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La vie du rugby amateur : les phases finales
Car le rugby, c'est avant tout une histoire de bouclier...
Les beaux jours arrivent. Le championnat touche à sa fin, les moustiques sont de retour. Après un hiver féroce, voici venu le moment où tout prend un sens.

Il est de coutume, dans notre monde qui tourne ovale, de dire que les joueurs éliminés vont à la plage une fois avril venu. C’est totalement faux : ces mecs-là vont au stade, derrière le grillage, et se mordent les lèvres de regret, en regardant les heureux élus prolonger leur plaisir le plus longtemps possible. Gagner ou mourir le temps d’un été : voilà la terrible loi du championnat de France.

Ça y est, le nom de l’adversaire est tombé. Le rendez-vous est pris sur un terrain neutre des plus rustiques, perdu au milieu des champs. Toute la semaine, tu ne penses qu’à ça. Le trésorier du club casse sa tirelire déjà bien trop maigre pour réserver un hôtel perdu dans un coin de France. Dimanche arrive enfin. Malgré les quatre heures de bus, les trente supporters de ton club ont sacrifié leur week-end pour faire le déplacement. Tu ne peux pas les trahir : ils t’ont confié une mission. La défaite n’est pas une option.

Pendant quatre-vingt minutes (parfois même plus), tu donneras tout. Pour ta ville, pour tes couleurs, pour ton club. Et puis l’arbitre siffle trois fois, la sanction tombe. Le tableau est d’une beauté cruelle. Les vainqueurs lèvent les poings au ciel et se sautent dans les bras au milieu des vaincus, les genoux à terre, terrassés par la détresse d’une fin de saison trop vite arrivée. Au pied des poteaux, les yeux embués, le vieux Jean-Mi réalise peu à peu qu’il vient de jouer son dernier match et profite des ultimes instants de sa vie de rugbyman. De l’autre côté du terrain, on pense déjà à dimanche prochain et on commence à rêver. Et puis les victoires s’enchaînent. Les rêves deviennent des espoirs. Les espoirs, des objectifs. D’abord les quarts, puis les demies, et enfin, le pinacle de la saison… la finale.

Le jour J arrive enfin. Tout ton club est là, affublé de ces couleurs qui te sont si chères. Sous un soleil de plomb, l’odeur des grillades te caresse les narines pendant que tu rejoins les vestiaires. Chaque moment a une valeur particulière. Quel que soit le dénouement, l’entraîneur entame son dernier discours, le soigneur coupe ses derniers rouleaux de strap, les plus délicats se donnent les derniers coups de casque. Depuis le couloir, le sifflet de l’arbitre retentit. Le capitaine en premier de cordée, les 23 élus sortent sous le hurlement sourd des cornes des supporters. Au fond du couloir, les nuages de fumigènes se dispersent et laissent apparaître une silhouette familière. Posé fièrement sur son présentoir aux côtés d’un délégué ventripotent en costume, le voilà qui se présente enfin. Le bouclier.

Pour les profanes, une simple gravure en toc posée sur un rectangle de bois. Pour nous, un Grâal que beaucoup ne toucheront jamais. Il est la raison pour laquelle tu es ici, la raison pour laquelle tu as pris ta voiture pour subir d'interminables entraînements dans la nuit, le froid et la boue. La raison pour laquelle tu as travaillé ton lancé, ton replacement, ta touche, ton coup de pied. Tout ça prend un sens aujourd’hui. Tout ça pour voir ton nom gravé sur un putain de morceau de bois, et ce pour l’éternité…

La vie du rugby amateur : le dimanche, c'est rugby

Merci à Yannis Dom pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • Ranor
    35210 points
  • il y a 7 ans

Cette rubrique amateur est vraiment celle qui me fait vibrer le plus! Joueur en folklo, et donc aux antipodes des pros, c'est exactement ça qui me fait aimer le rugby, cet esprit de grands enfants gentiment bagarreurs qui nous anime sur le pré!

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