Etats-Unis : la fantastique aventure rugbystique d'un Catalan installé à Milwaukee
L'équipe des Milwaukee Barbarians.
Entre deux anecdotes savoureuses, Vincent nous raconte son rêve américain dans cette nouvelle chronique du Rugbynistère des Affaires Etrangères.

Vincent Esteve a 28 ans. Cet ingénieur d'application et de vente export a découvert le rugby il y a treize ans du côté de la Côte Vermeille, l'entente des équipes de Banyuls, Collioure et Port Vendres. S'ensuit un véritable parcours dicté par le travail et les études : Elne, Vinassan, Alès, le FCTT, l'Isle Jourdain, Pont de Claix et Voiron, le tout entrecoupé d'un passage chez les Saracens, version amateur. Actuellement aux Etats-Unis, il nous raconte son aventure au sein des Milwaukee Barbarians, à côté de Chicago.

Salut Vincent, comment t'es-tu retrouvé aux Etats-Unis ? 

Cela fait 6-7 mois que je vis aux USA. J’ai eu l’opportunité au sein de ma société de pouvoir intégrer ECM USA Inc., notre filiale américaine basée à Pleasant Prairie dans le Wisconsin, entre Chicago et Milwaukee. Ma vie se passe très bien, j’ai pris mes marques après avoir traversé toutes les formalités administratives qu’il faut à un étranger pour vivre aux USA, et c’est loin d’être facile ! J’ai toujours le même poste, ingénieur commercial, mais en territoire, je ne m’occupe plus que des Amériques, du nord au sud.

Ta vie se passe bien là-bas ?

J’essaie de l'organiser ma vie entre les entrainements du rugby, les déplacements, la salle de sport et les sorties. La vie américaine est je trouve plus facile qu’en France, les salles de sport sont ouvertes 24/24 7/7, les magasins sont ouverts tous les jours de la semaine ainsi que le weekend jusqu’à tard le soir, l’essence est moins chère. Après le point négatif, c'est la santé : il vaut mieux ne rien se casser ou ne pas tomber malade car ça peut vite couter très très cher (entre 2000 et 4000 dollars la radio).

Venons-en au rugby... Tu joues donc aux Milwaukee Barbarians. Comment s'est passée ton intégration dans l'équipe ?

Avant mon départ, j’ai commencé à regarder sur internet quels clubs étaient implantés à Milwaukee et leur niveau respectif. Mon choix s’est porté sur les Barbarians pour plusieurs raisons : c’est le seul club à avoir une équipe en D1 et D3 - les deux autres clubs n’ont qu’une équipe en D3 - ensuite les jours et les horaires d’entrainements me convenaient mieux. J’ai donc demandé à Florian Aubry, un futur collègue vivant à Milwaukee s’il pouvait rencontrer les coaches, lui aussi voulant jouer au rugby. Nos coéquipiers l'appellent d'ailleurs Flower, c'est trop dur de Florian en Anglais.

J’ai pu rencontrer les coaches et le lendemain, nous sommes allés regarder le tournoi des 6 nations à 10h du matin (décalage horaire oblige) au QG des rugbymen des Barbarians : l’Irish pub, dit I pub, bar où l’on se retrouve souvent après l’entrainement pour les célèbres tacos + PBR. C’est une bière... ou de la pisse je ne sais pas. J’ai donc attaqué la bière et le whisky à 10h du matin, je te laisse donc imaginer dans quel état j’étais à 1h de l’après-midi, beau moment et belle entrée en matière.


Et les entraînements ?

Une grande surprise, pour ne pas dire que je suis tombé de tout mon poids et de mon mètre 83 sur mon cul… Pas par le niveau, mais les infrastructures : on s’entraine donc dans un parc, du petit nom de Zablocki, on partage le parc avec d’autres sports,. Nous, c’est le mardi soir et le jeudi soir, on s’entraine de 18h30 à 20h30, on ne peut pas s’entrainer plus tard car après la ville coupe la lumière… Il n’y a ni vestiaire, ni douche, ni club house. Pour le Catalan que je suis, je peux te dire que rien de l’écrire, j’en tremble encore.

Donc après l’entrainement, tu changes de chaussures et tu vas au bar dégueulasse et après, les Français ont la réputation d’être un peuple qui ne se lave pas… Cette hypocrisie ! En termes de niveau, d’échauffement et de contenu c’est assez similaire à ce que j’ai pu connaitre dans ma carrière, donc plutôt un bon niveau.

Parle nous un peu plus de l'histoire de ton équipe.

