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RUGBY FÉMININ. Fédérale 2 - Qui sont les joueuses du RC Vincennes ?
Y a une paire de chaussettes qui déconne, non ? Crédit photo : RCV - Rugby Club Vincennes Féminines
Avant d'affronter le LORC Marquettois, les joueuses du RC Vincennes évoquent leur équipe, leur saison, et le rugby féminin en général.

Bonjour Agathe, Camille et Bertille, pouvez-vous vous présenter ?

Agathe : Je joue ailière. J'avais fait un an et demi à Vincennes il y a 3 ans, et avait dû arrêter à cause du rythme de mon boulot du moment. A l'époque, l'équipe était très fournie et on avait de très bonnes joueuses, qui ont changé de club depuis pour monter en niveau, donc je n'ai jamais été sur une feuille de match. Cette année si, et ça change quand même beaucoup ma façon de m'impliquer (normal en même temps). Donc pas beaucoup d'expérience de mon côté, mais une grosse envie de m'améliorer avec l'équipe !

Camille :  Je joue 2e ligne. J'ai commencé en universitaire il y a cinq ans. Suite à une blessure, j'ai arrêté pendant un bout de temps et j'ai repris à 7 à Tourcoing. En arrivant sur Paris pour le boulot, j'ai débarqué à Vincennes (septembre 2017) dans une équipe ultra-bonne, qui jouait, avec un bon état d'esprit, de la cohésion (#valeurs). Ça a été le coup de foudre pour le XV et j'ai choisi de rester cette année malgré les nombreux départs (des plus expérimentées, sinon c'est pas drôle).

Bertille : Ancienne gymnaste j'étais été "forcé" par UNE collègue pour essayer le rugby et j'ai adoré ! J'ai commencé deuxième ligne maintenant je suis troisième ligne et j'experimente le poste de centre.

Oui, j'ai cru voir que ça avait pu vous jouer des tours sur votre premier match (défaite 80-0 à Arras). Ça a dû être festif !

Camille : Pour l'autre équipe, ouais ! (rires) Je vais pas dire qu'on s'y attendait, mais ça a été compliqué (plus que prévu).

Après les départs à l'intersaison, c'était difficile de refaire une équipe ? Avez-vous pu faire venir de nouvelles joueuses ?

Camille : On va pas se mentir, ça a été très compliqué : on a sorti des flyers qu'on a collés un peu partout, utilisation des réseaux sociaux (surtout Instagram et Facebook), on a mis des annonces dans le journal de la ville, etc. Énormément d'actions de la part des joueuses qui relaient beaucoup les infos et améliorent la diffusion, et ça paye : aujourd'hui, on est un trentaine de filles, dont une grosse vingtaine à être en licence compétition.

Arrivez-vous à avoir des remplaçantes tous les week-ends ? Vous êtes combien ce dimanche ?

Camille : Joker ! On est en attente de licences (encore en traitement à la FFR), et on croise les doigts pour avoir les cinq licences qui nous manquent pour dimanche pour être 19 sur la feuille de match. Au dernier match on avait des remplaçants. Enfin, une ou deux, je sais plus bien !

Ça se passait aussi comme ça la saison dernière ? 

Camille : Il y avait une quarantaine de filles l'an dernier en début de saison, donc ça allait vraiment nickel. Et à partir de janvier, entre les blessures et les filles qui sont parties à l'étranger, on a fini la saison à 16-17 sur la feuille de match. Ça ne nous a pas empêché de faire des matches solides (qu'on perd, mais pas toujours de beaucoup), avec une équipe remontée qui s'arrachait pendant 80 minutes. Je crois qu'on a fini 5e ou 6e de notre poule, ce qui n'était pas du tout ce qu'on attendait (on visait la montée en début d'année). Mais on ne peut pas toujours tout prévoir... Cette année il y a plus de nouvelles, donc il faut aussi le temps de prendre ses marques, d'apprendre à jouer ensemble. Début de saison compliqué : premier match contre une équipe bien en place qui venait du VII. On a quelques occasions mais ça n'est pas concluant, et derrière on se prend des essais sur une défense pas en ligne, des erreurs de communication... des choses qu'on travaille à l'entrainement aujourd'hui.

C'est la deuxième fois que tu évoques le VII, apporte-t-il un avantage net à ce niveau de jeu ? Avez-vous vous-même des joueuses de l'équipe qui pratiquent les deux disciplines ?

Camille : Je pense que c'est complémentaire. L'an dernier, les règles en Fédérale 2 indiquaient qu'il fallait engager une équipe de VII si on avait une équipe de 15. Je pense que ça a permis à certaines joueuses à Vincennes (et notamment des filles sans trop de temps de jeu à 15) de se révéler, de gagner en confiance en soi, de progresser énormément, et ce sont des filles qui sont aujourd'hui excellentes à leurs postes à 15. Ça se voit à tous les niveaux (tu as des filles en équipe de France qui font du VII et du 15 en parfaite complémentarité). Cette année, on a des filles en double licence qui font du 15 et du 10 parce que leurs équipes évoluent dans des championnats différents.

