On a vu le film « Mercenaire » de Sacha Wolff : notre avis
On a vu le film « Mercenaire » de Sacha Wolff : notre avis.

Le 5 octobre, le film « Mercenaire » débarque dans toutes les bonnes salles de cinéma. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier festival de Cannes, le premier film de Sacha Wolff jouit déjà d'un bon bouche à oreille. Grâce à Ad Vitam Distribution, le Rugbynistère a pu voir le film et c'est Ovale Masqué qui s'est collé à l'exercice de la critique. Rassurez-vous, pour une fois, il a décidé d'être gentil...

Le pitch :

Soane, un jeune rugbyman wallisien, est approché par un certain Abraham, qui lui propose de quitter Nouméa pour intégrer un club en Métropole. Séduit par les promesses de gloire de cet agent qu’on devine très vite un brin véreux, Soane décide de s’envoler vers Paris contre l’avis de son père, Leone, un charmant type qui aime se promener avec une machette et/ou un fusil sur lui, et qui colle des raclées à ses fils entre deux trois cuites au mauvais whisky.

Dès son arrivée à Roissy, le transfert capote : Abraham avait promis au recruteur un pilier de 140 kilos. Soane n’affiche qu’un « petit » 110 kilos sur la balance. On lui demande donc gentiment de rentrer chez lui. Mais Soane n’a aucune envie de retourner chez sa famille. Il contacte donc Sosefo, un ami de sa famille qui joue en Pro D2 au SU Agen.  

Ce dernier va faire jouer ses connexions pour lui permettre d’intégrer un petit club de la région. Une « équipe  de merde » (dixit Soane) où l’on trouve d’autres mercenaires comme lui : Vasil le géorgien, Angelo l’argentin. Avec un défraiement de 400 euros par mois, Soane entame donc sa carrière de rugbyman et son parcours initiatique, bien loin de son île natale.

L’avis du Rugbynistère :

Si vous êtes fan de rugby et cinéphile, vous attendez sûrement depuis longtemps le film référence sur votre sport favori. Car les films mettant à l’honneur le ballon ovale sont rares. Ces dernières années, il y en a quelques-uns qui ont pointé le bout de leur nez, mais la qualité n’a pour l’instant pas vraiment été au rendez-vous. Oui, on ne fera pas offense à Clint Eastwood en affirmant que « Invictus » n’était pas vraiment le sommet de sa carrière de réalisateur. Et si Philippe Guillard a toute notre sympathie, « Le Fils à Jo » avait plus l’allure d’un gentillet téléfilm que d’un chef d’oeuvre du 7ème art. Et tant pis si cet avis me vaut de me faire insulter dans les commentaires.

La question est donc de savoir si « Mercenaire », premier film du réalisateur Sacha Wolff, va enfin relever le niveau (et la mêlée). Votre serviteur a pu voir le film en avant-première et vous livre son verdict : oui, ce film est bon. Même si au final, il ne s’agit pas vraiment d’un film sur le rugby.

En effet, le sujet principal de Mercenaire, c’est son héros, Soane. Un jeune homme qui tente de fuir un environnement familial aussi joyeux qu'un repas de Noël en compagnie de Vern Cotter et Guy Novès, pour poursuivre son rêve de gloire en métropole. Et malheureusement pour lui, tout ne va pas se passer comme il l’espérait. Ce film nous raconte son parcours, son déracinement, ses errances, et n’hésite pas à montrer le côté obscur de l'ovalie. Joueurs étrangers traités comme du bétail, bagarres, racisme, dopage, troisième mi-temps trop arrosées, salaires non payés à cause de la DNACG… on n’est clairement pas dans un spot de pub de la FFR.

L’habituelle glorification des belles valeurs de rugby est donc ici totalement absente, même si l’on peut tout de même assister à quelques belles séquences de camaraderie dans les vestiaires ou en troisième mi-temps, histoire de nous rappeler que tout n’est pas si noir au pays des gros musclés qui aiment se rentrer dedans les dimanche après-midi.

Mercenaire est donc un film qui se passe dans l’univers du rugby, mais nous montre rarement du rugby. Les scènes de match sont peu nombreuses, mais elles ont le mérite d’être assez bien filmées. Le parti pris du réalisateur est d’éviter les effets de style ou la surenchère dans le spectaculaire, et de se rapprocher d’un style documentaire. On est plongés dans l’action de banals matchs de niveau amateur, loin des ralentis pompeux sur le brushing de Matt Damon et du jeu en mode Jonah Lomu Rugby que l'on a pu voir dans Invictus. Et c'est pas plus mal.

