectionneur de la même équipe nationale.

Où avez-vous commencé à jouer au rugby ?

Dans ma ville chérie d'Arles, ou j'ai fait toutes mes classes et avec laquelle j'ai gagné le titre de champion de Provence cadets. Quand je suis parti à Aix pour mes études, j'ai joué en Universitaire à Science-po et j'ai formé la charnière de l'équipe de Droit avec mon frère. Lui en 9 et moi en 10. C'était un sacré numéro 9, il a ça dans le sang. C'est marrant, c'est mon frère, et en même temps c'est le meilleur joueur avec qui j'ai jamais joué.

Comment vous êtes-vous retrouvé à jouer dans tous ces pays ?

Grace à mon travail, je change de pays tous les deux ou trois ans, et la première chose que je fais en arrivant sur place, c'est de chercher un club. La solidarité entre amoureux de la gonfle fait le reste. Mes souvenirs de rugby sont parmi les plus forts que je retiens de chacun de mes séjours, et mes meilleurs amis dans chaque pays, je les ai souvent connus au rugby.

Sébastien Vauzelle, globetrotter du rugby à l'ONU

Est-ce difficile de s'adapter à des contextes si différents ?

Pas vraiment. Pas besoin d'avoir voyagé pour le savoir : le rugby, c'est un esprit et des valeurs qui en font un sport à part. Et on les retrouve, avec des petites variations, un peu partout où on joue. En fait, c'est le même plat, mais chacun y met sa sauce, suivant sa culture, l'origine sociale des jeunes que le rugby attire, ou encore les conditions financières du club ou du championnat. Les influences étrangères comptent aussi. En Amérique latine l'inspiration argentine est forte, en Afrique de l'Ouest c'est plus à la française, et au Moyen-Orient on retrouve pas mal l'esprit britannique.

Au niveau technique, pour les avants, je ne vois pas de grandes différences. Ça dépend beaucoup de la force du pack et des initiatives du 8 notamment. Après, c'est le niveau et la condition physique qui font que les avants s'intègrent plus ou moins dans la ligne, en attaque notamment. Mais au Sénégal ça allait beaucoup au contact, tandis qu'en Amérique centrale ça cherchait plus à faire vivre le ballon. Au Liban je vois plus ressortir les qualités individuelles, mais comme toujours au rugby le jeu en équipe reste le plus important.

Comment jugez-vous les différences de niveau entre les différentes régions où vous avez pu évoluer ?

Les différences de niveau sont importantes. Ça ne dépend pas tellement de la région, mais de l'ancienneté du rugby dans le pays, et de l'enthousiasme des locaux pour reprendre en main le truc à un moment donné. Au Maroc, il y a un gros niveau, l'équipe nationale a failli se qualifier pour chaque coupe du monde, et elle ne va pas tarder à le faire pour de bon. Le championnat est de bon niveau, même si les équipes se concentrent à Rabat, Casa et Oujda. Au Sénégal, le niveau n'est pas mauvais mais il y a moins de culture tactique. Au Salvador, le rugby a 3 ans, au Costa Rica ou au Guatemala 10 ou 15 ans. Enfin, au Liban, le 13 est plus développé que le 15, même s'il y a des très bons joueurs dans les deux. Et le 7 est en pleine expansion au niveau national et dans tout le Moyen-Orient. Il suffit de voir ce qu'est devenu le Tournoi de Dubaï, c'est un truc de fou.

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On imagine que les différents contextes nationaux pèsent sur la pratique du rugby ?

Parfois, sur certains aspects particuliers, la vie du groupe ou la manière de jouer ou de s'entrainer est influencée par le contexte. Mais comme le montre l'exemple des Zenobians, l'équipe nationale de Syrie, qui s'entrainent et jouent au milieu de la guerre sous la menace des mortiers, l'amour du rugby est toujours plus fort. Au Salvador, en dehors du terrain, c'était parfois chaud. Par exemple, un jour on prenait l'apéro sur une terrasse avec des coéquipiers pour cause d'entrainement annulé, et on s'est fait tirer dessus par des « pandilleros ». Plusieurs copains ont été blessés et mon premier centre ne sait toujours pas s'il pourra rejouer au rugby un jour.

Au Liban, le rugby, à la différence de presque tous les autres sports et espaces de sociabilité, n'a aucune marque religieuse ou sectaire. Les clubs mélangent chiites, sunnites et chrétiens. Donc on ne souffre pas du contexte, au contraire. Bon, parfois, on joue entourés de militaires, fusil d'assaut au poing, et parfois au milieu des chars, ou même contre les soldats de l'ONU. D'ailleurs, le dernier tournoi a été remporté par les militaires irlandais. Comme leur équipe nationale, ils se ressemblaient tous et ne payaient pas forcement de mine, mais ils avaient un fighting spirit à renverser les montagnes.

