Mauvais résultats : l’entraîneur seul responsable ?
La valse des entraineurs de Top 14 décortiquée et commentée par notre chroniqueur Ludovic Ninet. L'entraineur est-il le seul responsable des mauvais résultats de son équipe ?
Bonjour à tous, et bienvenue sur cette nouvelle chronique, "Les intellos du Rugby - Analyses à grands coups de tronche"... Et pour une fois, c'est du premier degré : il va falloir réfléchir :-)
Cet espace sera animé par Ludovic Ninet, que vous connaissez peut-être à travers son blog rugbyconnection.com, et aura pour objectif de pousser un peu la réflexion sur certains sujets d'actualité rugby. L'idée est aussi pourquoi pas d'y organiser des débats, par l'intermédiaire d'une nouvelle fonctionnalité que le Rugbynistère dévoilera prochainement. En attendant, on espère que ça vous plaira. N'hésitez pas à échanger vos points de vue avec lui, et avec nous aussi. Allez, caramel amical et bonne lecture à tous !

Jean-Pierre Elissalde remercié, et hop, un entraineur de plus sur le carreau, évincé en cours d’exercice faute de résultats (après Delmas à l’USAP et Gajan, Th. Lièvremont et Tauzin à Bayonne, déjà). Depuis 2005-2006 (première saison de Top 14), 32 entraîneurs ont ainsi été limogés pendant la saison, soit cinq par an en moyenne, révélait L’Equipe le 28 décembre dernier. En 2002, jeune journaliste dans ce journal, je produisais l’une de mes premières enquêtes sur ce sujet : huit entraineurs avaient été lourdés en cours d’exercice, c’était une première dans le rugby découvrant encore le professionnalisme. On s’en émouvait, se comparait avec crainte au football et ses dérives. Finalement, dix ans plus tard, la recette est devenue monnaie courante. Pour quelles raisons ? La compétence (multiple) des techniciens est-elle réellement seule en jeu ?

Elle l’est, c’est une certitude. Elle l’est d’autant plus que le poste requiert désormais d’autres compétences que le seul savoir rugbystique. Il y a tout un environnement à maîtriser dans lequel l’entraîneur-manager-directeur sportif se situe au cœur, entre le président et les joueurs. Comme le pilier droit en mêlée, il est la pierre angulaire du club. Il devrait donc être protégé, il est souvent le premier fusible. Pour la simple et bonne raison qu’il est toujours plus facile de se séparer d’un homme que d’un effectif entier…

Jean-Pierre Elissalde m’a souvent parlé de la nécessité d’une relation de confiance forte entre un président et son manager. La politique sportive d’un club doit se décider entre ces deux hommes, le premier donnant ensuite au second les moyens de la mener en le laissant totalement maître dans son domaine. Comme par hasard, les exemples de club durablement compétitifs proposent ce schéma relationnel (Toulouse : Bouscatel-Novès ; Clermont : Fontès-Lhermet-Cotter ; Perpignan : Goze-Brunel ; Biarritz : Martin-Lagisquet). Et, si l’indépendance des techniciens « s’achète » évidemment avec les résultats sportifs, je persiste à croire que l’interventionnisme (recrutement fait du président, intervention dans le choix des joueurs, etc.), l’ego, le manque de vision à long terme, la pression financière d’engagements pris sans recul ni réalisme sont autant de facteurs émanant des présidents qui compromettent le projet sportif et, parfois, la construction progressive qu’il suppose.

On peut parler méthode de management ou plan de jeu, quand un président dit à son entraineur de ménager dans la critique son mauvais pilier droit parce qu’il en existe peu sur le marché et que ce dernier menace de changer de club, quand un président décide seul du recrutement de stars payées le triple (ou le quintuple) du reste du vestiaire sans chercher à équilibrer son groupe à chaque poste, de sérénité il ne peut exister. La passion, la pulsion prennent le pas. Les investissements sont devenus énormes (pour que le salaire moyen soit de plus de 13.000 euros bruts mensuels hors prime en Top 14, c’est que les plus hauts émoluments atteignent les 40.000 euros), ils sont souvent réalisés sur la base d’une croissance espérée reposant sur les résultats sportifs, seuls vrais leviers. Quelques mauvais résultats, la courbe s’infléchit, c’est forcément la panique.

Dans ce contexte, les techniciens avec une vraie vision globale du jeu et de la façon de le faire pratiquer par leurs joueurs, ceux dont je dirais qu’ils ont leur rugby dans la tête (les quatre susnommés auxquels j’ajoute sans hésiter Galthié ou le duo Lanta-Deylaud, par exemple), s’en sortent souvent mieux. Quoique le cas d’Agen et de son président Alain Tingaud se séparant d’entraineurs en pleine réussite, après celui de Perpignan (Goze recrutant Delmas mais lui refusant son staff, la greffe, étonnamment, n’a pas pris), nous prouve combien les décisions présidentielles peuvent manquer de rationalité.

Je n’oublie pas les joueurs. Le cas bayonnais est, à mon sens, tout à fait évocateur de la passivité dont ces derniers sont capables en cas de crise, au point de les croire désinvestis de leur mission première : tout mettre en œuvre, individuellement et collectivement, pour gagner chaque week-end. Leur responsabilisation s’amenuise-t-elle à mesure que leur rémunération croît ? Bien sûr, un entraineur doit être entrainant, doit insuffler une dynamique, doit savoir tirer le meilleur de chacun, doit être clair et précis dans son projet de jeu. S’il n’y parvient pas, pour des raisons de compétence individuelle et/ou contextuelles comme expliqué plus haut, le joueur doit-il s’en plaindre à son président ? s’en moquer et chercher un autre club pour la saison prochaine ? ou sortir le bleu de chauffe, prendre les affaires en main et se battre pour relever son club ? On aimerait tous, je crois, la dernière solution. Elle n’est pourtant pas (plus ?) forcément évidente…

Alors, l’entraîneur premier fusible par simplification, malheureusement oui, mais seul responsable ?

Merci à Ludovic Ninet pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • leminet34
  • il y a 10 ans

Bon derby LOU & CSBJ. bonne chronique à voir

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