Le rugby grec est présent malgré la crise avec les Lions de Thessalonique
Les Lions de Thessalonique prennent la pause.
S'il n'est pas le sport national en Grèce, le rugby tend à se faire connaître. Joueur des Lions de Thessalonique, Jérémy Goubert nous en apprend plus.
Originaire du Cantal, Jérémy Goubert a joué pour plusieurs clubs comme le Stade Maursois ou encore le CUC Aubière où il fut entraîné par Lilian Carrias (troisième ligne aile de l'ASM durant les années 1990) et Morgan Parra. Dans le cadre de ses études de marketing il a choisi de voler vers la Grèce. Un pays actuellement en crise où il a découvert une vraie culture du rugby.

Qu'est-ce qui t'as poussé à aller en Grèce ? Ce n'est pourtant pas le pays du Rugby.

Le choix de la Grèce m'est venu tout naturellement, car je souhaitais me rendre compte de ce qu'est la « crise économique » en Grèce. Dès que j'ai appris que l'université grecque avait accepté de me recevoir, je me suis mis à la recherche d'un club de rugby. À l'époque, mon colocataire « Max » me disait que j'allais être « malheureux » en Grèce sans rugby, car d'après lui, il n'y avait pas de rugby en Grèce. C'était faux.

Comment as-tu découvert ton équipe actuelle, les Lions de Thessalonique ?

C'est sur Youtube que j'ai pu voir les premières vidéos. J'ai trouvé le challenge excitant : jouer en première division grecque. J'ai alors contacté le club via le site internet. Tout s'est fait très naturellement. « Lambis », le talonneur de l'équipe, qui a été le premier à me contacter sur internet, n'arrivait pas à croire tout ce que je lui disais : Morgan Parra était mon dernier entraineur, mon père a vécu dans le même village qu'Olivier Magne (personne très importante aux yeux des rugbymen grecs car ancien sélectionneur).

Il est même allé jusqu'à me demander si je ne me « foutais pas de lui » ! Maintenant, on en rigole. J'ai donc foncé, je suis allé à mon premier entrainement. Ça se déroule à 20 minutes en voiture de Thessalonique. On s'entraine sur un terrain lunaire, à Thermi, direction l'Est et Istanbul. Quand je suis arrivé la première fois, j'ai cherché les vestiaires. L'entraineur m'a alors indiqué les vestiaires : « C'est le camion à côté du stade ». L'an dernier, l'équipe a terminé en 2ème position. Cette année, je veux que l'on devienne champion de Grèce pour soulever le bouclier grec !

Le rugby grec est présent malgré la crise avec les Lions de Thessalonique

Jouer en Grèce ça ne doit pas être simple, surtout avec la barrière de la langue.

J'essaye de faire part de mon vécu rugbystique à cette discipline en pleine construction. Je leur donne des conseils en Anglais (je ne parle pas le Grec !) et certains internationaux m'en donnent aussi parfois. C'est vraiment très enrichissant, rugbystiquement et humainement. Je joue habituellement au poste de seconde ligne. Je peux aussi évoluer au poste de pilier (plutôt à gauche) car je suis d'avantage « mobile » que solide. Enfin tout dépend si j'ai mangé une « Pita », ou un morceau de « Cantal » avant le match ! J'évolue aux côtés d'un international grec en seconde ligne qui compte plusieurs sélections : Chypre, Azerbaïdjan, Monaco, etc. Pour eux, c'est une fierté de porter le maillot de la nationale. Mais cela implique beaucoup de sacrifices. Récemment, un joueur des Lions a été appelé pour disputer le match contre la Finlande. Il n'a pas pu y aller, car il travaillait ce weekend-là. Ici, le travail passe avant tout dans un pays qui compte 27 % de chômage.



Justement comment la population vit-elle cette crise ? Est-ce que le sport et plus particulièrement le rugby font office de défouloir en quelque sorte ?

Quand je suis arrivé, je n'avais pas vraiment l'impression que ce pays était en crise. J'habite le centre, c'est aussi pour cette raison. Plus récemment, j'ai passé un weekend dans l'est du pays, A Xanthi, 2 heures de la frontière Turque. Et là, ça m'a fait froid dans le dos : 2 commerces sur 3 fermés, des rues désertes alors que la population de cette ville s'élève à 65 000 habitants (l'équivalent de Castres).

Ce que je peux dire sur le rugby ici, c'est qu'il permet de souder des jeunes qui n'ont pas un avenir tracé. La solidarité est une valeur importante pour ces Grecs pratiquant le rugby. En France, tu peux être payé pour jouer. En Grèce, tu payes ta licence, ton assurance (qui n'est pas donné d'ailleurs par rapport au revenu grec), tes déplacements (imagine que quand tu joues à Thessalonique, tu dois aller dans la plupart des cas au sud et faire 6 heures de camion) et même, plus étonnant, la location du terrain. Une cotisation est donc demandée à tous les joueurs le jour de match pour louer le terrain.

En France, on se demande souvent quel est le niveau des nations émergentes par rapport au jeu pratiqué dans l'hexagone. Est-ce que tu peux nous éclairer sur ce point ?

Ici, le jeu est plutôt rugueux. Ça joue devant et ça bataille. Dans les rucks, il faut être solide. Les règles actuelles ne sont parfois que partiellement appliquées alors dans les rucks, par moment, tu fermes les yeux ! Quant au niveau de jeu, il se développe. Je pense qu'il est équivalent à la Fédérale 3 en France. Il y a des joueurs qui pourraient certainement postuler à des places en Fédérale 2, voire 1. Il faut savoir que le championnat grec n'existe que depuis 2005. L'arrivée d'Olivier Magne à la tête de l'équipe nationale en 2009 a permis de démocratiser un peu plus le rugby en Grèce même si ce sport reste globalement inconnu de la population.

Une petite anecdote à ce sujet. Avec mon colocataire actuel, on a décidé d'aller manger une pita dans un fast-food grec. Au moment de la commande, le serveur m'écoute et finit par me dire : « C'est quoi ton pendentif autour du cou ? C'est une grenade ? ». Alors j'ai tenté d'y expliquer que c'était un ballon de rugby, mais c'était visiblement compliqué pour lui de le comprendre. Il a fini par me demander : « Tu appartiens à Al-Qaïda ? ». Finalement, j'ai eu ma Pita après lui avoir dit que je jouais au football américain car les Grecs associent le mot rugby au football américain.

Le rugby grec est présent malgré la crise avec les Lions de Thessalonique

J'imagine que les liens que tu as tissés là-bas dans cette situation sont très forts, surtout avec tes coéquipiers. Te vois-tu retourner là-bas dans le cadre de ton futur travail ?

Pourquoi pas pour le travail... Je suis convaincu que le pays peut redresser sa situation économique dans les années qui viennent. Côté rugby, je vais échanger dans les prochains jours avec l'équipe dirigeante de mon club en France pour éventuellement organiser un séjour en Grèce. Le rugby grec mérite tellement de se développer. Je pense qu'on pourrait organiser un match à Thessalonique entre mon équipe Française (le Stade Maursois) et les Lions afin de promouvoir le rugby dans cette ville, et partout en Grèce. J'aurais par contre bien du mal à choisir mon camp à ce moment-là ...
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  • Union
    871 points
  • il y a 9 ans

Joli article, même si je le vois un peu tard 😛 Bon vent au Lions ...

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