Quelle expérience vous a le plus marqué ?

Je vous réponds sans hésiter que mon expérience la plus magique, je l'ai connue au Salvador. C'est un petit pays extraordinaire, marqué par la violence et les inégalités, mais avec des gens d'une gentillesse et d'une joie de vivre pas possible, et des paysages magiques, entre plages, lacs et volcans. Mon club, le Santa Tecla Rugby Club, est né de l'amitié et de la rigolade. On a commencé par perdre sans-arrêt, et on a dû réussir trois plaquages en 5 matches. Mais finalement la mayo a pris, on a commencé a très bien défendre et a tout donner à chaque seconde sur le terrain, et on a gagné un tournoi international de 7, puis on est allés jusqu'en demi-finale du championnat du Guatemala, dans lequel on évoluait pour la première année.

Sans sponsor, avec des difficultés pour réunir entre tous les joueurs l'argent nécessaire au déplacement, mais avec une solidarité et un courage incroyables et une amitié qui faisait qu'on passait tout notre temps libre ensemble, on a connu une épopée inoubliable. Emmenés par notre capitaine Nelson Bolanos, un géant complètement fou toujours prêt à rigoler et à distribuer des mornifles, on a gagné des matches après des voyages de 12 ou 24 heures en minibus, les uns sur les autres et sans dormir, ou bien à domicile dans des stades improbables au milieu des bidonvilles, là où les municipalités voulaient bien nous filer le terrain gratis, avec des maillots déchirés et parfois à 14, ou avec des blessés qui traînaient la patte mais continuaient à se jeter comme des lâche-rien en défense. Deux saisons magiques.

Et avec la sélection, j'ai vécu aussi des moments forts. Chanter l'hymne d'un pays qui n'est pas le tien, le maillot de l'équipe nationale sur les épaules, et avec le brassard de capitaine, entouré de mecs soudés et fiers qui te considèrent comme un des leurs, ça met des frissons !

Sébastien Vauzelle, globetrotter du rugby à l'ONU

Qu'avez-vous appris sur le rugby lui-même à travers ces expériences ?

Chacun, sur le terrain, est plus ou moins un salopard ou plus ou moins un casse-cou, mais tu retrouves en général le respect de l'arbitre, la fraternité dans l'équipe sur et en dehors du terrain, le fait que les escarmouches avec les adversaires sont vite oubliées une fois sortis du terrain, l'amour de la fête...Peut-être que dans nos pays de forte tradition rugby, on oublie un peu parfois à quel point notre sport est porté par ces valeurs. Ça nous parait tellement normal ! Mais pas dans les pays ou être joueur de rugby c'est une bizarrerie. Là, les mecs vont manger de la terre à l'entrainement, vont se tuer sur les exercices physiques, vont parfois souffrir dans les matches le week-end, et le lundi au travail personne ne comprend pourquoi ils vont se mettre dans ces histoires. Ces jeunes-là, ils savent pourquoi ils reviennent, et c'est pour les valeurs de notre sport : l'humilité, la fraternité, le don de soi, le courage... Il y a une solidarité très forte entre gens de rugby dans les pays où c'est un sport en voie de reconnaissance. Du Mexique à la Syrie en passant par l'Afrique noire, nombreuses sont les personnes qui m'ont dit, alors que jouer ne leur a jamais rapporté un franc : le rugby a changé ma vie.

J'aimerais dédier cette interview à mon neveu Raphael, un futur rugbyman, ainsi qu'à un ami joueur au Salvador qui est décédé récemment sur le terrain.

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  • Tonton
  • il y a 9 ans

Superbe article sur un joueur qui laisse de bon souvenirs partout la ou il passe....et notament au Senegal. Travaillant a l'ONU depuis 20 ans, dans une agence bien plus operationnelle que le PNUD ( LOL), mon agence le PAM est meme partenaire de la coupe du Monde de Rugby; j' ai joue au Burundi, en Indonesie, en Ouganda, au Kenya, ou j'etais les President des Gaulois de Nairobi et maintenant au Senegal avec les Baobabs.. C'est vrai que le Rugby est un vecteur social enorme surtout dans les pays en crise ou avec une culture rugbystique peu developpée. Notre French Flair est un passeport inestimable. Merci donc pour cet article et dans la continuite des questions ci dessus: dans ces pays... les crampons, shorts, chaussettes et autre maillots... on les donne aux jeunes joueurs souvent demunis non pas de talent rugbystique mais du portefeuille... on devrait peut etre creer une agense ONUsienne du Rugby !!!!

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