Les scènes de rugby sont crédibles, ce qui n’est pas surprenant quand on on sait que Soane est incarné par un vrai rugbyman de 20 ans, Toki Pilioko, qui évolue chez les espoirs d’Aurillac. Ce dernier s’en sort d’ailleurs plutôt bien dans le rôle le titre. Ne vous attendez pas à une performance façon Di Caprio sous LSD : Soane est un taiseux, qui n’ouvre la bouche que pour baragouiner deux-trois mots d’une petite voix timide. Mais le jeune wallisien dégage quelque chose à l’écran et réussit à rendre son personnage attachant. Les seconds rôles assurent également : Mikaele Tuugahala, l’ancien joueur de Mont-de-Marsan et du Racing, Laurent Pakihivatau (passé par Grenoble, Brive et Lyon) et Petelo Sealeu ont des belles gueules de cinéma. Petit bonus qui fera plaisir aux mélomanes : Omar Hasan est également présent au casting, et nous fait profiter de sa voix de baryton lors de quelques séquences. Rappelons que l’ancien pilier droit du Stade Toulousain s’est lancé dans une carrière de chanteur opéra, soit la reconversion la plus surprenante jamais vue dans le monde du rugby (en attendant que Pascal Papé n'obtienne son doctorat en philosophie médiévale).

Comme tout bon premier film, « Mercenaire » n’est cependant pas exempt de défauts. Des petites maladresses ou facilités de scénarios, quelques dialogues qui sonnent faux par-ci par-là. La dernière partie du métrage, qui tourne un peu au film noir / maffieux, n'est pas non plus ce qu'il y a de plus intéressant et original. Enfin, on peut se demander si cette représentation du monde du rugby amateur sans concessions © ne risque pas de donner une mauvaise image de ce sport à ceux qui ne le connaissent pas très bien. En effet, pas sûr que le dopage, traité comme quelque-chose de parfaitement normal dans le film (le médecin du club parle des « bonbons magiques », Soane parvient à truquer un contrôle antidopage en utilisant un faux zboub et une poche d’urine…), soit une pratique répandue dans tous les clubs amateurs de France. Du moins, on ne l’espère pas. Mais on peut tout de même saluer l’audace du réalisateur qui a décidé de ne pas éluder ces questions taboues dans le monde du rugby. Et pour les bons sentiments et la niaiserie, il vous restera toujours l'épisode de Joséphine Ange Gardien avec Fabien Galthié.

Les + :

  • Enfin un bon film avec du rugby !
  • Pas d’angélisme : on évoque la face sombre de l’ovalie
  • L’ambiance du rugby amateur plutôt bien retranscrite
  • On découvre quelque peu la culture polynésienne
  • Des acteurs convaincants
  • Une réalisation sobre et efficace
  • Une jolie scène finale
  • Omar Hasan qui chante

Les - :

  • … Mais pas vraiment un film sur le rugby.
  • Pas le truc à montrer à votre gamin si vous voulez l’inscrire au rugby.
  • Quelques maladresses.
  • La dernière partie du film un peu moins intéressante
  • Ce n’est pas un défaut, mais si vous êtes fans de blockbusters, là, on est clairement plus sur le terrain du film d’auteur.

La note : 4 fourchettes / 5

Assurément, le visionnage de ce film vous sera moins douloureux qu’un tête à tête avec Matthieu Ugalde.

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Vu hier au cinoche de Cadillac, avec en invités (de luxe) Hugh Chalmers et Sébastien Taofifenua ! C'est un bon film qui se passe, comme le dit l'article, dans l'univers du rugby, avec le rugby en toile de fond mais qui, au final, cause plus du passage à l'âge adulte du héros, de son évolution. Et comme le dis je sais plus qui plus bas, c'est vrai qu'on a l'impression que toutes les tuiles lui arrivent, m'enfin y'a des choses très réalistes, aux dires des deux comparses de l'UBB, notamment le manque total d'info pour les joueurs qui débarquent sur les conditions qui les attendent. Chalmers disait que quand il est arrivé à Montluçon (!) après une saison en Angleterre, on l'a recruté en lui promettant la 2ème division, ça lui paraissait être un bon choix. 2ème division, oui... mais de la Fédérale ! Quant à Taofifenua, lui est né à Mont-de-Marsan mais apparemment son père a suivi peu ou prou le parcours décrit dans le film.
Donc, pas un documentaire (heureusement pour les gars de Fumel, pas vraiment à leur avantage !), plutôt un mélange avec le film de genre, mais ça passe très bien ! Et les acteurs, bien qu'amateurs, sont excellents !

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