Episode 2 : Même dans son cercueil, Richie McCaw a l'air hors-jeu
Ovale Masqué s'en va assister à l'enterrement de Richie McCaw...
Suite de la série policière de l'été. Aujourd'hui c'est l'enterrement de Richie McCaw, tragiquement disparu la semaine dernière...

OAMARU – Nouvelle-Zélande

Ils étaient venus, ils étaient tous là. Toute la grande famille de l'Ovalie, d'habitude si prompte à s'entre-déchirer. Grandes pontes de l'IRB, joueurs, entraîneurs, journalistes, parasites professionnels... tout le gratin des deux hémisphères s'était réuni dans la petite ville d'Oamaru. Un trou perdu au fin fond de la province d'Otago, qui n'avait sans doute jamais vu un tel attroupement. Tour à tour, les prestigieux invités venaient se recueillir devant la dépouille du défunt. Certains s'avançaient même vers le micro qui avait été installé devant, sur une petite scène, pour lui rendre un dernier hommage. « Le meilleur d'entre nous ». « Un grand joueur, un capitaine extraordinaire ». « Il a révolutionné le jeu de troisième ligne ». Quand il était encore sur les terrains, la moitié de ces mecs ne pouvaient pas le piffrer. Mais bon, il paraît que tous les cadavres sont beaux. Même celui de Richie McCaw.

Alors que j'assistais mi-indifférent, mi-amusé à ce splendide défilé de faux-culs, un homme s'est avancé vers moi pour me parler. J'ai tout de suite reconnu Renvoi Profond, mon ancien mentor, lorsque j'étais encore agent secret pour la FFR.

- Regarde moi cette enflure. Même dans son cercueil, il a toujours l'air d'être hors-jeu.

- Ca fait plaisir de te retrouver, Ovale Masqué. Je savais que tu viendrais.

- Je regrette déjà. Ca sent l'entourloupe à plein nez. Comme d'habitude.

- Peut-être. Mais toi, t'es un peu comme David Marty quand il tente une passe sautée. Tu sais que ça va mal finir, mais tu peux pas t'empêcher d'essayer.

- Toi et ton don pour les métaphores. Bon, trêve de politesses. Pourquoi je suis ici ?

- Et bien, tu es là pour rendre hommage à un grand homme.

- Tu parles. C'est pas moi qui vais pleurer pour lui.

- Oui, je sais bien. De toute façon, toi, depuis la mort de Lady Di, plus rien ne peux t'atteindre, pas vrai mon petit Ovalou ?

- Au lieu de te foutre de ma gueule, tu pourrais peut-être répondre à ma question ? Parce que j'imagine que tu m'as pas fait faire 24h d'avion pour que je vienne chanter une chanson sur scène.

- On observe. On écoute. Regarde bien autour de toi. Prends des notes.


Je jetais un coup d'oeil par dessus mon épaule. Derrière nous, assis au milieu de la foule, se trouvait Craig Joubert, vêtu d'un voile noir sur le visage. Inconsolable, il pleurait à chaudes larmes et n'arrêtait pas de se moucher bruyamment. Wayne Barnes essayait de le consoler en lui tapotant sur le dos, mais il n'y avait vraiment rien à faire. Il était absolument dévasté. Non loin de là, Steve Walsh semblait nettement moins affecté. Il n'était que 17h, mais sa montre à lui indiquait déjà 3 grammes du matin. Il était en train de draguer les cheerleaders des Crusaders. Lourdement. Mais ça marchait. Après tout, c'était Steve Walsh.

Philippe Saint-André était là lui aussi. Et lui aussi pleurait. Ou alors il était comme d'habitude, c'était difficile à dire. Il était accompagné par Thierry Dusautoir. Tout de noir vêtu, raide comme un piquet, le visage fermé, son casque vissé sur la tête. Je suppose qu'il dort aussi avec. Dans un coin de la salle, un homme jouait les DJ. Croyez-le ou non : c'était Max Guazzini. Réputé pour ses talents d'organisateur de Grand-Messe, il avait été désigné par l'IRB pour s'occuper de l'accompagnement musical de la soirée. Il nous passait donc tous les plus grands standards dépressifs de Dalida et d'Adamo. Il ne manquait plus qu'un nain et on était en plein film de David Lynch.

C'est alors qu'un grand crissement de pneus est venu troubler cette ambiance feutrée. Je me suis dirigé vers l'entrée pour voir ce qu'il se passait. C'était Mourad Boudjellal. Le président du RCT venait de garer sa Maserati rutilante devant l'Eglise. Les agents de sécurité ont alors fait ce qu'ils font tous quand ils voient un arabe dans le coin, et ont tenté de l'empêcher d'entrer. Immédiatement, il a sorti deux liasses de billets, et les a glissés dans les poches des deux gorilles, qui se sont regardés pendant plusieurs secondes sans réagir, avant de hausser les épaules et de le laisser passer. Mourad n'était apparemment pas attendu. Il n'avait pas respecté le dress code, puisqu'il portait un costard blanc d'un goût douteux. Tout sourire, il s'est faufilé à travers l'assistance, a serré des mains à droite à gauche. Dès qu'il repérait un joueur néo-zélandais, sud-africain ou australien, il donnait sa carte de visite, ainsi qu'une brochure de l'office du tourisme de « Carqueiranne beach ». Pour un business man de sa trempe, même un enterrement reste une bonne occasion de faire des affaires. Après tout, Mourad avait un album Panini taille réelle à compléter.

- C'est bien beau tout ça. Mais je comprends toujours pas ce que je fous là.

- Tu es là pour mener l'enquête.

- Pardon ? Quelle enquête ?

- Ce n'était pas un accident. Richie McCaw a été assassiné.

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  • Kadova
    31090 points
  • il y a 11 ans

Jolii, tres joliii.
Vivement l'enquete !

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