Toutes les joueuses sont-elles amenées à participer aux deux équipes, ou y a-t-il des spécialistes ?

Agathe : Je ne suis pas sûre, mais je pense que ça dépend plus de l'envie des joueuses, c'est le choix du club qui amène à ça.

Camille : Ah, c'est fini cette obligation d'aligner deux équipes. Cette année, on ne fait plus que du 15. Mais l'an dernier, toutes les joueuses pouvaient participer aux deux équipes.

Et celles qui font du 10 le font dans un autre club du coup. Au fait, c'est quoi le 10 ?

Camille : C'est du rugby à 10 :). Les règles sont similaires à celles du 7 et du 15. C'est le nouvel axe de développement de la FFR : avant, c'était un championat de 7, maintenant c'est du 10.

À propos de la FFR, vous avez des choses à partager sur sa gestion du rugby féminin ?

Camille : Pas trop d'avis. Je suis contente de voir qu'on parle de plus en plus du rugby féminin, surtout à haut niveau ! Au-delà de ça, n'étant pas dans l'équipe dirigeante, je ne vois pas trop le travail de la fédé et les relations qu'elle entretient avec les clubs (si ce n'est que ça rame pour donner les licences, mais ça doit être pareil pour tout le monde !). J'ai l'impression que l'engagement vient surtout des clubs, qui se donnent les moyens de développer des équipes de filles, et d'en faire la promotion.

La Coupe du monde de rugby en France a eu un impact plus que positif sur le rugby féminin. Comment l'avez-vous perçu ? Afflux de joueuses, nouveau matériel, nouvelles équipes ?

Agathe : Je me souviens d'un truc que m'avait dit une joueuse sur un site internet qui, en pleine Coupe du monde, n'avait pas un seul maillot pour femme... Et dans le même temps j'ai appris relativement tard (bon, c'était de ma faute, mais pour la promo on peut se poser des questions) qu'en parallèle simultané du Tournoi des VI Nations masculin, il y avait le féminin. Bien sûr, il y a le côté rentable qui joue sur ce qu'ils investissent en marketing, mais on connaît quand même beaucoup moins bien le rugby féminin si on ne s'en donne pas la peine.

A propos des Bleues : que vous inspirent-elles ?

Camille : Marjorie Mayans c'est mon idole (oui je suis 2e ligne, mais c'est pas grave...). Et je ne savais pas qu'on pouvait tomber amoureuse de techniques de plaquage-roulade ! Sinon, ce sont des exemples : elles mènent plusieurs carrières de front (vie étudiante/pro et vie sportive), elles sont normales et abordables.

Bertille : Et surtout, le rugby féminin n'est pas pro... Elles ne sont pas payées par rapport aux garçons donc elles s'investissent à fond dans leur passion. Moi j'aime beaucoup Julie Annery aussi et les soeurs Ménager !

Et vous, niveau équilibre de vie, ça se passe comment ?

Agathe : Perso j'ai juste la fac, donc c'est pas énorme, mais je sens quand même la différence. C'est de l'investissement deux soirs par semaine (avec temps de trajet et fatigue), plus les dimanches de match (qui bloquent le samedi soir). Je pense que sans être investie réellement c'est pas possible, surtout dans une équipe féminine avec peu d'effectif où on a réellement besoin que tout le monde soit là tout le temps (contrairement à une équipe avec de nombreuses remplaçantes). C'est un sport qu'on ne peut pas faire à moitié (déjà rien que pour la partie physique, sinon ça peut être dangereux) et qui demande une réelle implication mentale en plus de la présence physique. Après, contrairement à la plupart des filles, j'ai pas de vrai boulot à côté, donc ça reste beaucoup plus simple pour moi.

Camille : Moi j'ai un boulot, mais pas loin du rugby (choix stratégique) et de chez moi. Franchement, depuis que j'ai commencé le 15, c'est un investissement permanent : la com', les entrainements, les matches... Mais c'est tellement gratifiant ! Je ne regrette clairement pas de faire du rugby.

Agathe : Oui, je l'ai pas précisé, mais forcément ça vaut largement le coup ! La progression, l'ambiance de l'équipe, les moments partagés, les gens qu'on rencontre... Même les petits moments du retour, de détente, une jolie action, un exercice enfin réussi... C'est très satisfaisant ! Et on se forge une équipe de soutien sur laquelle on sait compter, ce que je n'ai jamais trouvé dans d'autres sports.

