Salem Attalah  : arbitre de Top 14 et du Tri Nations du Maghreb
Salem Attalah arbitre du match Tunisie vs Algérie
Quand un arbitre semi-professionnel de Top 14 se déplace au Maghreb d'où il est originaire pour arbitrer le premier Ti-Nations du Maghreb de l'histoire.
Le Rugbynistère : Tout d'abord, quel a été ton rôle dans cette compétition ? Tu as arbitré, mais on a aussi l'impression que tu a aussi été un ambassadeur.

Salem Attalah : Mon rôle était simplement d'arbitrer un match. Nous étions trois arbitres, un Sénégalais, un Tunisien et enfin un Français (moi-même) désignés pour siffler une rencontre chacun. J'ai un peu amplifié ma fonction de simple arbitre, en proposant à mes collègues de profiter un peu du temps disponible pour échanger et se perfectionner dans notre travail à trois. Mon objectif était de créer un véritable travail d'équipe. Les équipes que nous rencontrons travaillent afin d'être prêtes le jour J. Nous avons complétement fait la même chose, en mettant des stratégies de gestion de match, d'objectifs (Arbitrage de la mêlée à deux, Déplacement du juge de touche, etc...), de communication et autres.

Nous avons essayé de former une équipe compétitive très rapidement en allant à l’essentiel d'un arbitrage réussi à trois. Je ne trouvais pas normal de ne pas faire une petite réunion d'avant match (Ou la veille) et un débrief d’après match. Mon objectif était simplement de se remettre en question comme font les équipes et les staffs. J'avoue que mes deux collègues ont joué le jeu avec plaisir et motivation. Je n'ai pas senti ma présence comme celui d'un ambassadeur.

Étant d'origine Algérienne, il est vrai que j'ai vécu cet événement avec une émotion très forte et un réel plaisir. Mais vous savez quand on est arbitre, il faut essayer de ne jamais laisser l'émotion prendre le dessus (comme un joueur). J'ai beaucoup échangé avec les dirigeants, les joueurs et les différents staffs. Je voulais simplement rendre la fonction de l'arbitre plus "humaine", avec ses forces et ses faiblesses bien entendu.

Salem Attalah avec les autres arbitres du Tournoi


On a vu un gros engouement autour de ce tournoi même si les spectateurs n'étaient pas spécialement au rendez-vous. As-tu l'impression que cette première édition a véritablement posé la première pierre de quelque chose de plus grand ?

Cette première pierre est indiscutablement le début de deux histoires ! Je dirai même d'une pierre... deux coups !

La première chose, est que ce premier tournoi du Maghreb va être le début d'une grande histoire et de rencontres entre la Maroc, la Tunisie et l'Algérie. Ce tournoi annuel va permettre à ces nations de se perfectionner de tournoi en tournoi. Quand je vois les scores des matchs, je me dis que ces trois équipes sont de niveaux complétements égaux. Mon avis est que les matchs se sont gagnés ou perdus sur des détails de gestion de matches, d'erreurs individuelles de joueurs ou d’indiscipline. J'en suis ravi car les équipes devront être très précises dans le futur et travailler toutes les qualités à développer pour se rapprocher des grandes équipes comme La Nouvelle Zelande ou l'Angleterre.

La seconde chose est que la fédération vient de réussir un énorme coup en réussissant quasi-parfaitement l'organisation de ce premier tournoi ! Pour elle, c'est une grande victoire et elle aura un impact important dans le développement de ce sport en Algérie. J'en suis persuadé. Le manager Azzouz Aïb et le président Sofian Ben Hassen peuvent souffler car ils ont réussi ce pari fou ! Ce travail est la concrétisation d'un travail de plus de dix ans...


Qu'est-ce que n'a pas fonctionné et qu'est-ce qui peut être amélioré ?

L'arbitrage ! Car comme les équipes, nous devons nous remettre en question sans arrêt.

Les scores des matchs ont été très serrés, ce qui impacte directement le poids de nos décisions. Il faut que l'arbitrage africain continue de travailler et de progresser. Il a quelques défauts mais aussi et surtout beaucoup de qualités. Ces jeunes arbitres doivent être épaulés et orientés pour progresser et servir le jeu proposé par les équipes. Il est trop facile de s'intéresser à l'arbitrage seulement quand il y a des erreurs mais travailler en amont pour éviter tout cela. Même si celui qui trouvera le résultat de l'équation d'un match parfait en arbitrage n'est pas encore né, ni en Afrique, ni ailleurs... J'ai vraiment, mais vraiment bon espoir à son évolution car ces jeunes sont motivés. Rugby Afrique et son président Aziz Bougja ont beaucoup d'ambition pour le perfectionnement de l'arbitrage africain.


Quid du niveau de jeu ? Même si le Maroc a remporté le Tri Nations, on a vu que tous les matchs avaient été très serrés.

Quand on a l'habitude d'arbitrer le Top 14, il est vrai que le jeu est moins rapide et moins technique. Ce qui est normal.
Le niveau se situe entre la Fédérale 2 et Fédérale 1. Mais je suis sur que ce niveau va augmenter dans le temps, car ces trois équipes sont très proches et se ressemblent beaucoup dans le jeu mais aussi dans les hommes. Pour être compétitives, elles devront monter en compétences forcement. Tout ça va tirer vers le haut le rugby africain.


Quelle image garderas-tu de ce premier tournoi ?

L'image est l'union du Maghreb. Toutes les personnes présentes sont allées dans le même sens pour que ce tournoi donne une bonne image aux enfants d’Algérie et d'ailleurs. Le respect n'a pas empêché l’engagement et la détermination des joueurs et des staffs . Le mot VALEUR a été le maitre mot de ce tournoi. En tant qu'arbitre, j'en suis ravi car pour moi ce qui se passe au rugby par rapport au directeur de jeu est incroyable et unique. Nous parlons ici de l'éducation de nos enfants, qui seront nos futurs joueurs, nos futurs arbitres et nos futurs entraineurs.

Salem avec les éducateurs


As-tu une anecdote à nous raconter ?

J'ai participé à une formation d'éducateur toute une journée. mon objectif personnel était de savoir comment les éducateurs étaient formés.

J'ai fini par prendre part à la formation en emmenant mon œil d'arbitre sur la règle bien sûr mais aussi sur le jeu. Lors d'un échange, un futur éducateur très curieux a posé une question très très simple... pourquoi dans le rugby, il y a cette phase de jeu ou plein de joueurs sont liés ? Et à quoi ça sert car moi, j'en vois pas la nécessité ? Un long silence traversa la salle... moi, l'arbitre du Top14, resta bouche-bée ! C'était une question légitime mais qui me fit comprendre que ce sport était encore qu'un simple foetus en développement... adorable et unique moment. Merci à cet éducateur !


On imagine que siffler sous le soleil d'Oran pendant que d'autres affrontent l'hiver en Top 14 n'a pas du être désagréable.

Il est vrai que le temps était plutôt sympa mais c'était pas non plus les 35 degrés à l'ombre. L'hiver existe bien au Maghreb mais est très loin de celui du Jura ! J'ai toujours gardé un oeil sur la coupe d'Europe et le championnat français. Cette coupure m'a permis de relativiser ma fonction et de souffler un peu. Après tout, ce n'est qu'un jeu, non ?
Les scores :
Algérie 11 - 12 Maroc
Maroc 14 - 12 Tunisie
Algérie 15 - 16 Tunisie
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Je n'ai qu'une chose à vous dire, monsieur Attalah:
https://www.youtube.com/watch?v=YjH2Flhta0k

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