Comment l'Île Maurice se développe pour partir à la conquête de l'Olympisme ?
Comment l'Île Maurice se développe pour devenir une future place forte du rugby africain ?
Devenu directeur du rugby à l'Île Maurice, Jean-Baptiste Gobelet nous parle des progrès du projet sur place, qui sert de laboratoire pour World Rugby.

Il est né à Tulle, s'est révélé à Biarritz, a porté le maillot du Stade Français Paris et terminé sa carrière aux Etats-Unis, à San Diego. Entre temps, Jean-Baptiste Gobelet a également parcouru le monde avec l'équipe de France de rugby à 7. Est-on vraiment étonné de le retrouver... à l'Île Maurice ? Directeur de l'équipe nationale de la Fédération, Jamba s'était confié il y a un an sur le projet.

L'occasion de faire le point avec lui, alors que les Jeux des Îles ont eu lieu cet été.

Rugby à VII, JO 2024 : le rugby mauricien en pleine mutation grâce à Jean-Baptiste GobeletRugby à VII, JO 2024 : le rugby mauricien en pleine mutation grâce à Jean-Baptiste Gobelet


Un succès pour Maurice

Fin juillet, Maurice a donc organisé un événement majeur pour l’océan indien, qui équivaut aux Jeux Panaméricains : les Jeux des Îles. C’était assez surprenant, il y a eu un réel engouement de la part du pays qui se préparait en amont depuis deux-trois ans, pour gagner un maximum de médaille.” Nation en pleine émergence dans le sport, Maurice termine finalement première de la compétition, toutes disciplines confondues, avec 124 médailles dont 92 en or. “Ces Jeux donnent un indicateur fort pour le sport à Maurice, ils ont mis les moyens humains et financiers pour être à ce niveau-là. L’Île Maurice est la 7e nation africaine pour l’olympisme avec l’haltérophilie qui truste des médailles.” Et le rugby dans tout ça ? Pour la première fois, le Sevens était au programme des Jeux des Îles.

Le tournoi s’est joué entre Mayotte, Maurice, Madagascar et la Réunion. Le niveau était assez relevé avec Madagascar qui fait partie du Top 4 africain à 7, et la Réunion sacrée championne de France cette année. On voulait aller chercher au moins une médaille de bronze. Dans l’ensemble, la logique a été respectée par rapport au nombre de licenciés avec la victoire finale de Madagascar (28 000 licenciés) en finale contre La Réunion (3000). De notre côté, on en compte 600. Ce qui a été bluffant, c’est qu’on a réussi à combler le fossé entre ces deux équipes et nous, chez les seniors comme chez les jeunes (U16, U18). On n’est pas loin de se qualifier pour la finale : ça s’est joué sur deux dernières actions en fin de match, on a eu beaucoup de possession mais la qualité des joueurs de La Réunion - dont l’international français Jordan Sepho ! - a fait la différence. On a un plus petit réservoir (22 joueurs depuis deux ans), c’est pourquoi on travaille sur le développement de nouveaux joueurs.

Maurice est donc passé près d'un exploit en 1/2 finale, handicapée par trois blessures de joueurs majeurs, et de son manque de lucidité dans les 22m adverses. "Il y a eu trop de turnovers qui ont été sanctionnés par des essais. Les joueurs se sont accrochés, cela aurait pu basculer mais ça a craqué sur nos dernieres
possessions. La fatigue a impacté sur notre lucidité. Nous avons manqué de pragmatisme dans les 22m adverses, perdus trop de ballons précieux.
"
Elle remporte tout de meme la médaille bronze face à Mayotte. "Le match de la médaille de bronze contre Mayotte a été difficile à gérer mentalement et
physiquement. Les joueurs mauriciens ont montré beaucoup de caractère pour ramener une médaille méritée." 
"La Réunion avait un système défensif efficace avec beaucoup de pression sur les zones de rucks. Ils ont pu récupérer un bon nombre de ballons pour scorer rapidement dessus." Mais l'équipe s'incline en finale, face à Madagascar. "Le jeu déstructuré est la marque de fabrique du jeu malgache, c'est l'équivalent du jeu fidjien sans la dimension physique. Un jeu de passes et de duels très efficace."