Bertille : Pour ma part, j'ai un travail où je fais des gros horaires et qui est très prenant, aussi bien mentalement que physiquement, mais je ne pourrais pas m'en passer car c'est un bon échappatoire pour oublier le stress quotidien. Et puis ça m'apporte tellement, humainement ! Je m'organise au max pour continuer. J'aimerais ajouter qu'au-delà du côté sportif pur et dur, le rugby m'a apporté également beaucoup de confiance en moi, l'humilité, et surtout à aimer mon corps (eh oui, les douches collectives au début c'était pas évident !), et je pense que les mecs qui ont fait du rugby ont moins ce problème de regard de l'autre (en général !). Souvent j'ai la question : mais les filles, vous plaquez aussi ? Vous faites des mêlées et des touches ? Ça m'énerve d'entendre ça ! Eh bien oui, on joue comme les garçons, à intensité proportionnelle bien sûr.

Agathe : Oui ! Sur le plan physique c'est top ! Par rapport à tout ce qu'on voit dans la pub, les films, les magazines et tout, c'est génial de voir des VRAIS corps ! Et musculairement aussi, on apprend à se dépasser, et on peut casser des idées qu'on a fini par intégrer, sur notre propore vitesse ou notre force. Et ça fait du bien de s'en rendre compte et de pouvoir cultiver sa puissance, mentalement c'est énorme.

Bertille : Pour l'anecdote, j'ai commencé le rugby pour faire plaisir à une collègue, en me disant « Bon, allez, je vais aller à un entrainement, elle va voir que c'est pas pour moi et elle arrêtera de m'enbêter. » Et puis j'ai fait mon premier plaquage sur une première ligne et je me suis dit : « Ah mais je suis capable de faire ça ! Mais c'est incroyable !! »

Du coup, vous en pensez quoi des rugbymen qui gueulent à tout bout de champ : « On n'est pas des gonzesses !! » ?

Camille : Qu'ils gueulent. On sait ce qu'on vaut... et c'est terrible, mais entre nous on s'appelle parfois « les gars ». Alors qu'on est des filles. C'est vraiment des clichés d'expression à sortir de nos têtes et de notre cultre.

Bertille : S'ils ont besoin de ça pour se sentir virils, c'est moche ! Il faut qu'ils comprennent que physiquement, les hommes et les femmes sont faits différemment, c'est indéniable, donc ils sont forcément plus puissants que nous et les impacts sont plus rudes. Néanmoins, lorsqu'on joue on se prend les mêmes coups, on a aussi mal qu'eux, c'est toujours une question de proportionnalité !

Agathe : C'est surtout énervant parce que oui, bien sûr, le crétin d'1m80 qui nous prend de haut, même avec beaucoup de volonté, en étant réaliste on sait qu'on ne pourra pas le plaquer pour le calmer. Mais c'est vrai que nous regarder en match ça peut rappeler à deux-trois courts d'esprit qu'on mérite tout autant notre place sur le terrain. Un des coachs nous avait dit une fois que généralement les filles étaient plus assidues. Donc « on n'est pas des gonzesses », ça veut dire quoi ? Que ta conception du jeu c'est boire des bières, t'entraîner de temps en temps et compter seulement sur ta force physique pour t'en sortir en match ?

Comme dans beaucoup d'autres champs, on a à « prouver » qu'on mérite notre place, donc je pense qu'on se donne plus. Et aussi, une phrase tirée d'un article que Camille avait partagé : « Le rugby féminin, "same game, our way" ». On ne jouera pas de la même façon parce que ce n'est physiquement pas possible, mais jamais on ne jouera d'une façon moins intéressante ou moins bonne à cause des différences physiques. Et on sait très bien qu'on ne joue pas à faire semblant : rien que depuis septembre, on a au moins trois grosses blessées, dont deux qui ont dû aller faire des IRM, des traumas, des chevilles qui lâchent, des côtes en compote...

Et en attendant, les « gonzesses » encaissent. Avec peut-être même plus de sagesse que les garçons, parce que j'ai l'impression qu'on fait plus attention à notre santé. Je sais que je ne jouerais pas blessée, par exemple. C'est le mot d'ordre, tu t'es abîmée, tu nous manqueras mais on se débrouillera sans toi jusqu'à ton retour. Je connais beaucoup de garçons qui ont continué à jouer blessés, ce qui a bien sûr résulté sur de bien plus gros soucis de santé. Donc pour résumer, on peut bien me dire que je suis une « gonzesse », je m'en fiche tant que je sais ce que ça veut dire, quelqu'un de plus appliqué et de plus responsable, qui jouera donc probablement mieux et plus longtemps.

Merci à Yann Béli pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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Pour ne plus être emmiéllé par quelques pisse-vinaigre qui me reprochent de "vendre mon produit", je ne ferai plus qu'une seule annonce, elle sera sur le premier article de la journée. Qu'on se le dise !

Le sourire d'aujourd'hui : https://lelinzhou.blogspot.com/2018/10/blog-post_20.html

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