Pierre Rabadan, ambassadeur du rugby au Burundi
Pierre Rabadan et Salim Tebani au Burundi. / Crédit Photo : Sport Sans Frontières
En mai dernier, le 3e ligne du Stade Français Pierre Rabadan et Salim Tebani se sont rendus au Burundi sur l'invitation de l'association Sport Sans Frontières.
En mai dernier, le troisième ligne du Stade Français Pierre Rabadan et l'ancien talonneur d'Oyonnax Salim Tebani se sont rendus au Burundi sur l'invitation de l'association Sport Sans Frontières. Cinq jours passés dans ce pays pauvre de l'Afrique de l'Est touché par la guerre civile il y a quelques années et plus récemment par de fortes pluies, pour participer à la formation des animateurs locaux à la pratique du rugby. Sport que l'ONG veut utiliser pour venir en aide aux réfugiés climatiques, et plus particulièrement aux enfants, de manière éducative et ludique via son concept, la « Playdagogie ». Une expérience enrichissante pour le Parisien, qui s'était déjà investi avec SSF au Kosovo, très loin des "problèmes" du sport professionnel.

Je n'avais pas pu partir en Haïti en 2011, car j'avais été retenu avec les Barbarians. Le premier objectif était de mettre en avant cette association pour qu'elle puisse plus facilement organiser des choses sur place en accord avec les autorités locales. Le deuxième était bien évidemment de former les animateurs qui sont auprès des enfants toute l'année. Nous leur montrions des exercices tournés autour du rugby avant de les mettre en pratique dans différents endroits. Au Kosovo, nous nous étions rendus dans plusieurs villages alors qu'au Burundi, nous avons été dans des camps de réfugiés climatiques. Le type d'endroit que l'on ne trouve qu'en Afrique. »

Pierre Rabadan, ambassadeur du rugby au Burundi Crédit photo : Sport Sans Frontrières

Pierre Rabadan et Salim Tebani se sont donc rendus sur les rives du lac Tanganyika, près de Bujumbura, la capitale du pays. Dans ces camps mis en place par la Croix-Rouge et l'Unicef vivent des centaines de familles qui ont tout perdu. Autant dire que la vue d'un ballon de rugby a fait sensation. Là-bas, si l'on veut s'offrir la gonfle ovale, il faut débourser 30 euros, soit deux mois de salaire.

C'est un sport qu'ils ne connaissaient pas du tout. Voir un ballon ovale, c'était déjà nouveau et drôle. Bien évidemment, on ne leur a pas fait jouer un match. On leur a appris les règles de base du rugby avec la passe en arrière, etc. Mais l'objectif général est d'inculquer des notions pédagogiques comme un homme et une femme ont les mêmes droits, quand on jette quelque chose par terre, il faut le ramasser. Des choses peut-être basiques pour nous, mais qui ne le sont pas forcément là-bas. Il faut savoir qu'au Burundi, l'école n'est plus payante que depuis seulement un et demi. Avant, il n'y avait même pas la moitié des enfants qui allait à l'école. »

Si le troisième ligne a répondu à l'invitation de Sport Sans Frontières, c'était pour en premier lieu découvrir un pays dont il n'avait seulement entendu parler qu'à la télé, « et pas en bien », et le fonctionnement associatif ailleurs qu'en France avec les impératifs liés à la culture locale, sans oublier les difficultés pour monter des projets humanitaires.

Cela m'a permis de me sortir égoïstement de ce que j'ai l'habitude de connaître. C'était hyper enrichissant d'aller au contact des gens. Quand je suis parti au Kosovo, je ne savais pas trop où je m'aventurais. Pour le Burundi, j'avais plus de certitudes car je connaissais le fonctionnement de l'association. Ce qui m'a le plus impressionné, c'est de voir que le sport a le pouvoir de fédérer les gens qui ne s'étaient jamais vus, qui avaient grandi dans des environnements totalement différents. On s'est rendu compte qu'on avait des points communs et la même vision des choses. Je suis vraiment admiratif du travail qu'ils font au quotidien. C'est rassurant de voir que l'Homme est capable de faire ça. »

Pierre Rabadan, ambassadeur du rugby au Burundi Crédit photo : Sport Sans Frontrières

