Jérémie Zeitoun, ce Français qui a amené le rugby au Kosovo
Jeremie Zeitoun, le Français qui a apporté le rugby au Kosovo.
Le Français Jérémie Zeitoun, co-fondateur du club de Pristina, fait partie des personnes qui ont amené le rugby au Kosovo, il nous raconte son histoire.
Jérémie Zeitoun, ce Français qui a amené le rugby au Kosovo

Le Français Jérémie Zeitoun fait partie des personnes qui ont amené le rugby au Kosovo. Il nous raconte son histoire.

Pourrais-tu nous parler des raisons qui t'ont poussé à t'expatrier au Kosovo ?

Mon départ au Kosovo s'est décidé pour des raisons professionnelles, lorsque j'ai rejoint en 2012 une ONG d'aide au développement. J'ai tout de suite consacré beaucoup de temps au rugby, tout d'abord en parallèle de mon activité professionnelle. Puis lorsque notre programme s'est progressivement développé, j'ai décidé de m'y consacrer à temps plein au début de cette année. Ceci me permet d'être sur plusieurs fronts : non seulement j'entraîne l'équipe de Pristina, mais je contribue également au développement d'autres clubs au Kosovo (à Mitrovica, à Gjilan, à Peja), à la recherche de partenaires, à la visibilité internationale... tout ce qui nous permettra d'établir une véritable Fédération, notre objectif immédiat.

Avant ton arrivée, quel était le niveau de développement de ce sport?

Le club de Pristina, dont je suis l'un des co-fondateurs, est premier club de rugby de l'Histoire récente du Kosovo. Il a vu le jour en février 2013. Quelques tentatives isolées avaient eu lieu par le passé dans la région, notamment du fait des nombreux soldats et personnels de l'ONU anglo-saxons venus au Kosovo dans l'immédiat après-guerre 1998-1999. Mais il s'agissait alors surtout d'un loisir pour "expats" plutôt que d'une réelle volonté de faire bénéficier la population locale de manière durable. Nous en sommes donc encore aux balbutiements du ballon ovale au Kosovo, mais les progrès accomplis en un peu plus d'un an sont remarquables.

As-tu senti une importante demande locale ?

Dans un premier temps, il a fallu démythifier et expliquer le rugby de manière simple et abordable pour les non-initiés. La plupart des Kosovars avaient tendance à l'assimiler au football américain par exemple. Lors d'une présentation que j'ai faite récemment à la faculté de sport, j'ai constaté que seuls 10% des étudiants connaissaient vraiment le rugby. Puis l'intérêt a rapidement augmenté, grâce aux réseaux sociaux notamment et surtout grâce à notre président, Denis Dautaj, un Kosovar ayant joué à Liverpool et au Luxembourg et qui a su donner le goût du rugby à de nombreux jeunes. Un mois après la création du club, nous étions entre 20 et 30 joueurs à chaque entraînement ! Le rugby a été adopté par les Kosovars, friands de sports de contact. Les arts martiaux sont très populaires ici, la boxe et le handball aussi. Par exemple la judokate kosovare championne du monde, Majlinda Kelmendi, est une vraie star ici. Le rugby apparaît aussi comme un sport nouveau et international, deux aspects qui aiguisent la curiosité d'une jeunesse très ouverte sur le monde extérieur.

Les Kosovars ont-ils accès via la télévision à quelques matchs des Six Nations, du Top 14, de Premiership... ?

L'exposition médiatique du rugby est quasi inexistante. Seuls quelques "expats" se pressent à l'Irish Pub de Pristina les jours de Six Nations. Pour le reste, il faut trouver des diffusions sur Internet. L'année dernière, nos jeunes ont pu rencontrer des joueurs de rugby professionnels grâce à l'ONG Sport Sans Frontières, très active au Kosovo, qui a fait venir deux joueurs du Top 14 comme ambassadeurs : Robins Tchalé-Watchou et Pierre Rabadan. Ce fut un plaisir immense pour nos joueurs, qui ont pu avoir pour la première fois une idée concrète du rugby professionnel européen.

A quelles barrières as-tu dû te heurter au début?

La barrière la plus importante, qui perdure encore, est d'ordre financier. Notre seule source de revenu pour 2013-2014 a été à ce jour une subvention de l'Ambassade de France au Kosovo. Un premier pas, mais encore largement insuffisant pour couvrir nos besoins. Dans un pays où 60 % des jeunes sont au chômage et où le taux de pauvreté frise les 30%, difficile de demander à nos joueurs de verser leur écot ! Nous sommes donc à la recherche de sponsors pour financer nos déplacements. Une grande partie du matériel a été donné par des clubs solidaires que nous remercions chaleureusement (en Irlande notamment) et aussi par Robins Tchalé-Watchou et Pierre Rabadan lors de leur séjour.