Une préparation intensive, et la jeunesse au pouvoir

"Nos joueurs sont amateurs, mais on les a mis sur un rythme professionnel au niveau de l’intensité et la fréquence d’entraînements, on a aussi fait un stage de Team Building. Ils ont relevé le défi et se sont mis en condition pour pouvoir performer."

Partis une semaine à Stellenbosch, dans le centre d’entraînement des Boks, les Mauriciens ont notamment pu jouer contre l’Université locale… "Le gros souci de Maurice, c’est la dimension mentale. Il y a un réel complexe face aux grosses nations. Quand on joue plusieurs fois la même équipe, ce complexe s’envole. C’est pourquoi il faut multiplier les compétitions, notamment chez les jeunes, pour rivaliser à moyen terme."

Au sein du groupe, cinq joueurs étaient âgés de moins de 18 ans. Lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations, Maurice était d'ailleurs l’équipe la plus jeune ! "On a joué le Kenya, le Zimbabwe… Dans quatre ans, au moment des qualifications olympiques, ces gamins auront 21 ans, avec une expérience déjà considérable. C’est dur, mais ils apprennent dans la difficulté. Si on veut grandir, il faut passer par ces moments."

Tous les joueurs vivent, où ont grandi à l’Île Maurice. "L’un d’entre eux nous a rejoints suite à notre campagne de communication de l’an passé : un jeune Anglais de 17 ans, de parents Mauriciens, qui rêvait de porter le maillot. Il m’a envoyé un mail et je l’ai supervisé a travers le programme UR7s des Anglais. Il nous a rejoint lors de la Coupe d’Afrique, et sera un joueur d‘avenir pour le rugby local."

Un laboratoire pour World Rugby 

Gobelet explique : "Ma mission numéro une, c’est de créer un modèle sportif et économique pour une petite fédération de World Rugby. On est un véritable laboratoire, et ça nous permet de tester de nouveaux formats de jeu, et de règles, comme avec le RugbyX qui arrive en octobre. C’est très enrichissant. Nous sommes très curieux de voir l’evolution du RugbyX, nous allons le tester à travers les catégories d’âge sur Maurice, et faire un bilan de cette expérience avec les joueurs et les coachs."

Qu'est-ce que le RugbyX, la discipline qui pourrait totalement révolutionner le monde du rugby ?Qu'est-ce que le RugbyX, la discipline qui pourrait totalement révolutionner le monde du rugby ?Du RugbyX, mais aussi du XV, du Sevens, du X, du Beach Rugby, et du Quikrip, une version néo-zélandaise du Tag qui permet la transmission du “touché” au “plaqué”. "Environ 70 filles de moins de seize ans sont venus sur du rugby à 7. On a eu la plus grande expansion de licenciés (60%) chez les filles." Un succès sur le terrain qui doit désormais l'être d'un point de vue économique :

C'est la phase 3 du projet Olympique. Les 2 premières phases étaient de crédibiliser le projet sur le sportif avec les deux médailles de bronze remportées en 2018 lors des Jeux Africains de la Jeunesse et 2019 lors des Jeux des Iles. Ensuite d’optimiser la visibilité du rugby à Maurice localement et sur l’Afrique en terme de communication, avec une "Nomination Best Communication" aux Rugby Africa Awards. Le modèle économique, on va se concentrer dessus avec le Président Kevin Venkiah. La transition d’une féderation amateur à professionnelle est nécessaire dans le cadre d’un programme olympique.On veut structurer une Fédération, trouver des financements qui lui permet d’avoir des budgets annuels. On a créé un Business Club, des partenariats stratégiques avec des fédérations similaires à la nôtre mais aussi des places fortes du rugby mondial : Monaco, la FFR, Dubaï, Hong Kong, Singapour, l'Angleterre, l'Afrique du Sud… Tout ça permet d'avoir une passerelle sportive pour les joueurs/coachs, administratives et économiques pour les investisseurs étrangers à Maurice.