La suite en page 2

Si la rencontre avec les adultes a marqué le Parisien, celle avec les enfants lui a laissé un souvenir impérissable même s'il n'est resté que cinq jours sur place. « C'était un peu court. »

C'était différent avec les enfants, notamment à cause de la barrière de la langue car aucun parent ne parle anglais. Ce qui est drôle au Burundi, c'est qu'ils ont vu très peu de personnes à la peau blanche. Ils ont l'impression qu'on est sale. Parce que là-bas, quand tu es sale, tu as la peau blanche à cause de la poussière et de la terre. Donc, les enfants nous attrapaient le bras pour le gratter. Ils nous appelaient « Muzungu », ça veut dire l'Homme blanc en Swahili. Si c'était difficile d'échanger avec eux verbalement, on a passé des moments rares dans ce type d'environnement, notamment quand les animateurs les ont fait chanter et puis aussi quand j'ai pris des photos avec mon téléphone. Ça les faisait mourir de rire de se voir sur l'écran quand je faisais des selfies. Au moment de quitter le camp, j'avais toujours cinq enfants accrochés à chaque bras. Les animateurs étaient obligés de faire diversion pour qu'on puisse partir du camp parce qu'ils voulaient qu'on reste jouer avec eux.

C'est malheureusement passé trop vite, mais c'était vraiment enrichissant. Cela nous a fait un choc en arrivant car le Burundi est un pays très pauvre où il n'y a pas de pétrole, pas de tourisme. Mais avec les gens, on a très vite accroché. Ils vivent avec rien, mais cela ne les empêche pas d'être dynamique et d'avoir une volonté d'aller de l'avant.

Pierre Rabadan, ambassadeur du rugby au Burundi Crédit photo : Sport Sans Frontrières

Lors de ce court séjour, Pierre Rabadan et Salim Tebani ont également pu rencontrer le quinze du Burundi, le temps d'un entraînement avant le Tri Nations local qui avait lieu à Kigali, la capitale du Rwanda. La Fédération a seulement un an et demi d'existence. Ses moyens sont très faibles, seulement 1500 euros de budget à l'année, même pas cinq ballons pour s'entraîner (L'Equipe Magazine, 19 juillet 2014), mais l'envie est là.

Ils ne s'entraînent qu'avec deux ballons et sur la largeur d'un terrain de foot car ils n'ont pas de terrain de rugby. J'ai arbitré une opposition avant leur Tri Nations contre le Congo et le Kenya, et même s'il n'y a presque pas d'herbe, ils y allaient à balles réelles. Ils se mettaient des bouchons énormes alors que la terre est dure comme du béton. C'était impressionnant à voir, mais heureusement personne n'a été blessé. Ce jour-là, le président de Fédération (Aimé Nzitunga, ndlr) avait amené 20 litres de lait, et il leur a dit que le meilleur joueur du prochain match aurait droit à deux litres. Les mecs étaient hyper contents. Quand tu vois ça, tu relatives beaucoup. »

Touché par ce qu'il a vu et par les personnes qu'il a rencontrées lors de ses différents séjours avec Sport Sans Frontières, Pierre Rabadan veut désormais s'investir à son niveau pour venir en aide à ces populations.

Je suis en train de voir avec Brian Liebenberg (ancien joueur du Stade Français et du XV de France, ndlr), qui a créé une société qui fabrique des ballons, pour envoyer entre 100 et 200 ballons. Une partie sera destinée à la fédé et le reste ira aux écoles. Ils essaient d'y développer des opérations autour du rugby mais ils n'ont pas de matériel. Je suis en train d'organiser ça avec l'association pour que ça ne résume pas qu'à un simple voyage. Si j'ai l'opportunité de repartir, j'irai sans problème. C'est quelque chose que j'aime faire, et c'est utile pour les ONG mais surtout pour les populations sur place. Quand on évolue dans un monde qui est celui du sport professionnel où tout est fait pour que l'on soit performant, c'est bien d'avoir conscience de cette réalité qui existe pas si loin de chez nous.

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  • feffe
    2693 points
  • il y a 9 ans

il est sympa ce pierre !!

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