Jérémie Zeitoun, ce Français qui a amené le rugby au Kosovo

Quel est l'état des infrastructures dédiées au rugby?

Il s'agit là encore d'un obstacle majeur : l'infrastructure rugbystique est inexistante. Plus généralement, l'infrastructure sportive est déficiente au Kosovo. Après la guerre, la priorité des pouvoirs publics a été la reconstruction des bâtiments, des routes, des réseaux d'électricité, d'eau, d'évacuation. Le gouvernement a donc largement laissé la place à l'initiative privée pour les terrains de sport, il n'y a presque pas d'infrastructure publique, communale par exemple. Cela renchérit le coût du sport pour nos clubs qui doivent louer leur accès au terrain la plupart du temps, parfois à des prix prohibitifs, ou s'entraîner sur des terrains vagues.


Vous avez réussi à créer quatre clubs, où en est la création d'une fédération? Quels sont les objectifs à long terme?

Tout d'abord il s'agit d'apprécier le chemin parcouru : fonder quatre clubs en un an, ce n'est pas rien ! Selon la loi kosovare, cinq clubs sont nécessaires avant de pouvoir officiellement fonder une Fédération sportive. Nous avons plusieurs municipalités intéressées pour la formation de ce cinquième club tant attendu, qui devrait voir le jour cet été si tout se passe bien. Nous travaillons en partenariat avec le Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, qui s'est déclaré prêt à nous accueillir dès que les conditions seront remplies. Nous avons également informé les instances internationales. Elles se sont montrées très réceptives et nous encouragent à poursuivre notre effort. La future Fédération Kosovare de Rugby sera bien entendu un candidat naturel à l'adhésion à la FIRA-AER. Nous utilisons aussi le rugby comme outil d'inclusion entre les différentes communautés (notamment Serbes et Albanais) dont les préjugés sont encore parfois tenaces. Et nous espérons également lancer une première équipe féminine, pour démontrer le caractère universel du rugby dans une société où les stéréotypes hommes/femmes ont la vie dure.
Jérémie Zeitoun, ce Français qui a amené le rugby au Kosovo

Pourriez-vous à long terme effectuer un tournoi des six nations D avec l'Albanie, le Monténégro, la Grèce, et d'autres pays des Balkans? Où en sont les pays qui pourraient disputer une telle compétition avec vous?

L'important pour assurer la progression de nos joueurs est de jouer des matchs, et encore des matchs ! Rien ne vaut l'apprentissage en compétition. Or pour l'instant, nous manquons de partenaires. La création d'un championnat national sera une première étape, mais avec seulement cinq ou six clubs, ceci n'a pas grand sens à moyen terme. Pour cette raison, le rugby kosovar ne peut s'épanouir qu'en s'inscrivant dans une dimension régionale. Notre partenaire naturel est le Monténégro, nouveau venu dans le monde de l'ovalie. Il fait figure de modèle de développement dans la région, et nous avons déjà disputé quelques rencontres contre des équipes monténégrines. Nous avons également joué en Albanie, qui possède une équipe à Tirana.
Mais les déplacements sont coûteux et nous manquons cruellement de ressources. Avec la Serbie, c'est malheureusement encore un peu difficile pour des raisons politiques. La Macédoine et l'Albanie en sont à leurs premiers pas, nous sommes attentifs à leur développement. Quant aux autres pays de la région avec une expérience rugbystique plus ancienne (Bulgarie, Croatie, Grèce, Roumanie, Slovénie), leur appartenance à l'Union Européenne rend les déplacements difficiles. Les politiques européennes restrictives font que la liberté de circulation n'est encore qu'un doux rêve pour les Kosovars. Malgré ces difficultés, nous réfléchissons d'ores-et-déjà en effet à la création d'une ligue pour le sud des Balkans, comme il en existe déjà une entre la Serbie, la Croatie, la Slovénie, la Bosnie, l'Autriche, la Hongrie, et la Grèce. L'une des sources d'inspirations est notamment la "North Sea Cup", compétition régionale créée il y a quelques années par la Belgique, les Pays-Bas, et l'Allemagne, ou encore la "Baltic Cup". Il reste encore du chemin à parcourir, mais je suis persuadé que nous parviendrons un jour à faire exister le Kosovo sur la carte du rugby européen.

Merci à Jean Tafernaberry (Le Rugbynistère) pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • HH
  • il y a 9 ans

Intéressant et très bonne remarque de Galtier .... ce n'est pas trop tendu sur le terrain entre serbes du Kosovo et kosovars? Mitrovica est dans la partie serbe du kosovo....

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