Entretien avec Marjorie Mayans: " Le rugby féminin est en pleine expansion !"
Entretien avec Marjorie Mayans, véritable globe-trotteuse du rugby. Crédit photo: Clément Dillard
Après Sofiane Guitoune, Marjorie Mayans. Ensemble, on a causé Seven, Rugby à XV et Top 16.

Marjorie Mayans donc. Joueuse à Blagnac Saint-Orens, et internationale de rugby depuis 2009, compte plus d'une vingtaine de sélections en équipe de France à XV et environ trente-cinq à 7, dont les Jeux Olympiques de Rio 2016. Ok, je triche, j’ai été faire un tour sur www.marjoriemayans.com. Mais vous verrez, c’est plutôt bien fait ! Il va falloir aller chercher des réponses que l’on n’a pas.

Marjorie me donne rendez-vous à Blagnac, plus précisément dans un troquet dénommé « Le bon mélange ». Le nom sonne bien pour l’épicurien que je suis. Ou plutôt la personne à l’hygiène de vie… rocambolesque, que je suis. J’arrive à l’avance. J’ai les mains moites. J’ai vu des vidéos de Marjorie sur YouTube avant de venir. Je n’ai pas vraiment envie de la contrarier. Je la vois arriver au loin, accueillante et souriante dans son trench-coat beige (point fashionista). Les photos sont bien contractuelles. On s’installe en terrasse. Ambitieux, tant il fait frisquet en ce mois de novembre. Oui, j’ai dit frisquet. On peut commencer !

Soyons sérieux deux minutes

À quels postes peut-on te voir jouer ?

Troisième ligne à XV et pilier à 7.

Un souvenir marquant dans ta carrière ? Un souvenir à effacer ?

Plusieurs. Des bons ou des mauvais ? D’un côté, la Coupe du Monde à Paris en 2014. Un des gros évènements, comme mon premier tournoi à Dubai, ce n’était pas mal aussi. La défaite en quart de finale contre le Canada aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, c’est à effacer. Très très dur à encaisser.

Si je sais lire Wikipédia, tu es née à Tremblay. Où est-ce que ça se trouve ? ll y a du rugby par là-bas ?

C’est dans le 93, je suis née en région parisienne et j’y ai grandi jusqu’à 11 ans. Je suis arrivé en 4ème à Tournefeuille, où j’ai fait une année, après on est parti à Launaguet où j’ai commencé avec les filles de Saint Orens. Après, je suis née à Tremblay mais j’ai habité et joué à Noisy-le-Sec, c’est bien le 9-3. Il faut savoir qu’à l’époque, le rugby là-bas, ce n’était pas trop connu et encore moins le rugby féminin. On était deux filles à l’école de rugby, c’était trop trop bien.

Comment appréhende-t-on une vie de nomade entre Blagnac et Marcoussis ?

On s’organise ! (rires) Des valises qui tiennent le choc, toujours dans les avions et il faut être surtout bien organisé, avec un emploi du temps bien millimétré pour que tout puisse rentrer dedans.

Dans ta panoplie, as-tu des gestes techniques favoris ? Bannis ?

Je ne vais pas être très originale mais on dira le plaquage quand même. Et le offload, j’aime bien. Par contre, j’aimerais savoir le faire mais je ne sais pas le faire… Le cad-deb. Pourtant, j’ai joué trois-quarts !

A la manière de Zizou, tu as des rituels d’avant match ? Un porte-bonheur ?

Non pas de rituels, j’aime écouter de la musique : souvent, ce sont les musiques du moment. Pas de porte-bonheur non plus. Rien de tout ça.

Comment te sens-tu à Blagnac ?

Je me sens très bien, même si l’année est difficile pour concilier le 7 et le XV. Ça fait plusieurs années que je suis au club, j’adore ce club, mais je suis obligée de mettre un frein cette année. L’emploi du temps ne me permet pas de pouvoir jouer. En plus, c’est un Top 16, il y a des oppositions déséquilibrées, donc oui, un frein cette année. Je reste quand même licenciée, je viens m’entrainer quand je peux, je suis très bien à Blagnac. J’aime le staff, l’équipe, le projet de jeu et celui du club.

Rugby à 7 ou Rugby à XV ?

Je n’ai pas de préférence, j’aime bien faire les deux, ça fait très longtemps que je fais du rugby, changer de groupe me permet de progresser dans les deux disciplines et pour l’instant je me régale à pratiquer les deux. Si tu es quinziste et que tu bascules vers le 7 c’est compliqué, alors que l’inverse est plus facile parce que le retard ne se fera qu’au niveau tactique et pas physique. Du XV au 7, c’est plus exigeant.

Et la cohabitation à Marcoussis avec le 7 masculin ?

On ne se voit pas souvent, on n’a pas les mêmes emplois du temps. Quand on se retrouve c’est cool, ça ne représente que deux semaines, ce n’est pas énorme, mais quand on peut passer quelques moments ensemble c’est sympa. On s’entend tous bien ensemble.

