À la rencontre de Cheyenne Dalverny, première Française à jouer chez les pros au Japon
Cheyenne Dalverny au Japon avec les Tokyo Phoenix.
Cheyenne Dalverny a 21 ans. Elle est depuis quelques mois la première Française à évoluer au Japon, au sein du Phoenix Tokyo Rugby Club. Rencontre.
Cheyenne Dalverny a 21 ans. Née sur le bassin d'Arcachon, elle baigne très tôt dans le rugby grâce à son père et l'accompagne souvent lorsque ce dernier s'entraîne au milieu des Sotele Puleoto et Serge Betsen au BOPB. Un déménagement dans la Drôme ne freinera pas son amour du ballon ovale mais c'est seulement à 17 ans qu'elle débute à Saint-Maximim-la-Sainte-Baume. Rapidement repérée, c'est avec « les grosses, ces intellectuelles cachées qui expriment à volonté leur fierté d’aller au charbon » qu'elle se fait une place, puisque de son propre aveu : « j'adore les massages et ne suis pas avare pour masser quelques côtelettes ». Troisième-ligne aile (à XV) et pilier (à 7), elle finit rapidement vice-championne de France avec le comité Côte d'Azur, avant d'être convoquée pour un stage avec l'équipe de France des -18 ans et de rejoindre La Valette, en Top 8. Vous parlez d'une ascension... Aujourd'hui, c'est au Japon qu'elle s'épanouit et on a décidé de lui poser quelques questions.

Salut Cheyenne ! Déjà, une première question s'impose... Pourquoi le Japon ?

J'étais très heureuse de jouer en Top 8, mais je stressais et désespérais de pouvoir vivre ma seconde passion un jour : aller au Japon et apprendre la langue. J'aime tout ce qui fait ce pays, ses habitants si gentils, serviables, civilisés, son patriotisme, son histoire, ses traditions, sa nourriture, sa langue, son style de vie avec un coté traditionnel et un autre très évolué technologiquement, comme un pont construit avec une pile dans le passé et une autre dans le futur. J'aime aussi la rigueur japonaise, son "Fighting Spirit", ils ont un mental hors du commun, ils travaillent extrêmement dur pour devenir meilleur et ce qu’il y a de sûr, c'est qu'il faudra de plus en plus compter sur eux au plus haut niveau. Je peux affirmer qu'ici, les moyens mis à notre disposition sont dignes des plus grands clubs pros et que l’engagement est permanent. Salle de sport, préparateurs physiques, kinés, nutritionnistes... Tout est mis en place pour que nous puissions nous dépasser.

Mais justement, comment t'es-tu retrouvée au Japon ?

En mai 2015, j'ai pris la décision de partir pour la saison 2016/2017. La vie est faite d’opportunités, et le sport en est un vecteur important. J’ai pu compter sur mon père qui a pris l'initiative de se mettre en contact avec les Tokyo Phoenix, un club que j’aimais beaucoup puisqu'il compte dans ses rangs des joueuses internationales que j'estime énormément comme Chisato Yokoo, Misaki Suzuki, ou anciennement Chiharu Nakamura la Capitaine nipponne de l'équipe Seven. Quelques renseignements pris sur le championnat, son organisation et de longues discussions avec Yohei Shinomiya (ancien international Japonais et coach des Tokyo Phoenix) ont suffi pour me décider à venir dès cette année. J’ai donc organisé mon départ en moins d’un mois car la saison de 7 démarre en juin. Le plus dur a été de dire au revoir à ma famille, mais le 1er juillet, j'étais dans l’avion en direction de Tokyo. Je vis dans une famille formidable près de Tokyo, dans la préfecture de Kanagawa. C'est aussi une famille du rugby, leur fils est parti jouer en Nouvelle Zélande !

Tu es aussi la première française à jouer là-bas, dans un club de bon niveau s'entend. Qu'est-ce que ça t'inspire ?

Claude Yoshizawa, président du club « Midi-Pyrénées Japon 2019 », association assurant la promotion de la coupe du monde de Rugby en 2019, m’a dit à ce sujet que j’écrivais l’histoire… C’est sans doute vrai, étant la première, mais rien n’a été préparé en cette intention. Je suis fière de montrer ce pays qui me fascine et peut-être de créer des vocations. Mon expérience ici permettra sûrement à d’autres joueurs ou joueuses de franchir le pas, et si je peux en aider certains ce sera avec grand plaisir : le rugby n’est-il pas une belle et grande famille ?

À la rencontre de Cheyenne Dalverny, première Française à jouer chez les pros au Japon

Raconte-nous un peu ton acclimatation.

C’est la première fois que je me rends au Japon, mais ce n’est pas pour autant un terrain inconnu. Je vis un rêve éveillé, avec beaucoup de déjà-vus car j'y ai beaucoup voyagé avec la culture, la proximité qu'offre internet... J'avais quand même une petite once d'anxiété : « Et si ce n'était pas comme je le pensais ? Et si j'étais déçue ? » mais ces questions ont été balayées dès lors que je survolais le pays. Mon visage était collé au hublot, des étoiles pleins les yeux, ce qui a fait rire le Français qui était juste derrière moi ! Quand j'ai commencé à visiter Tokyo, je marchais la tête dirigée vers le ciel, la bouche entre-ouverte. On aurait dit un remake des « Visiteurs » ! (Rires)

Concernant la langue, j'avais commencé à l'étudier par moi-même et heureusement d'ailleurs ! Savoir lire les Hiragana et les Katakana ici est d'une grande aide. Je ne parle pas encore japonais couramment mais je connais pas mal de vocabulaire, ce qui me permet de parfois capter des bribes de phrase, de les regrouper dans ma tête et du coup comprendre le sens d'une conversation. Je continue de travailler mon japonais dès que j’ai un moment de libre.