Objectif 2022 / 2024

"Notre ambition pour le Programme Olympique Mauritius2024, c'est de qualifier l’équipe féminine pour les JO de Paris." Le Tricolore annonce la couleur. "On cible la génération des YOG2022 (Youth Olympic Games). Ces filles de 16 ans ont un niveau athlétique très élevés, cela nous laisse quatre ans pour amener ces filles au graal olympique. Le TQO sera plus accessible chez les filles que chez les hommes. Côté ommes, on va jouer la CAR à 7 en novembre à Jo’Burg. Ainsi
que la CAR à XV au Sénégal le 30 novembre. Nous allons aussi se concentrer sur les jeunes de la generation YOG2022.
"

Mais à Maurice, l'accent n'est pas seulement mis sur la Haute Performance. "Le slogan doit permettre à la Fédération de grandir et de se développer. On veut augmenter le nombre de licenciés, démocratiser le sport sur l’Île. On a passé un accord avec le Ministère de l’éducation : le rugby va se pratiquer dans toutes les écoles de Maurice. On touche 26 000 gamins à partir de cette année."

En 2019, 200 médecins, infirmiers, et physios ont passé les diplômes World Rugby. "On est le seul pays africain à avoir eu autant de formations médicales cette année. Maintenant, il faut aussi former les arbitres, les coachs, les préparateurs physiques, afin d'assurer les bases pour le futur."

Augmenter le réservoir

"Le Rugby est important à Maurice. Les clubs historiques épaulent les cinq clubs créés en 2018. Il faut les renforcer, les aider. Ils sont principalement composés de Créoles. On démocratise beaucoup le rugby, c’est un travail de tous les jours, éduquer les joueurs et surtout les parents à la discipline du rugby inconnue pour eux... Il y a du talent : j’ai eu la chance d’aller aux Fidji, et je retrouve exactement les mêmes qualités athlétiques et gestuelles chez ces jeunes."

Le prochain objectif clair, pour le rugby à Maurice ? Les Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2022, qui auront lieu à Dakar. "C’est une génération qui a actuellement 15/16 ans, qui en aura 20 lors des prochains JO. En sortant chaque année des cinq ou six joueurs capables de représenter l'équipe nationale, on va augmenter le réservoir considérablement."

La crème des formateurs pour la base

Les problématiques de Maurice est proche de celle... du Pays de Galles, qui domine l'Europe malgré un faible nombre de licenciés (40 000). Gobelet explique :

Le Pays de Galles, c’est un énorme travail de formation, avec les meilleures compétences du pays mises au service des jeunes. Mettre tes meilleurs éducateurs chez les seniors, ça ne sert pas à grand chose : les joueurs sont déjà formatés. Si tu veux changer, il faut aller à la base. Et tu ne peux pas copier un style anglais, sud-africain... Il faut s’adapter à la population que tu as, aux morphotypes de tes joueurs.

Lors des Jeux des Îles, Maurice a souffert de son manque de réservoir de joueurs. "On a des joueurs intelligents, de très bons passeurs, avec une capacité à tenir le ballon, faire bouger les blocs défensifs. Nous devons créer notre propre ADN du rugby mauricien afin d’être compétitif dans le futur. Recruter quelques joueurs athletiques pouvant faire la différence, et les encadrer intelligement."

La suite, maintenant ? Augmenter ce réservoir, encore et toujours. Un manager sera en charge de centraliser les Mauriciens évoluant en Europe, les regrouper deux fois par an, les pister. L'un deux jouent d'ailleurs chez les professionnels : auteur de trois essais en huit matchs avec le Biarritz Olympique, l'arrière Kyran Bungaroo vient de rejoindre Leicester. "C’est un joueur mauricien que je suis comme beaucoup d’autres. Il a une carrière à gerer, il aura le temps
d’ici 2024 de voir l’évolution de notre travail et de s’investir par la suite. Nous avons énormement de demandes du monde entier qui désirent porter le maillot mauricien, et nous rejoindre dans l’aventure olympique."

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  • AKA
    70534 points
  • il y a 4 ans

JB a récupéré sa Jeep Wrangler, sa planche de surf?

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