As-tu un surnom ? On peut lire « The Blonde Destroyer » sur la toile.

C’était sorti à la Coupe du Monde 2014, c’est rigolo. À 7, on m’appelle Princesse, c’est plus mignon que « The Blonde Destroyer » d’ailleurs ! Mais je me demande si ce n’est pas en rapport avec la princesse Fiona dans Shrek… On va dire que c’est un truc gentil plutôt. (rires)

On caractérise souvent ton jeu par le plaquage. C’est tout ?

J’espère avoir d’autres qualités, j’aime bien jouer au ballon, techniquement ce n’est pas trop mal. En plus, ça fait beaucoup d’années que je joue au rugby, j’ai acquis de la vision de jeu.

Que penses-tu de l’avenir du rugby féminin ? Le Top 16, ça change quoi ?

C’est en pleine expansion et ça va encore progresser. Il faut qu’on fasse de bons résultats, qu’on fasse du beau jeu, là il y a le match des Bleues à Grenoble contre la Nouvelle-Zélande qui va mettre en lumière les filles du XV. J’espère que ça sera un super match, qu’elles vont gagner. Dans la société actuelle également, la parité est prônée, c’est important que les femmes puissent choisir son sport que ça soit de la danse, du tennis ou du rugby. Je trouve ça cool qu’on puisse montrer une belle image du rugby féminin pour démontrer qu’une femme peut être au rugby même si son papa, son copain ou son frère pense que c’est un sport d’hommes. Mais ce genre de phrase tend à disparaitre.

Le Top 16 ? Cela va permettre à quelques équipes d’hausser le niveau, il reste encore trop de déséquilibres, il y a des scores qui sont fleuves... Il faudra attendre 2-3 ans pour que ça s’équilibre.

Grand Chelem à XV, vice-championne du monde à 7. C’est quoi la prochaine étape pour conquérir le monde ?

J’espère qu’on va se qualifier pour les JO et revenir avec une médaille, ça serait top. On va y aller pour chercher l’or, on peut y faire quelque chose. Et si je n'y suis pas, j'espère qu'elles feront un gros résultat à Tokyo. On a les moyens. En 2021 c’est la Coupe du Monde en Nouvelle-Zélande… Je ne me projette pas beaucoup, c’est loin, mais c’est dans un coin de la tête, je suis une quinziste et j’espère y revenir prochainement.

En Top 14 on voit émerger des « fils de » (Penaud, Ntamack…), et chez les filles ?

À Blagnac on avait la fille Deylaud mais je ne sais pas trop, je ne crois pas qu’il y en ait beaucoup. Mais pour la plupart, elles viennent d’un cercle familial très tourné vers le rugby. Mon père a fait du rugby par exemple.

Tu as été beaucoup touchée par les blessures pendant ta carrière ? Ton nez ?

Pas du tout, je touche du bois… Mon nez ? Tu vas me raconter qui t'a dit ça et je me vengerai ! (rires)

Bien évidemment, j'ai balancé ma source qui recevra probablement un colis piégé très prochainement. 

Peux-tu analyser rapidement le match des Bleues ?

C’était un match engagé, la France a rivalisé, conditions climatiques difficiles ne permettant pas d’envoyer du jeu. On a vu que les défenses étaient en place, j’espère voir un côté plus offensif samedi. Il fait beau ce week-end ? Je pronostique 21-15 pour les Bleues. Pour les Bleus, je dirais 35-22. Optimiste !

Il risque de pleuvoir à Grenoble samedi... N'allez pas parier tout de suite.

Allez on se rentre dedans

Une anecdote croustillante à nous faire partager pour commencer ?

Je peux parler de Céline Ferrer qui m’a pété le nez du coup… C’est en me faisant tomber, une chute banale comme ça arrive à tout le monde ! (rires)

Que dire de l'expression "On n'est pas des gonzesses !" employée généralement par les équipes masculines ?

On pourrait le dire nous aussi tellement c’est une expression qui est ancrée dans les mœurs, ça ne me choque pas franchement.

Si un(e) jeune qui débute veut devenir le nouveau ou la nouvelle Marjorie Mayans. Que ne doit-il pas faire ?

Il ne faut pas louper les séances de physique en étant jeune. Je me suis rattrapée après ! Mais en jeune j’étais plutôt fainéante, jusqu’à mes 18 ans… Je voulais juste jouer au rugby à la base, j’ai dû m’y mettre vraiment quand j’ai commencé à faire des stages en Equipe de France. Courir pour courir ça ne m’intéressait pas… Autant qu’il y ait un ballon.

Sur une échelle de 1 à 10. Le 1 correspond au sans gluten et le 10 au cholestérol. Tu te situes où ?

Je mettrais 6. Je fais attention, mais j’adore bien manger.

Peux-tu me raconter ta 3e mi-temps après le Grand Chelem de 2018 ?