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Comment se sont déroulés tes premiers entraînements ? Quelles différences as-tu pu constater entre la pratique du rugby nippon et celle que tu avais pu déjà expérimenter ?

J'ai été accueilli très chaleureusement par toutes les filles et le staff, j'ai pu m'intégrer très vite ! Mes premiers entraînements - surtout le premier - étaient très difficiles. Je n'avais pas couru depuis un peu plus d'un mois parce que je préparais mon départ, alors que les filles sur place étaient en fin de préparation pour arriver au top sur les tournois. Et j'ai attaqué mes entraînements avec une grosse séance de physique, sous une chaleur atroce, je n'en voyais pas la fin. Ici, on s'entraîne 2h-2h30, minimum ! Mon plus long entraînement a duré 3h, voie 4 si on compte l'entraînement individuel. C'est une des différences qu'il y a avec la pratique du rugby chez nous. Ici, on s'entraîne beaucoup plus et les joueurs ont une rage de vaincre et une endurance hors du commun.

Le seul point qui leur fait défaut, c'est la puissance, avec des gabarits plus fins que le nôtre. Les infrastructures aussi sont différentes : celles dont nous disposons ici sont comparables à celles de Marcoussis. Tout est mis en place pour que nous évoluions le plus rapidement possible. La rigueur japonaise n’est pas un mythe, c’est la réalité du quotidien. En ce qui concerne les différences, je dirais que le rugby est un peu plus académique et très appliqué, sans doute pourrais-je y apporter une bonne dose de French Flair. Je l'espère…

Justement, quelles visions tes coéquipières ont-elles du rugby français ?

Une vision très positive ! Elles sont très impressionnées par les gabarits des joueuses Françaises, à chaque fois que je leur montre des photos de mes anciennes coéquipières ou des filles contre qui j'ai joué. Elles sont en demande constante d’apprentissage, et le mot d’ordre en entrant sur le terrain est « donne ton maximum et faites vous plaisir ». Bien entendu, gagner est important, surtout pour un club voulant jouer le premier rôle, mais la manière compte aussi. Il existe un vrai esprit Rugby.



Parle nous un peu plus en profondeur de ton club, de son histoire.

Le Tokyo Phoenix rugby club est né en 2002, année à partir de laquelle les titres remportés se sont succédés jusqu'en 2009. En 2013, mon coach actuel l'a repris en main, désirant en faire un club phare du rugby féminin, connu dans le monde entier. Il s'inspire de clubs français comme le RCT pour le diriger, désirant avoir une équipe riche en accueillant des internationales de différents pays. Les projets sont très ambitieux. En 2015, l'équipe a fini 2ème au classement général du Taiyo Seimei Women's Seven Series. La plupart du temps, nous faisons du 7, mais nous avons aussi une petite période sur laquelle nous jouons à XV (septembre et octobre). Les clubs forment des alliances afin d'avoir l'effectif nécessaire pour jouer.

À la rencontre de Cheyenne Dalverny, première Française à jouer chez les pros au Japon

Dans mon club, nous comptons un peu plus d'une trentaine de personnes en incluant le staff. Je ne suis pas la seule étrangère, trois de mes coéquipières sont Néo-Zélandaises, auxquelles s'ajoutent deux joueuses de Singapour. J'attends beaucoup de nos tournois internationaux en novembre et décembre, en faisant le maximum pour que notre club brille au plus haut niveau.



Selon toi, qu'est-ce qui fait la force du rugby japonais ? Et, a contrario, pourquoi pourrait-il rencontrer des difficultés à se développer ?

Ce qui fait la force du rugby japonais est définitivement son état d'esprit. Je suis vraiment impressionnée ! Pour les points négatifs, outre les gabarits, il y a la question des terrains. Dans certains endroits, l'herbe est difficile à faire pousser, ne laissant finalement qu'un terrain de terre, même si depuis que je suis ici, je m'entraîne dans de très belles structures. Le fait de jouer, comme lors du Yokohama Sevens, sur un terrain synthétique sous une grande chaleur occasionne de belles brûlures, mais ça fait partie du jeu. Je pense que le rugby nippon va réellement surprendre, tant il y a d'engagement pris par les staffs, les joueurs, les sponsors. D’ailleurs, nous projetons avec les Phoenix de réaliser une tournée française et européenne : si des sponsors sont intéressés, qu'ils me contactent !



Enfin, jusqu'à quand comptes-tu rester là-bas ? Et qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour le futur ?

Pour le moment je profite de chaque jour sans compter. La question de mon avenir se posera forcément, il faudra continuer d’allier envie sportive et réalisation professionnelle. Pour commencer, je vais faire un an ici, avant de rentrer en France pour retrouver ma famille, mes amis... Retourner au Japon est une possibilité, rentrer définitivement en France aussi, mais pourquoi ne pas découvrir un autre pays pour apprendre une nouvelle langue ? J’ai aussi un faible pour la Corée du Sud. Quoi que je choisisse, je sais que j'aurai toujours ma place en France : je suis partie de La Valette en étant en très bons termes avec mes coéquipières et coachs, des clubs de Top 8/Armelle Auclair m’avaient sollicité pour la saison 2015-2016. Je ne dis « non » à rien, je laisse juste le temps me porter pour le moment et voir où cela me mène. Je ne cache pas mon affection pour les Toulonnais, alors peut-être aurais-je le plaisir de fouler la pelouse de Mayol un jour.

D'ici là, il faudra récupérer des séances made in Japon... Courage Cheyenne !

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C'est génial qu'elle ait pu avoir cette opportunité et l'envie d'y aller. Bravo et éclate toi bien!!

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