Nous avons deux équipes, une en D1 qui est le plus au niveau aux USA - hormis le PRO Rugby USA qui s’est créé l’année dernière - et une en D3. En tout, il y a 4 divisions, plus le PRO rugby. Ce club est né de la fusion de deux grosses équipes de Milwaukee, les Arlequins et le Milwaukee rugby. Oui, ça me rappelle mon Perpignan natal, RIP le TOP 14 ! Malgré tout, il y a eu certains dissidents trouvant le club trop axé sur la compétition, et pas assez sur le loisir, ce qui a donné une autre équipe, les Black and White, qui évolue en D3.

Par rapport à ce que j’ai connu en France je dirais que globalement, la D1 a un niveau F3 et la D3 un niveau réserve de F3 ou H/PH. Les meilleures équipes de D1 seraient peut-être en F2. Notre D1 peine à se qualifier pour les play-offs : on est plutôt en bas de classement. Par contre, notre D3 se qualifie quasiment chaque année et nous passons un ou deux tours de phases finales.

Ici le rugby, c’est un peu moins la vie qu’en Catalogne : on joue le samedi, donc si tu as un anniversaire, un mariage, un gros repas de famille ou une sortie dans une grande ville comme Chicago, tu ne vas pas au match. Ayant deux équipes engagées, c'est parfois compliqué d’être 22 dans les deux cas. Pour jouer avec les deux équipes, c’est assez plaisant, même s’il y a encore du boulot.

La suite de l'interview en page 2 !

Quid du rugby en général et du jeu pratiqué ? Tu as l'impression que le sport est en plein boom et profite de l'arrivée du Pro Rugby USA ou pas du tout ?

Je vois une progression du sport, mais c’est très diffèrent d’un état à l’autre. Je ne vois pas un grand boom, plutôt un engouement qui grandit doucement pour ce sport. Il y a peu d’étrangers, et ils sont principalement britanniques, un peu français et un peu argentin et mexicain.

Le jeu est assez varié et utilise les forces de chaque équipe, selon que tu as des bons 3/4 ou un pack solide. Globalement, on sent quand même une inspiration du Royaume-Uni avec pas mal de combat et du jeu d’avant. La différence la plus marquante, dont je parle déjà à beaucoup de monde, c’est la différence physique. Techniquement, les Américains sont un peu en-dessous de nous, pour l’instant). Ils commencent tard le rugby, ils leur manquent le flair je vais dire, le sens du jeu que tu as quand tu commences petit et que c’est dans ta culture et ta TV.

En revanche tout le monde ou presque est super athlétique, j’ai été très surpris par les gabarits, tout le monde est gaillard et poulet. Du 1 au 15 tout le monde est en forme, ceci étant dû à une culture américaine qui pousse à fond derrière le sport jusqu’à l’université. Quasiment tout le monde a commencé par le foot US ici avant de se tourner vers le rugby.

Concrètement, quelles sont les grandes différences entre le rugby américain et le rugby français ?

Outre les infrastructures, il y a les déplacements. Comme il y a moins d’équipes, tu ne joues pas contre les villes aux alentours. C’est facilement entre 2h et 7h de voiture pour aller jouer à l’extérieur, toujours sans douche ou vestiaire. Le retour d’Iowa avec 5h de voiture après un match sous le pluie par 5/6 degrés, je peux te dire que je m’en rappellerai longtemps. Pour la petite histoire, les poteaux là-bas, ce sont des troncs d’arbre taillés grossièrement !


Il n’y a pas de bus non plus, chacun prend sa voiture et on co-voite, le club se propose de rembourser l’essence si on le demande. Donc pas de chanson dans le bus, pas d’hélicoptère et pas de fesses contre les vitres... Autre différence : il n’y a jamais de bagarre générale, et le jeu est plutôt propre, certaines équipes sont fourbes et font bien attention à pas se faire attraper par l’arbitre. Petite anecdote, toujours dans l’Iowa, là où il pleut et il fait froid, je mets une immense cathédrale et enterre le bonhomme. J’étais par terre, l’équipe adverse autour de moi, je me suis dit « bon tu vas manger chaud mon Vinz, ça va tomber épais on va pas y voir à un mètre ». Finalement, je me suis levé comme une fleur, ça crie un peu mais pas de poire.

