RUGBY AMATEUR : le récit sur la Tronche, qui va faire vibrer tous les joueurs de premières lignes
Le récit sur la Tronche.
Découvrez un récit pas comme les autres avec ce témoignage de Séb sur l'une de ses expériences de jeunes joueurs.

La fameuse confrérie, celle du taiseux, celle du courageux dit-on, de ceux qui portent plus particulièrement les "valeurs" de ce sport, celle du gaillard, celle dont on affuble tout un tas de surnom tous aussi incongrus les uns que les autres. Avec un gabarit bâtard, forcément tu vas jouer en tronche, et moi qui avait un gabarit tellement bâtard qu'il m'arrivait d'occuper les trois postes de la 1ere ligne, les confrères de la confrérie me comprennent : je n'en peux plus de ces changements de règle, de ces interprétations à deux balles, de ces décisions ubuesques, et de ces types en général qui n'y ont jamais mis le nez.

Alors en plus, on vient m'expliquer que l'effort est collectif... Mouais, c'est vrai que seul contre 8, je n'aurais jamais fait la maille, pourtant, la mêlée, avant d'être collective, c'est avant tout un duel entre mon vis-à-vis et moi. Je le respecte, certes, mais je n'ai qu'une envie au fond de moi, c'est lui marcher dessus, le faire couiner, sauter comme un bouchon de champagne ou pire : voir ses deux pieds décoller du sol avec le cul plus haut que la tête parce que son con de 2e ligne n'est pas capable de comprendre qu'il faut lâcher pour ne pas lui mettre le dos en accordéon.

On a tout connu : les discours dans les douches, les échauffements dans les vestiaires, les mecs qui te regardent droit dans les yeux et te harranguent alors qu'ils jouent derrière, les 2nde lattes qui balancent des poires bien à l'abri de la 1ere ligne - justement - et ce jugement pour savoir si tu as été brave ou non. J'ai le souvenir d'un match épique en espoirs contre le très fameux B, en rouge et bleu. Nous les recevons à la piaule un beau samedi après-midi, juste après le match des Reichels... J'évoque les Reichels parce qu'à l'époque, j'étais encore Reichel et on me demanda de monter faire le nombre en espoirs.

Me voilà donc propulsé pilier droit en espoirs... Je ne savais pas à l'époque que je passais une formation de boucher, et encore moins que c'était moi qui servirait de morceau de viande afin de valider le diplôme de ces chers jeunes Biterrois... Enfin, je dis jeunes... Mais lorsqu'ils ont débarqués dans les tribunes avec les sacs et la tenue fringuante, on a vu arriver des colosses patibulaires aux physiques monstrueux et je l'apprendrais à mes dépens quelques minutes plus tard.

Bien calé dans les tribunes avec des reichels remplaçants en lever de rideau des espoirs, je commençais à subir les railleries de mes jeunes collègues... Tu vas te faire défoncer, donne ton testament maintenant, il est temps, que veux-tu sur ton épitaphe ? Et j'en passe. Voilà le temps d'aller au vestiaire se préparer... Belle surprise dans la continuité de l'après-midi annoncée : il n'y a pas d'arbitre, c'est donc un des soigneurs biterrois qui officiera en tant qu'arbitre central... Autant vous dire que la peine sera multiplié.

Nous voilà dans le couloir, prêts à rentrer sur le terrain... Alors, comment vous expliquer cette scene ? Je mesure 1m70 pour 95kg à l'époque, je sais, ça fait ridicule et pourtant le croirez-vous, je n'ai jamais été ridicule en mêlée. Petit trapu, des reins pas trop de gras, ma préférence étant naturellement de jouer à gauche ou au talon, mais là c'est bien à droite que je serai titulaire. Sans mentir, nous avions à côté de nous des monstres gaillards déjà élevés à la muscu, nous devions - je pense - rien qu'en 1ère ligne, leur rendre 20kg chacun. On aurait dit une équipe d'enfants face à des shreks méchantsA ce moment là... Quel que soit le discours, tu as beau chercher à te rassurer dans le regard de tes collègues de la 1ere ligne, tu comprends à leur tete qu'ils ne sont pas plus fiers que toi et que l'après-midi va être ou très très longue, ou au contraire très très courte

Coup d'envoi, tu fermes les yeux et tu y vas. On s'en doutait, les contacts sont sévères même s'ils ont gagné psychologiquement le match d'avance, ils ne sont pas là pour faire de la figuration. Et le moment tant attendu arrive...la première mêlée. Même après être rentré dans le match, tu vois vite qu'en face, même si ce ne sont que huit bonhommes avec deux bras et deux jambes chacun... Ils sont toujours aussi monstrueux, ça va piquer à l'impact... Oui, parce qu'à l'époque (2000), il n'y avait pas encore les liaisons avant de rentrer... Et puis, mon vis à vis.. un boucher mangeur d'enfant.

Introduction pour nous, flexion, je me cale, entrez ... C'est du dur, du béton, mais ça tient suffisamment pour conserver la balle. L'arbitre, enfin, le soigneur, est de mon côté. Mon vis à vis me dit : "tu pousses en travers la prochaine je te défonce" J'en ai été surpris... Pourquoi, puisqu'il m'avait sous la main à la sortie de la mêlée, n'en a-t-il pas profité ? Me laissait-il une chance, dans un élan de générosité, la possibilité de corriger ma maladroite posture ? Ou au contraire, cherchait-il à m'impressionner encore plus... De vous à moi, il n'a pas du s'en rendre compte, mais il ne pouvait pas plus m'impressionner que je ne l'étais déjà. 

Evidemment, le 2e moment tant attendu ne tarda pas à arriver. Un idiot de 3/4 fait un en-avant. Toujours prêt à faire les coqs mais là pour le coup, il m'a mis dans la merde... Et donc voici la deuxième mêlée... Je vous l'annonce, elle n'a pas duré longtemps, juste le temps de rentrer et de se relever... Enfin tout le monde s'est relevé sauf mon vis à vis. Et moi, rien. Pas un picotement, pas une boursoufflure ni le moindre truc. Ne me félicitez pas, je ne l'ai pas touché non plus, je n'ai que brassé de l'air pour éviter d'en prendre une et ce n'est qu'après que j'ai réalisé que mon vis à vis était par terre, la truffe sanguinolante à 90°, insultant son 2e ligne : "con**** tu m'as pété le nez !" J'ai compris la délicatesse de ces gens du bord de mer : alors qu'il cherchait à me démonter, il m'a défendu !

J'avoue, l'espace de quatre secondes, j'ai jubilé dans mon fort intérieur : ça n'a pas duré longtemps, j'ai compris ma peine en voyant le remplaçant rentrer en 2nde ligne. Si si, le seconde ligne qui venait d'essayer de me descendre passait en tronche... Il se trouve que finalement, ce deuxième ligne était beaucoup moins dangereux une fois qu'il était monté d'un cran. L'arbitre, enfin le soigneur, n'a pas mis un carton du match, on a pris 40 points à la maison et j'ai même eu droit aux félicitations de l'entraîneur pour avoir fait un bon match en mêlée, ne pas m'être échappé et avoir tombé une golgoth dans ce qu'il reste dans mes souvenirs une parodie de match et de rugby.


Merci à Seb pour le texte.

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c'est rigolo l'interprétation que chacun fait de l'article

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