Je peux, je m’en souviens ! On a fait une très très bonne soirée avec les moins de 20 d’ailleurs, et on a remis ça le lendemain, ils avaient réservé un bar dans Paris. On a été obligé de refaire une soirée, ça m’a embêté royalement tu imagines bien … J’y ai fait une terrible chute, que personne n’a remarqué d’ailleurs, ça deviendrait presque un hobby et si ça se trouve c’est à cause de Ferrer encore ! (rires)

Tu voulais devenir policière. Plutôt good cop ou bad cop ?

C’est un de mes projets, j’ai fait du droit. Après il y a les concours, d’autres projets en tête et il faut trouver le temps dans tout ça. Mais plutôt good cop, je suis une gentille moi.

Tu te souviens de Stacey Flood ? Tu sais ce que sont devenues ses côtes ?

C’est l’Irlandaise ? La pauvre, j’adore les Irlandaises en plus. Je pense qu’elle avait mal digéré son petit dej’, c’est pour ça qu’elle a vomi en suivant. Je n’y suis pour rien !

Après Moscato, cite-nous un joueur/une joueuse capable de remporter Danse Avec Les Stars.

Moi non ! J’ai vu que Sofiane Guitoune avait dit qu’il pouvait y participer, prétentieux… Gaëlle Mignot ! Tu la verrais danser franchement c’est quelque chose. Ou alors plutôt dans Incroyable Talent, je ne sais pas trop. Il faudrait presque lui inventer une émission.

Quel est le joueur que tu bades ? Celui dont tu as peur ?

J’aime bien regarder un peu tout le monde, il n’y a personne en particulier, j’aime bien me créer ma propre personnalité. Il y a des gens que l’on n’a pas envie d’affronter. Fanny Horta par exemple et ses appuis de feu, j’ai peur de prendre un crochet. Camille Grassineau quand on s’entraine, j’ai peur de prendre un timbre. Il y a des gens comme ça, qui marquent.

Qui est la chouchou en Equipe de France ?

Ce n’est pas péjoratif, on est d’accord ? A 7 je dirais Amédée Montserrat, c’est la petite jeune, la vice-capitaine. Oui bon, plus très jeune maintenant. Enfin si, encore un peu. À XV, je ne sais pas, en équipe féminine on est plutôt modestes !

Quelle joueuse mériterait-on de découvrir lors d’une interview ?

Pauline Biscarat ou Camille Grassineau, qui sont à 7. Des joueuses dans le circuit depuis très longtemps, très très fortes mais qui n’ont pas été tant médiatisées. Camille c’est une machine de guerre, et Pauline est excellente, c’est aussi une belle personne.

Tu as passé 2 nuits avec un Youtubeur. Comment ça s’est passé ?

Ouais ! C’était surprenant. Il a quand même passé deux vraies nuits, les gens ne ne me croient pas mais il était tout le temps chez moi. Le concept était super cool, mais ça prend du temps, peut être que la prochaine fois je proposerais une nuit, ou 2 heures (rires). En vrai, la personne était super sympa.

Raconte-nous ta meilleure blague ou fais-nous ta meilleure imitation.

Ah non, je n’en ai pas c’est Carla Neisen la meilleure blagueuse ! Je ne suis pas très drôle comme fille…

Tout ceci est faux. Marjorie se la joue modeste.

#Balancetonpote ?

C'était avec Lenaig Corson. Pendant un match international elle a voulu déclencher un temps mort, elle a mis un genou au sol mais sans se rappeler du nom de code pour cela. Quand la kiné est arrivée et lui a demandé où elle avait mal Leny a répondu: " à la tête". Protocole commotion déclenché, Leny a du sortir du terrain.

Pour clore cet entretien. Je te propose de me poser une question à laquelle je répondrai sincèrement. Je suis bon joueur.

Qui t’a payé pour venir m’interviewer ? Tu es venu de toi-même ? (rires)

Je suis venu vers toi de mon plein gré, le rugby féminin m’intéresse de plus en plus et je prends plus de plaisir à en regarder que le rugby masculin. On est encore dans le jeu d’évitement, il y a l’émergence de joueuses talentueuses comme toi ou Romane Ménager qui est également impressionnante ! Il faut donner une part plus importante aux équipes féminines, l’heure est au rééquilibre je pense.

Alors merci, on va bosser pour !

Un mot pour la fin ?

Merci à toi et au Rugbynistère, j’aime l’équipe et j’aime beaucoup ce que vous faites !

RIDEAU LES GARS

Je règle moi-même la tournée, c’était un super moment je lui dois bien ça. Et puis au Rugbynistère nous sommes de véritables gentlemens... Cet entretien était vivifiant et Marjorie Mayans contribue à cette image rafraichissante du rugby féminin. Nos routes se séparent sur le péron de ce troquet très sympathique.

Et maintenant, à qui le tour ?

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Le meilleur article du Rugbynistere de tous les temps. Et je suis tout à fait objectif.

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