En revanche, récemment on a joué contre la meilleure équipe de la partie Est des USA en match amical. Nul à la mi-temps, le coach les arrangue un peu en leur disant que ce sont des pipes et qu’ils ne valent pas un pichet de cidre… Du coup, en deuxième mi-temps, il y a eu des "encloscades" sur les déblayages, des poires dans les regroupements. J'ai terminé avec un oeil bleu pendant une semaine !

A la fin du match, on fait deux files indiennes et on serre la main à tout le monde, puis on boit des bières soit au bord du terrain avec de la bouffe, soit dans un bar partenaire. Un truc sympa à faire aussi en France je pense, c’est l’homme du match dans chaque équipe est élu par l’équipe adverse et les deux nominés boivent une bière cul sec le plus rapidement possible !

Le 7s occupe une place importante là-bas, tu crois que le développement du rugby aux USA passe par cette discipline ?

Tout a fait, il y a plus d’équipes, plus d’engouement autour du 7, les gens se déplacent plus. En même temps, l'équipe nationale est bonne donc ça incite à venir, et c’est plus spectaculaire. Le fait d’être un peu moins bon techniquement et super athlétique leur permet de compenser aussi. Le 7 est vraiment un vecteur important du développement du rugby aux USA selon moi. En plus, la saison commence vers mai-juin et se finit août-septembre : ça aide vachement surtout dans les Etats ou l’hiver il fait très froid.

Vous avez d'ailleurs disputé le tournoi de Lake Front !

Le Lake front, c’est le plus gros de tournoi de rugby à 7 du monde, hors circuit mondial. Il y a les femmes, les enfants, les jeunes, les hommes en amateur mais aussi dans une competition qui compte pour le championnat. Il se déroule sur le lac Michigan et plus de 150 équipes inscrites au total chaque année. L'année dernière, une équipe du Cambodge est venue et je compte le faire avec mes anciens coéquipiers l’année prochaine et avoir une équipe de Français.

Le Lake Front, c’est notre principale source de revenus hors sponsors, ça prend beaucoup de temps à organiser mais c’est vraiment génial : il y a une dizaine de terrains, des buvettes... mais toujours pas de vestiaires ! Ça se déroule sur une journée complète, début juillet.

Tu as également invité tes coéquipiers chez toi, en Catalogne... Raconte nous ça !

Je suis allé les chercher à Barcelone, on est sortis sur Emporia Brava, à la passerelle pour une grosse bringue. On a perdu un des Américains, il est sorti tout seul, s'est fait courser par un chien (j’ai encore son short croqué et déchiré) et s'est retrouvé à Rosas. J'ai appelé la police puis la police fédérale pour savoir s’il était à l’hôpital à Rosas, maintenant c’est drôle mais sur le coup on a flippé !


On est pas mal restés chez moi à Banyuls sur mer, j’ai une villa là-bas. Le samedi, on a converti mon garage en discothèque pour une fête jusqu’à 7h du matin : grillade, tireuse a bière, la totale. Mes voisins n’ont pas trop apprécié, je peux te le dire ! Une nuit mémorable. On a visité Carcassonne, Toulouse, Canet, Perpignan et la côte cerbère. On est passés dans une boutique Jackie et Michel ! Je leur expliqué le concept et du coup, à la question "merci qui ?", ils disent "merci Jackie et Michel" avec l’accent américain, c’est insoutenable !

On a vu quelques matchs, et pour finir, on s’est entrainés avec la côte vermeille, mon premier club de rugby. Les mecs des USA ont adoré et pour le vol retour, tout le monde était vraiment fatigué, pulvérisé, voire vaporisé même (Rires).

Enfin, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

Je rentre entre une et trois fois par an en France, mais je compte rester aux Etats-Unis pour un moment, je vais passer mon permis américain et essayer d’avoir ma Green Card. Rugbystiquement, je vais jouer jusqu’à ce que mon corps me mette un gros stop et me dise que ça suffit ! Toujours aux Barbarians, ce club est vraiment magique, j’y ai vraiment trouvé ma deuxième famille. A court terme, on regarde avec le président pour faire venir une équipe complète l’été prochain en Catalogne pour faire un summer camp rugby.

A moyen terme / long terme, j’ai le rêve, comme beaucoup de joueurs, d’ouvrir un bar de rugby ici aux USA et surtout d’avoir un stade à moi avec un club house. Je regarde doucement le business modèle pour le louer aux différents sports. Ici, on demande aux parcs de nous laisser l’accès donc on ne peut pas faire ce qu’on veut, ni avoir les poteaux permanent, un tableau d’affichage, des vestiaires... Avoir une entreprise privée, ça a donc du sens ici : à voir si c’est rentable.

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